LE CHARBONNIER. Il est bien doux de faire des heureux. ARRENE. Quoi, vous m'aimez ? LE CHARBONNIER. Oui, parbleu, je vous aime. Ah! respectez mon destin rigoureux; LE CHARBONNIER. Votre sort n'est point rigoureux, N'abusez pas de mon malheur extrême ; LE CHARBONNIER. Je goûte fort votre système. Il est bien doux de faire des heureux, LE CHARBONNIER. Moi, comme un sot, aimer avec fadeur! Ces agrémens qui te rendent si belle, Si fière... dis, sont-ils formés pour toi ? Non; c'est pour l'homme; or, j'en suis un, je croi : Donc, j'ai des droits; ne sois pas si rebelle. Plus de souci, soyons de bonne humeur. ARSENE, effrayée. La fatigue, la peur... LE CHARBONNIER, à part. La pauvre enfant est presque évanouie. (Haut.) Asseyez-vous. (Il la fait asseoir sur un banc de gazon qui se trouve au pied d'un rocher. ) Prenez soin de vos jours. ARSÈNE. Je n'en puis plus. (Haut.) LE CHARBONNIER, à part. Son état m'intéresse ; Hé bien!... chez moi vous serez la maîtresse ; (Il sort en courant vers sa chaumière.) SCÈNE V. ARSÈNE. De mon malheur j'aurais tort de me plaindre; J'ai tout perdu. Quelle était mon envie ! Ne puis-je pas sortir de ces déserts ? Voyons... Cherchons... (Elle monte sur la cime du rocher, et porte la vue de toutes parts.) Il n'est aucune issue. Dieux! je succombe, et mon ame abattue... Cher Alcindor, ton amour outragé... Par mes regrets tu n'es que trop vengé. Ah! je n'ai plus d'autre espoir que la mort. (Elle s'appuie sur le rocher, et parait s'évanouir; à l'instant le théâtre change et représente un vaste fet superbe salon orné de festons et de guirlandes, et prêt pour une fête nuptiale. Arsène se trouve sur un riche canapé. ) SCÈNE VI. ARSÈNE, ALINE, ALCIN DOR, ARTUR; CHEVALIERS. DAMES. ALCINDOR, courant se précipiter aux pieds d'Arsène. RECONNAISSEZ l'amant qui vous adore. ALINE. Modérez-vous, il n'est pas tems encore. (Elle le fait retirer dans le fond du théâtre. Arsène revient à elle peu à peu, pendant que l'on chante en sourdine le chœur suivant.) Est-ce une erreur de mon ame éperdue! Où me trouvé-je! et qui frappe ma vue? ALINE. Pour Alcindor, il se marie. Excusez-moi, je vous ai retirée Pour un moment d'un séjour plein d'attraits, ARSENE. Vous m'accablez. Ah! ma chère marraine ! Quoi! votre cœur peut jouir de ma peine! Ah! par pitié... si je fus jusqu'alors Impérieuse et trop énorgueillie, Je m'en repens, sans m'en croire avilie; L'ame s'élève en avouant ses torts. ALINE. Voilà l'orgueil que je trouve excusable; Tout autre égare et devient méprisable. Mais Alcindor, cet amant rebuté... |