페이지 이미지
PDF
ePub

recevoir ne lui seront remis qu'avec l'expression de l'admiration de l'Académie.

La jeunesse de Mlle Léa Bedout, à peine âgée de seize ans, nous a semblé une raison de plus pour honorer d'une de nos meilleures récompenses la façon courageuse avec laquelle cette brave fille a pris à la mort de sa mère, survenue en 1899, la direction de la maison. Nourrir six enfants ne lui a pas semblé, il y a trois ans déjà, une charge au-dessus de ses forces, et c'est presque à contre-coeur qu'elle a consenti à laisser à des parents un des petits jumeaux àgé alors d'un an à peine. Depuis cette époque, écrit un témoin, je la vois lavant le linge de son père et de ses frères sans demander le secours de personne. Elle pétrit le pain de toute la famille et le met au four toute seule. Le père pourrait l'aider; il ne prend pas garde aux difficultés d'un travail si dur pour des forces si frèles. Cette dernière considération nous a déterminés à porter à 400 francs le prix attribué à Mlle Léa Bedout. Nous prierons les protecteurs qui l'ont présentée à l'Académie de veiller sur cette somme.

C'est également parce qu'elle ne trouve pas, paraît-il, chez le chef de famille des exemples de tempérance que Me Augustine Guilhem, de Laurabuc (Aude), nous a intéressés davantage. Elle reçoit un prix de 500 francs, le plus important de l'année. Le tableau de cet intérieur, tracé avec émotion par M. le curé de la paroisse, a vivement touché l'Académie. Une paralysie tient la mère clouée dans son lit; une fille aînée est mariée et doit pourvoir aux soins de sa famille. Me Augus

tine Guilhem comprend qu'elle se doit à sa mère et à ses quatre petits frères. Grâce à elle, rien ne manquera dans la maison et tous ses efforts tendront à dissimuler à sa pauvre infirme la fatigue qu'elle prend et le tribut que le terrible alcool prélève sur les faibles ressources de la famille. Elle réussit, au moins elle en est persuadée. Un jour cependant, Mile Augustine trouve sa mère baignée de larmes. Elle annonce à sa fille qu'un nouvel enfant va naître, qui sera pour elle une charge de plus. La courageuse fille embrasse aussitôt la pauvre femme avec effusion; elle l'assure de la tendresse qu'elle ressent déjà pour l'enfant annoncé; elle fait entrevoir qu'un devoir nouveau à remplir aura l'heureux effet d'intéresser le chef de la famille et de le maintenir auprès du foyer. La promesse a été remplie, et Mlle Guilhem, qui continue à se montrer la mère de tous, a un faible bien marqué pour le petit Benjamin.

En terminant ce rapport que j'aurais voulu rendre moins long et surtout plus intéressant, me permettrez-vous de vous faire part d'un scrupule qui s'est présenté à mon esprit? Je me suis rappelé l'aventure de ce pauvre homme à qui le financièr, son voisin, avait remis un sac de cent écus.

Le savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait depuis plus de cent ans

Produit pour l'usage des gens.

Il retourne chez lui; dans la cave il enterre
L'argent et la joie à la fois.

Je me suis demandé si, pour honorer nos lauréats, nous avions le droit de leur ravir cette quiétude d'esprit qui est leur richesse; si en leur remettant, même à titre de récompense, « ce qui cause nos peines », nous pouvions leur donner « pour hôtes les soucis, les soupçons, les alarmes vaines. » Une ligne d'un de nos dossiers m'a vite rassuré. Mile Jeanne Sabadie, la dévouée servante, reçut, je l'ai dit, il y a quelques années, un prix de l'Académie française. L'argent, à peine reçu, fut employé au profit des vieux maîtres. Un de nos lauréats nous apprend à les connaître tous, car tous ont au cœur le même trésor de charité et de dévouement. Je ne crois pas me tromper en affirmant que les revenus de la fondation Ozenne profiteront surtout aux malheureux auxquels se dévouent ceux que nous récompensons. Demain, les vieux maîtres trouveront un café meilleur; il sera de qualité supérieure, le sucre n'y aura pas été ménagé, et peut-être, l'Académie de médecine le pardonnera, quelques gouttes d'Armagnac viendront le réchauffer. Demain, l'infirme aura un fruit qui rafraîchira sa langue desséchée ou une friandise qui flattera son estomac affaibli. A la messe de dimanche prochain, petits frères et petites sœurs auront un vêtement neuf. Ce jour-là, un rayon de joie illuminera aussi bien la figure ridée de soixantetreize ans que le frais visage de seize ans. Et l'Académie pourra être fière, non seulement d'avoir découvert et couronné ces braves gens, mais encore d'avoir contribué à leurs bonnes actions.

ÉLOGE

DE

CLÉMENCE ISAURE

Lu en séance publique, le 3 mai 1903

Par Mlle BERTHE DE PUYBUSQUE

Maître és Jeux Floraux.

<< Sans doute, il est trop tard pour parler encor d'elle »,
Depuis qu'elle n'est plus, des siècles sont passés.
Parfois, des incroyants prétendent, je le sais,
Qu'elle est un rêve pur, une forme irréelle...
Moi, je laisse dormir cette ancienne querelle,
Les savants, sur ce point, en ont dit bien assez!

Mais pour le genre humain, dès sa première aurore,
L'arbre de la science eut un fruit tentateur.
Nous voulons tous palper le côté du Sauveur,
Et, crocheteurs subtils du coffret de Pandore,
Trouver dans le savoir le secret du bonheur...

Ce que l'on sait, pourtant, vaut-il ce qu'on ignore?

Aussi, rien, ici-bas, rien dont on n'ait douté.
En doctes corps à corps, en discours indigestes,
Aucun fait que l'on n'ait prouvé, — puis réfuté,
Que l'on n'ait étouffé sous les lourds palimpsestes...
Ce que doit à ceci gagner la vérité

Ne m'a paru jamais établi sans contestes.

[ocr errors]

Hélas! la vérité! sous quel triste rempart,
Elle, qu'on a parfois si faussement décrite.
Sur sa margelle, nue ainsi qu'une Amphithrite,
Cache-t-elle ses traits à tout humain regard?...
Dans l'ombre, vers l'asile inconnu qui l'abrite,
Pèlerins douloureux, nous marchons au hasard.

Qui fait, avril venu, croître l'herbe nouvelle
Et dans les rameaux verts la brise murmurer?
Qui, par delà les mers, va dire à l'hirondelle :
Le printemps vient de naître, il est temps d'émigrer.
Et notre âme, elle-méme, hélas! la connaît-elle,
La cause qui nous fait ou sourire, ou pleurer?

Si nous ignorons tout, à quoi bon les critiques ?
Pourquoi battre le Rêve à grands coups d'argument?
Ah! qu'il vaut mieux laisser aux légendes antiques
Leurs grandes ailes d'or, leur ample vêtement,
Leur fraîcheur de jadis, leurs charmes symboliques,
Et, sans les discuter, les croire, simplement !

[ocr errors]
« 이전계속 »