SCÈNE II. LE PATRE, seul. (Il porte la lance et le bouclier d'Aucassin.) QUE la journée est rude! M'a-t-il donc fait assez courir? Nos chevaux sont tombés de pure lassitude, ARIETTE. Que de pièces d'or! C'est comme un trésor ; La belle monnoie! Que vais-je acheter? Pour le labourage, Nous nous mettrons deux. Prendrai-je Nanette, Ou la fille à Jean? Avec mon argent, J'aurai la plus belle. (Il écoute.) Je crois qu'il appelle; 27 Revoyons notre or, SCÈNE III. AUCASSIN, LE PATRE. AUCASSIN. Quoi donc ! tu restes-là sans nulle inquiétude? Celle qui t'a parlé dans cette solitude. LE PATRE. Oui, c'est ici que je l'ai vue, Je reconnais l'endroit à la branche fourchue AUCASSIN. Que vois-je, une couronne! Elle est ici venue, Nicolette? Colette! (On entend une voix.) NICOLETTE. Aucassin, Aucassin. SCÈNE IV. LE PATRE. C'EST elle que le ciel envoie, Ah! mon bon Dieu, que j'ai de joie! Oui, presque autant que m'en fait mon argent, Comme près d'elle il est content! Comme ils sont gais, comme il est aise! 11 se met à genoux, elle gronde et s'apaise; Elle lui conte son chagrin : Qu'a-t-elle donc? Je crois qu'elle répand des larmes, Et lui, d'un air qui paraît furieux, A porté la main sur ses armes ; Elle pleure, non, non, Ils viennent par ici. c'est d'aise; ils sont joyeux; SCÈNE V. AUCASSIN, NICOLETTE. AUCASSIN. MA chère Nicolette! NICOLETTE. Mon doux ami! quel bonheur de vous voir! C'est la félicité parfaite; Ah! j'avais perdu tout espoir! AUCASSIN. Quoi! je vous vois! ma douce et belle amie. NICOLETTE. Et qui n'a plus de regret à la vie, Puisqu'elle a vu l'objet de ses amours Et qu'elle peut lui dire adieu, mais pour toujours. AUCASSIN. Pour toujours, dites-vous? Non, non; c'est pour toujours Que Nicolette à mon sort est unie; Elle tient dans ses mains mon destin et ma vie ; NICOLETTE. Non, Aucassin, non; nous nous quitterons. Avant d'abandonner cette chère patrie, J'ai désiré vous voir, mais pour vous dire adieu. AUCASSIN. Adieu! non, qu'à la mort. NICOLETTE. Dès demain votre père Va faire visiter ce lieu. Vous savez si je dois redouter sa colère. AUCASSIN. Eh bien! quittons ces bois, abandonnons Beaucaire. NICOLETTE. Où pourrions-nous aller? AUCASSIN. Qu'importe où nous irons, Puisqu'ensemble nous serons. NICOLETTE. Non, non, cher Aucassin, je ne dois pas vous suivre ; Moi! seule près de vous, être avec vous, y vivre, La mort est préférable à cette indignité. AUCASSIN. Craignez-vous de mon cœur l'austère pureté ! NICOLETTE, Nou, mais je dois me craindre. AUCASSIN. En une autre contrée, En face des autels, ma foi sera jurée NICOLETTE. Aucassin, Je ne verrai jamais accomplir ce dessein. AUCASSIN. Jamais? c'est donc ainsi qu'une égale constance NICOLETTE. Je refuse ta honte. AUCASSIN. L'amour est trop puissant. NICOLETTE. La vertu le surmonte. AUCASSIN. La vertu!... Si ton coeur.... si ton amour extrême.... NICOLETTE. De l'amour! ingrat; vois donc combien je t'aime; A ta gloire, Aucassin, j'immole mon bonheur; Qu'est-il pour Nicolette au prix de ton honneur! |