SCÈNE IV. ROBERT, LA HIRE, avec un colletin de pèlerin, 1 et une gourde à sa ceinture. LA HIRE. EIRE Robert, mon bon, mon très-cher maître, J'en suis ravi. ROBERT. Pourquoi ? LA HIRE. C'est que je m'aime : Quand je suis fatigué, si vous ne l'êtes pas, Pour une santé délicate. ROBERT. Le pauvre petit fait pitié! LA HIRE. Un voyage si long m'a fondu de moitié ; Mais cet endroit me plaît, son aspect me délasse. La belle vue! on voit à découvert Le palais du roi Dagobert. ROBERT. Quel prince! 11 faut le mettre dans la classe Des rois aimés de leurs sujets. De mortels comme lui la nature est avare. Tenant tout son bonheur des vertus d'un seul homme, L'une fixe les yeux, l'autre fixe les cœurs. LA HIRE. Grâce au ciel nous voilà revenus de nos courses : Il était tems, ayant épuisé les ressources. Votre armure, votre cheval, Vingt écus dans votre valise, Voilà tout votre capital; Car dans ces maudits tems de crise, L'argent ne va jamais qu'aux mains des gens... ROBERT. Tais-toi. LA HIRE. Je suis las du service, et je voudrais, ma foi... ROBERT. Peux-tu, dégoûté de la gloire, Te détacher du char de la victoire, Et d'un noble écuyer abandonner l'emploi ? LA HIRE. Vous voyez tout en beau; mais, sans en faire accroire, De ce maudit métier, je vais conter l'histoire : Va, j'en crois mes pressentimens, Mon ami La Hire, et j'augure Qu'avant qu'il soit très-peu de tems, Il pourra m'arriver quelque heureuse aventure. (D'un ton vif, mais mystérieux. ) J'ai déjà vu, dans ce canton, Certaine bachelette.... (*) (*) Vieux mot pour exprimer une fille en âge d'aimer, et d'environ quinze à seize ans. Dans notre siècle on commence plus tôt, et ce terme est à présent hors d'usage. (Note de FAVART. ) LA HIRE. Bon! ROBERT. Avec un regard tant modeste! Sa taille tiendrait là. Elle cueillait des fleurs sur le bord d'un ruisseau ; Ses charmes, ses attraits se répétaient dans l'eau... Ses vêtemens légers... ses tresses voltigeantes... LA HIRE. Je vois... je suis tout ce tableau. ROBERT. Je cours pour l'aborder, elle entre en un bocage; |