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Pour rendre des honneurs funèbres et pieux
Au poète endormi loin d'un monde oublieux!
Elles sont toutes là: Bérénice et Monime
Baisent avec respect ton sépulcre anonyme;
Andromaque a remis ses longs voiles de deuil;
Agrippine te garde avec le même orgueil;

La jalouse Roxane et la sombre Hermione
Te rappellent les maux des cœurs qu'on abandonne;
Phèdre te dit encor son adultère amour,

Et celle qui pleurait la lumière du jour,
La plus suave enfant que conçut ton génie
Et qui te fit vainqueur des Grecs, Iphigénie,
Te murmure les chants éternels de la Mort.

Et Dieu qui songe au fond de son ciboire d'or,
En regardant passer ces sublimes païennes,
Te sourit, ô Croyant, et les reconnaît siennes.

Tu les sortis d'un cœur tout imprégné de foi;
Avant l'âge, saisi d'un scrupuleux émoi,
O noble pénitent, tu quittas la carrière,
Et tu compris que l'Art doit être une prière.
Tu renonças à tout au spectacle, aux bravos,
A l'honneur d'effacer de glorieux rivaux,
A l'effort d'animer du souffle de ton âme
Le monde frémissant et palpitant du drame,
A l'ardeur de survivre à Corneille en allé,
Et jusqu'à ces sanglots qu'avait la Champmeslé.......
Oui, la leçon est grave et l'exemple est austère !

Modestement couché près du grand Solitaire, Tu nous dis maintenant en quelques mots divins

Que l'Art et la Beauté sont des mirages vains
S'ils ne font pas aimer et s'ils ne font pas croire.
Alors, saisissant mieux combien vide est la gloire,
Au lieu d'imaginer dans ce lieu consacré

Le vaniteux tombeau que j'avais désiré,

Je me suis simplement agenouillé dans l'ombre;
Et voyant resplendir soudain, sur le mur sombre,
Au dessous de ton nom ces lettres: R. I. P.,
Racine, j'ai compris que je m'étais trompé.
Pour toi qui, clairement, vis où le sort nous mène,
J'écartai loin de moi toute pensée humaine,
Et, poète immortel d'Athalie et d'Esther,
Sur tes cendres j'ai dit fervemment un Pater.

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Le petit Charles court dans le jardin et joue.

Il a quatre ans. Le rire éclate sur sa joue,

Sur son front, dans ses yeux brillants et large ouverts.
Les arbres, le soleil qui rayonne au travers,

Le panache doré du nuage qui passe,

L'étang où tremble un saule inverti, l'air, l'espace;
Que c'est beau! L'univers appartient à l'enfant.
Il est l'audace. Il est le rêve triomphant.

Un jour il aura Rome, Aix, Narbonne, l'Empire;
Jamais plus il n'aura le bonheur. Il respire.
Il est le roi d'un parc aux portes de Paris.
Il met une hirondelle en fuite avec des cris.

Il a l'air d'un cheval échappé, caracole,
Fringue, galope, rue, exulte. Il fait l'école.
Buissonnière. Le maître est à l'ombre qui dort.
Une boule de neige avec des copeaux d'or,

Ce sont ses cheveux blonds en boucles sur sa tête.
Il est heureux : il vient de faire une conquête.

A la servante, sous le coussin aux fuseaux,
Il a pris, attentat! la paire de ciseaux,
Et fier de cette proie illustre et difficile,
Il se cache.

Là-bas, le vieux Sadragésile,

Sénéchal de la cour, précepteur du dauphin,
Candide et grave, avec sa barbe d'argent fin,
Tenant aux doigts un livre écrit pour son ouaille,
Sommeille. Le lecteur ronfle et le livre baille.
Titre: La Tour du roi David ou le Miroir
Des princes, politique immense où l'on peut voir
Le ciel et l'enfer, Dieu, l'ange, l'homme et le reste.
Le profond pédagogue a chaud et fait la sieste.
Il dort, mais il demeure instructif en dormant.
Sa façon de dormir est un enseignement.

Il est si beau qu'à voir dormir ce somme auguste,
On s'écrierait : « Voilà comment s'endort le Juste! >>
Et cet exemple mieux qu'un long ouvrage instruit.
C'est pourquoi le dormeur repose à si grand bruit.
C'est un éclat tantôt perçant et tantôt grave;
Cela cesse au-dessus pour reprendre à l'octave.
La rumeur de sa gorge a l'air de dire ergo,
Et l'on voit d'un côté se peindre à l'indigo

Son front blanc, dont l'esprit rêve et ratiocine,
Et que colore en bleu l'ombre d'une glycine.

L'enfant s'approche. A pas timides de chevreuil,
Il arrive, furtif, rieur et glissant l'oeil,
Sous le feuillage souple et léger qu'il soulève,
En voyant cette bouche énorme et noire

Que l'on dirait taillée dans de la corne et d'où
Sort cette voix farouche ou triste, oracle ou plainte,
S'étonne et, stupéfait, se demande avec crainte
Quels mots terribles dit son maître quand il dort?
S'il souffre? ou bien si c'est peut-être qu'il est mort?
Et son impression est grande et solennelle.

II.

Ainsi, le précepteur dormait sous la tonnelle.
C'était un lourd et chaud dimanche de juillet.
Dans les bois, une vie ardente fourmillait.
C'était l'heure où le fond des forêts se recueille.
On eût dit chaque souffle engourdi sous sa feuille.
Le ciel même semblait manquer d'air et pâlir.
Dans le bassin, chaudron qui paraissait bouillir,
L'eau riait aux éclats entre ses dents de pierres.
Des vols de papillons, pareils à des paupières
Que ferait palpiter l'astre terrible et doux,
Flottaient de trop d'ardeur et de lumière fous.
Le sable, l'eau, l'oiseau haletant, l'air, la plante,
Tout brûlait, languissait de cette heure accablante.

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