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RÉPONSE

AU REMERCIEMENT

DE

M. ZYROMSKI

Prononcé en séance publique, le 26 avril 1903

Par M. A. DELOUME

L'un des quarante Mainteneurs.

MONSIEUR,

A pareille époque l'année dernière, le samedi de chaque semaine, une foule nombreuse et plus variée que de coutume, venait animer les préaux verdoyants de notre Faculté de droit très antique et, par destinée, incessamment rajeunie.

C'était, cette fois, le flot pressé des auditeurs que les salles ordinaires de vos cours ne pouvaient plus contenir et auquel notre plus grand amphithéâtre lui-même était loin de pouvoir suffire. C'était l'affluence constante de ceux qui voulaient goûter quelques instants le charme de votre harmonieuse parole et vivifier leur esprit à

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l'enseignement d'un éloquent lettré passionné pour son œuvre.

Bien longtemps avant l'heure, les femmes les plus élégantes, les plus en vue par l'attrait de toutes les distinctions, attendaient, avec une rare patience, l'ouverture des portes dont il avait fallu fixer le moment; des hommes de tout âge, gens de goût sans aucun doute, s'y donnaient rendezvous pour vous entendre, et l'élite de notre chère jeunesse, toujours prête à vibrer au contact des idées généreuses noblement exprimées, se pressait, debout, faute de mieux, jusque sur le seuil des portes encombrées, pour sympathiser à la grâce de votre diction et applaudir à la captivante énergie de vos accents.

- Vous préparez, j'aime à le croire, la publication très prochaine de ces études sur Molière dont vos auditeurs ont apprécié la saveur délicate et forte; nous y trouverons le souvenir de ces succès dont vous venez de réveiller ici les flatteurs échos.

- Clémence Isaure, toujours jeune à travers les siècles et toujours attentive à ce qui peut embellir ses domaines enchantés, ne pouvait rester indifférente à ces fêtes de l'esprit qui se donnaient auprès d'elle. Elle voulut aussitôt vous attacher à sa personne.

Toulousain de fraîche date, vous fûtes peutêtre un peu surpris de ses gracieux encouragements; mais vous ne pouviez pas longtemps les méconnaître.

Bientôt vous avez été admis auprès de la noble dame. Vous l'avez très clairement entrevue. Vous

!

nous l'avez dépeinte même, entourée des muses classiques et d'une autre encore dont vous nous avez tracé, d'après nature, un ravissant portrait. Ce serait, dites-vous, une muse française, la Courtoisie, que vous avez tout de suite et comme instinctivement aperçue, bien qu'elle ne figure pas partout en titre, dans le choeur divin des neuf

muses.

On avait déjà écrit en latin Genus irritabile vatum; mais notre fondatrice a tout prévu pour assurer la paix. Les honneurs sont dévolus ici par le sort qui évite toute cabale, et celui qui nous préside s'appelle le Modérateur. Il a presque une constante sinécure! Soyez-en sûr, vous avez bien vu la courtoisie en personne et le portrait que vous en avez donné est une œuvre d'art très pénétrante et très fidèle.

- A la vérité, ces succès de parole n'étaient pas vos seuls titres.

L'Académie française vous décernait, il y a trois ans à peine, le prix Bordin pour un petit livre de quatre cents pages dont l'intitulé est pourtant presque banal, dans sa très classique tournure: Lamartine poète lyrique. Mais, en revanche, rien n'est plus inattendu que les titres des deux chapitres de ce travail charmant : l'Elaboration du paysage intérieur, la Vie du paysage intérieur et sa projection sur l'univers. On se demande même si on ne va pas, malgré votre talent, s'égarer dans le vague; ou bien, à la réflexion, si, au contraire, on ne va pas trop facilement se reconnaître dans des chemins rebattus. Mais en suivant les lignes si claires, si chaleu

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reuses de votre introduction, en s'élevant sans effort avec elles, un horizon pittoresque et inespéré se découvre harmonieusement à nos yeux rassurés.

Vous nous signalez en nous-même les dessins vagues d'abord, de ce paysage imaginaire, très divers suivant les dons que la nature a bien voulu déposer sur notre berceau. Chez les uns, il reste aride, inerte, glacé; chez d'autres, il s'agrandit, se féconde même et s'éclaire.

« L'artiste, d'après vous, porte en lui un monde aux perspectives mobiles dont il peut déployer les richesses au contact de la réalité... Il transforme ce qu'il voit en y ajoutant la grâce ou l'ampleur qu'il évoque du fond de son âme... C'est le don divin du lyrisme... Lamartine est à l'état lyrique quand ce paysage intérieur s'illumine et se projette sur notre monde. »

Et vous nous montrez alors, avec une étonnante connaissance des grandes œuvres littéraires du passé, assidûment fréquentées, quelles impressions du dehors ont créé chez votre poète ce paysage intérieur, c'est-à-dire quels premiers rayons de lumière vinrent éclairer son génie.

Son enfance, dites-vous, fut bercée par les récits de sa mère, et c'est la Bible qui le charma d'abord par son décor à la fois primitif et somptueux »; il fut touché de la tristesse de ses accents, et c'est lui qui a écrit: « La mélancolie ne date ni de Virgile, ni de l'école romantique de notre temps, ni de Chateaubriand, ni de nous; elle date de la poésie sacrée de la Bible. »

Mais de plus, dans ses oeuvres, dans ses vers

surtout, « les cèdres du Liban, par leurs frémissements terribles, indiquent le souffle de Dieu. >>

Les cris de haine, de malédiction et de vengeance de ces temps lointains l'avaient frappé; il en adoucit seulement, avec son esprit latin, les images impétueuses.

Il chante, et l'on retrouve parfois, dans ses strophes, ce rythme des psaumes « à l'allure nette, à la mélodie brisée qui plaisait aux Hébreux » et qui se conserve avec nos chants sacrés, à travers les siècles.

Après la Bible, ce fut Chateaubriand, dont Lamartine disait lui-même : « Chateaubriand fut certainement une des mains puissantes qui m'ouvrirent dès mon enfance le grand horizon de la poésie moderne »; et vous ajoutez : « Lamartine apporta sa collaboration enthousiaste à l'oeuvre de rénovation dont Chateaubriand s'efforçait de montrer la fécondité..... C'est le privilège des maîtres de garder ce grand air et cette allure en entrant dans la voie tracée par leurs prédé

cesseurs. >>

Jean-Jacques Rousseau, avec ses émouvants contrastes, avait « déconcerté Lamartine au sortir du collège. » L'adolescent avait été agité par « la sensibilité si avide et si frémissante du grand sophiste.»

Mais vers le même temps, les antiques poésies. d'une grande âme qui prit le nom d'Ossian avaient été remises en lumière. La mélancolie diffuse et chantante du barde des mers septentrionales le ravit. Il en traduisait les beautés nou

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