ACTE QUATRIÈME. Le théâtre représente un désert affreux, entrecoupé de rochers, d'où se précipitent des torrens; dans le fond est une épaisse forêt, avec une cabane de charbonnier. SCÈNE I. ARSÈNE seule. ARIETTE. Ou suis-je ? quelle nuit profonde? Malheureuse! où porter mes pas? Aline, Aline; hélas ! pardonne.... (Le tonnerre tombe sur un arbre qu'il brise. Arsène pousse un cri perçant, se jette à genoux, se couvre le visage d'une main, et étend l'autre vers le ciel.) Ah! (Après un long silence, pendant lequel l'orage cesse et le tems s'éclaircit insensiblement.) Je me meurs! Aline m'abandonne ; Je vais.... finir mes tristes jours. (Elle apercoit un ours qui traverse le théâtre pour regagner la forêt.) Un monstre! Au secours au secours ! Au secours! La mort m'environne ! Au secours, au secours! au secours ! SCÈNE II. ARSÈNE, UN CHARBONNIER. LE CHARBONNIER, chantant et sifflant sans être vu. ARSÈNE. J'entends.... Je vois venir.... (Les paroles qu'elle dit ensuite sont chantées et se joignent à la chanson du charbonnier; ce qui forme une espèce de duo.) A l'aide! sauvez-moi. LE CHARBONNIER descend d'une colline, 'un bâton d'une main, une lanterne de l'autre. Eh! nargue du chagrin, Nous aurons du bon vin. ARSÈNE. Prêtez l'oreille à ma voix gémissante, LE CHARBONNIER. L'orage, le tonnerre ARSÈNE. Venez dissiper mon effroi. LE CHARBONNIER. Nous aurons du bon vin; Eh nargue du chagrin, ARSÈNE. Je suis faible.... Je suis mourante. LE CHARBONNIER. Heu! qui va là? qu'est-ce que j'aperçois ? C'est une femme ! ARSÈNE. Hélas! qui qué tu sois, Par charité, viens adoucir ma peine. LE CHARBONNIER, l'examinant. Rassurez-vous. J'aurais grand tort, ma foi, (Haut.) Des ours, des loups. Je n'ai qu'une chaumière; Mais vous aurez un bon gîte chez moi. ARSÈNE. Un tel bienfait aura sa récompense. LE CHARBONNIER. J'y compte bien; mais, mais dites-moi donc;" Pendant la nuit, à pied, sans compagnon ? Comme on pourra. J'ai du lard et des œufs. Sait, bien ou mal, faire un peu de cuisine. Et sans façon.... ARSENE. Vous pensez.... quelle horreur! LE CHARBONNIER. Au demeurant, la chère sera bonne. Le seul chagrin qui trouble un peu mon ame, ARSÈNE, à part. Qu'il est brutal ! LE CHARBONNIER. De dépit elle est morte, Et tout exprès, encor pour m'affliger: (Gaiment.) Mais je vous vois, la perte est réparée. Vous me plaisez. ARSÈNE. O ciel! Ah! quel danger! LE CHARBONNIER. Il ne faut pas faire la mijaurée. ARSÈNE. Qui! moi, céder! LE CHARBONNIER. Êtes-vous mariée ? ARSÈNE. Que vous importe? LE CHARBONNIER. Ayez le ton plus doux, Si vous voulez que je sois votre époux. ARSÈNE. Puis-je à ce point me voir humiliée ! LE CHARBONNIER. Dans vos regards j'aperçois du dédain, |