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ALCINDOR, à part.

Oui, je suivrai la volonté d'Aline;
Cruel effort! mais je m'y détermine.

Que dites-vous ?

ARSÈNE.

ALCINDOR, avec une froideur affectée.
Que j'ai pris mon parti.

J'ai réfléchi sur votre caractère;

Assurément vous avez l'art de plaire.

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Tout ce que j'ose à présent demander...

Ce que j'attends de votre bienfesance...

C'est d'augmenter, s'il se peut, ma souffrance..,

De redoubler vos mépris, vos froideurs....
Oui, j'ai besoin de toutes vos rigueurs.
Pour me guérir de mon extravagance.

(*) Pendant toute la suite de cette scène, le dépit et l'amour percent à travers la contrainte d'Alcindor.

ARSENE.

Vous, me tenez un langage nouveau ;

Mais Chevalier, vous êtes en démence?

ALCINDOR.

Oui, je vous aime encor.

ARSÈNE.

Quelle apparence ?

ALCINDOR.

J'aurais, sans doute, aimé jusqu'au tombeau,
Si j'avais eu du moins quelque espérance :
Heureusement j'ai reçu mon congé,
Et de vos fers, avant peu dégagé....

ARSÈNE.

Vous n'aurez pas, je crois, beaucoup de peine.

ALCINDOR, vivement.

Non, grâce enfin à votre humeur hautaine,
D'un fol amour je serai corrigé.

ARSENE.

Vous me manquez de

respect.

ALCINDOR.

Ah! Madame !

J'aurai toujours dans le fond de mon ame
Tout le respect, les égards mérités....
J'aurai pour vous l'estime la plus grande....
Mais plus d'amour, vous me le permettez....

ARSENE, fièrement.

Je le permets, et de plus le commande :
Sur ce point-là mon cœur s'est expliqué.

(Négligemment.)

Si je voulais, malgré votre air piqué,
Et cet éclat qu'indécemment vous faites,
D'un seul regard, avec un mot plus doux,
Je vous ferais tomber à mes genoux;
Mais c'est un art que je laisse aux coquettes,

ALCINDOR.

Mais on pourrait soupçonner que vous l'êtes.
ARSENE, avec surprise.

Qui, moi?

ALCINDOR.

Vous-même ; et, dans le fond du cœur,

Vous n'avez pas cet excès de froideur...
Non, la nature, uniforme et constante,
Ne produit point de femme indifférente ;
Elle n'est point sujette à cette erreur.
De mille amans vous êtes entourée ;
En paraissant insensible à leurs vœux,
Vous jouissez de vous voir adorée ;
De leur encens vous êtes énivrée,

Et vous voulez, en resserrant leurs nœuds,
Par vanité faire des malheureux,

ARSENE, avec émotion.

M'avez-vous vue encourager leurs flammes,
Les honorer d'un favorable accueil ?

ALCINDOR, dédaigneusement.

Si vous aimez à tourmenter leurs ames,
C'est
que l'amour cède encore à l'orgueil.
Sans vous fâcher, si j'osais vous prédire...

ARSENE, avec une colère concentrée. Soit. J'aime à voir jusqu'où va le délire.

ALCINDOR.

Vous n'aimez pas. Vous aimerez un jour.
C'est une loi, rien n'échappe à l'amour.
Un jeune cœur qui ne sent point sa flamme,
Est une fleur qu'on prive du soleil.
L'indifférence est le sommeil de l'ame;
C'est de l'amour que dépend le réveil.

ARSÈNE, se retenant à peine.

Vous pensez juste, et j'avoue, à ma honte,
Que ce cœur fier est capable d'aimer.

J'ai toujours craint cet amour qui nous dompte.
J'appréhendais de vous trop estimer.

J'aurais fini par vous aimer peut-être ;

Mais contre vous vous venez de m'armer.

Pour mon bonheur, je gagne à vous connaître ; Et, si je dois un jour donner ma foi,

J'attends un cœur qui soit digne de moi.

ALCINDOR.

Fort bien. Je sens que le mien se soulage.

(A part.)

Je sens plutôt le remords dévorant... 'Aline... Aline a reçu mon serment...

(A Arsène, tranquillement.)

La beauté seule est un frêle avantage;
Tout son éclat s'efface promptement.
(Avec sentiment. )

L'aménité, la douceur, l'enjoûment,
Ont le pouvoir de fixer à tout âge;

Et l'amitié, ce tendre sentiment,

Cet intérêt qu'on inspire et partage,

Peut donner même un charme à la laideur.

(Vivement.)

Ah! la beauté réelle est dans le cœur ;

Et si jamais un autre objet m'engage;

Je veux qu'il soit digne de mon hommage.

(Ces derniers mots doivent se dire à demi-voix, et avec ménagement.)

ARSÈNE.

Ah! c'en est trop. Otez-vous de mes yeux!..
Et pour jamais... Après un tel outrage...

ALCINDOR, avec une chaleur qui témoigne sa passion.

Oui; sans regret, j'abandonne ces lieux,

Et mon repos... cruelle !... est votre ouvrage.

Sortez... sortez.

ARSÈNE.

ALCINDOR.

Oui, je sors.

(A part.)
Ah! grands Dieux!

(Alcindor, en sortant, rencontre Aline, qui le console et l'encourage par un jeu muet, pendant le monologue d'Arsène.)

SCÈNE III.

'ARSÈNE, seule, émue.

ENFIN il part... Dois-je en être affligée ?
Se pourrait-il!... Que son ame est changée !

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