Il faut l'interroger, et si vous permettez... LE COMTE DE GARINS. Non, non; laissez-moi dire, écoutez, écoutez; Que vous ne l'aimez plus, qu'il cherche un autre objet, NICOLETTE. En vain, ma bouche le dirait; Dans mes regards, Seigneur, il lirait le contraire, Et ne me croirait pas. LE COMTE DE GARINS. Comment donc! imprudente, Quel espoir vous séduit? quelle est donc votre attente? NICOLETTE. Seigneur, je suis au désespoir De la peine que je vous cause; LE VICOMTE. En acceptant ce qu'elle vous propose, De faire cesser vos alarmes. J'y prirai le ciel pour vos jours, Et pour les siens.... Ah! qu'il m'oublie, Soit consacrée à des amours Que la naissance justifie. (Elle se jette à genoux.) Au fond d'une sainte retraite, etc. LE COMTE DE GARINS. Elle m'attendrit. Levez-vous. Je ne sais si c'est par magie, Ou par son ton et son air doux; Mais j'ai presque pleuré. SCÈNE VII. LE COMTE DE GARINS, LE VICOMTE. NICOLETTE, UN SOLDAT. LE SOLDAT. GRANDE, grande victoire! Sire Aucassin, Seigneur, est un second Roland, Et le combat le plus brillant En ce jour le couvre de gloire; Du grand portail il fait lever la herse; Presque seul il s'échappe; il part, frappe, renverse; On ne saurait nombrer tous les soldats qu'il perce: Le comte Bongars lui-même vient à lui, Et lui porte un grand coup de lance; Ferme sur ses arçons, sire Aucassin s'élance, Enlève et fait tomber son fatal ennemi, LE COMTE DE GARINS. Vicomte, vite, dépêchez; Emmenez votre Nicolette, Et que ses jours à jamais soient cachés Au plus haut de la tour, dans la chambre secrète. SCÈNE IX. LE COMTE DE GARINS, AUCASSIN, LE COMTE DE BONGARS, LE VICOMTE. Non, non, laissons-là tout reproche, Vaiqueurs, usons mieux de nos droits; Songez plutôt, mon père, à tenir la parole Dont envers votre fils vous vous êtes lié, LE COMTE DE GARINS. Que dites-vous ? AUCASSIN Quoi donc ! l'auriez-vous oublié, Mon père, ou cherchez-vous un prétexte frivole? Quoi! ne m'avez-vous pas promis, Que, si le ciel ramenait votre fils Que je pourrais, et dans ce même lieu, LE COMTE DE GARINS. Non, mon fils, non; ce serait un supplice AUCASSIN. Quoi! vous me refusez! LE COMTE DE GARINS. Oui, sans doute. AUCASSIN. Il suffit; Ainsi donc, oubliant tout ce qui vous engage.... Comte, n'êtes-vous pas un de mes prisonniers? LE COMTE DE BONGARS. De votre foi cette main est le gage, Et j'exige de vous que vous accomplirez Ce que je vous dirai de faire; Jurez-le moi, jurez, jurez. |