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« C'est donc vrai que, sous l'oeil d'ignobles échansons, Sur d'infâmes comptoirs, parmi d'âcres buées,

Vous que l'aube allaita de ses blondes nuées,
Vous chantez, ô mes Vins, de hideuses chansons,

« Au lieu de ces couplets d'une légère mousse
Que maître Adam Billant transmit à Béranger,
Et qui, s'évaporant le soir sous l'oranger,
Montaient dans la nuit bleue, étincelante et douce?

« O mes fils! jurez-moi que vous ne serez plus
Ces sinistres tueurs d'âmes et de familles

Qui suspendent le deuil au front des jeunes filles,
Sinon je faucherai vos pampres chevelus;

« J'arracherai vos ceps suivis de leurs racines,
Et je les lancerai, tournoyants, dans la mer,
Pour qu'on sache, à l'aspect de mon courroux amer,
Que Bacchus vous renie, ô liqueurs assassines!

« Et vous, Peuples assis au Soleil du Midi,
Vous que le miel parfume et que le moût égaie,
Laissez-vous les essaims chanter seuls dans la haie?
Et vous endormez-vous dans votre air attiédi?

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<< Debout!... Si vous avez encor des voix sonores,
Si vous êtes vraiment les fils des Troubadours,
Montez dans vos clochers, vos beffrois et vos tours,
Montez sur vos coteaux, montez dans vos aurores.

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<< Montez dans votre ciel au magnifique azur,
Aux nuages dorés ainsi que des coupoles,

Et faites retentir au delà des deux pôles,
Les noms et les méfaits de mon rival impur.

<< Puis célébrez si haut votre terre divine,
Votre vin naturel, vrai suc de vos coteaux,
Vos raisins lumineux que tranchent vos couteaux,
Vos bourgeon's étoilés d'une frondaison fine.

<< Que l'univers entier chasse le dieu fatal,
Absinthes, alcools, bitters, poisons de lucre,
Et que tes vins, bâtards aquatiques du sucre,
Replongent, ô Bercy! dans le fleuve natal. »

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Le tintamarre des sabots et des clochettes
A passé, tout à l'heure, au village endormi.
Et maintenant, les vendangeurs montent parmi
Les sentiers rocailleux et bordés d'olivettes.

Ils vont se cramponnant aux poils rudes des mules,
Et sommeillants là-bas sur les coteaux voisins,
D'où les villages blancs paraissent minuscules,
Apparaissent les ceps courbés par les raisins.

1

:

Lentement du matin se dissipe la brume.....

Les vendangeurs halés sortent des chemins creux;
Les hauts mulets, dont les poitrails sont blancs d'écume,
Sont attachés en rond sous les figuiers poudreux.

Et, tandis qu'au ciel bleu le soleil monte et plane,
Sous les gros doigts nerveux ont craqué les sarments;
Très rieuses, sous leur coiffure catalane,

Les filles au travail ont des rires charmants.

Quand les paniers d'osier sont pleins, on les apporte
Près des mulets couchés sous les figuiers ombreux,
Et de leurs doigts - rougis à la fois et poudreux —
Les vendangeurs tassent les grains dans la comporte.

4

Mais l'air devient plus lourd... midi sonne au village... Le cuivre des harnais luit comme de l'émail;

Alors les vendangeurs s'étirent sur l'herbage,

Et des souples couffins tirent les gousses d'ail...

Ils se passent souvent la gourde en peau de chèvre,
Et, les deux bras levés, voluptueusement,

Ils sentent le vin frais leur courir sur la lèvre,
Comme une sève neuve en l'aride sarment...

Puis, quand dorment les vieux bercés par leurs fatigues,
Les garçons aux pieds nus montés sur les figuiers,
S'amusent à jeter leur sourire... et des figues
Aux filles qui vers eux tendent leurs tabliers.

Et, là-bas, mollement couchés, les jeunes hommes,
Tandis qu'un vieux berger parle du Canigou,
Fument les blonds tabacs aux vaporeux aromes,
Que les contrebandiers apportent de Port-Bou.....

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... Puis, au signal donné, le labeur recommence; On entasse les grains, les ceps sont dépouillés; Les cris et les chansons succèdent au silence,

Et les durs vendangeurs essuient leurs fronts mouillés.

Mais voici que le jour se fond dans la nuit fraîche;
Sur la mer, dont les flots sont calmes et pensifs,
Les canots alourdis reviennent de la pêche;

Et le phare s'allume au front noir des récifs.....

Alors les hauts mulets que la fraîcheur ranime,
Dont les rouges plumets tremblent au vent du soir,
Se dressent, harnachés, superbes, sur la cime,
Dans le ciel empourpré se détachant en noir.............

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