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d'avoir fi lâchement abandonné leur Compatriote, & de s'être joints à fes ennemis pour travailler à fa perte, ils s'affemblerent & prirent les armes pour fa défenfe, criant que c'étoit à eux & non à des Etrangers à garder leur Citoyen dans leur Ville. Ils entrerent dans le Palais au nombre de près de dix mille hommes, forcerent & tuerent les Gardes & les Soldats qui voulurent leur réfifter, chafferent les François, & mirent en fuitéle refte des conjurez avec leurs Chefs. Nogaret & Sciarra Colonna voyant toute la Ville changée en fi peu de tems, & animée contre eux, furent obligez de fe retirer, fans avoir même le loifir de fauver la Banniere de France qu'ils avoient arborée fur le Pavillon du Palais. Ainfi c'est contre toute apparence de verité qu'un Hiftorien Anglois à écrit que ces deux Chefs firent monter Boniface fur un cheval fans bride & fans felle, le dos tourné vers la tête du cheval, & qu'ils le contraignirent de courir de la forte: jufqu'à perdre haleine; circonftance: qu'aucun Ecrivain n'a rapportée, & dont il ne fut fait aucune mention dans le procès que les Défenfeurs de

1303.

Vvalfinghain.

1303.

Vvalfin.

Piftoria.

24.

Nicole Gilles.

Boniface firent depuis à Nogaret. Les Auteurs les plus paffionnez pour le Pape contre la France, n'étoient pas non plus dans cette creance, puifqu'ils ont attribué à une protection vifible: de Dieu fur le Vicaire de JESUSCHRIST, la retenue de Nogaret & de Sciarra, auffi-bien que le changement fubit & inefperé de ceux d'Anagnie en fa faveur.

Le Pape le voyant en liberté avec gham, Hift. fes neveux, & délivré de la crainDupuy, p. te de la mort dont les gens de Sciarra l'avoient menacé à toute heure, fe fit porter dans la Place publique de la Ville. Il y repréfenta devant le peuple fa mifere & fes befoins extrêmes d'une maniere fort pathetique. Il fit entendre qu'on l'avoit laiffé trois jours fans manger; & fe recommandant aux charitez des Particuliers, il promit l'abfolution de tous les pechez à ceux qui lui donneroient du pain & du vin. Ce qui fit qu'on lui en apporta de toute part, & qu'on alla en foule au Palais recevoir fa benediction. Il déclara enfuite, qu'il pardonnoit à tous ceux des Habitans de la Ville qui avoient pris les armes contre lui; mais qu'il

exceptoit les voleurs du tréfor de l'E-
glife & des Cardinaux. Il témoigna 1303
auffi, qu'il défiroit de faire fa paix
ávec les Cardinaux Colonnes, & que
fon intention étoit de les rétablir. Il
feignit même de vouloir fe remettre
bien avec la France, & offrit de s'en
rapporter au jugement du Cardinal
Mathieu Roffi, touchant tout le dif-
ferend qu'il pouvoit avoir avec le
Roi. Il accorda en même tems le par-
don à tous les François qui étoient
venus l'attaquer, & nommément à
Guillaume Nogaret, ajoûtant qu'ils
n'avoient pas encouru les Cenfures de
l'Eglife; & qu'en cas qu'ils les euffent
encourues, il leur en donnoit l'abso-
lution.

Villani

Mais ce mouvement de bienveil lance ne paffa pas la durée de fes be- Platina. An

ton. Floren

foins. Lorfqu'il se vit rétabli, & tin.
qu'il fut entierement revenu de l'é-
tourdiffement & de la confternation
où fon malheur l'avoit jetté, il fit fur
tout ce qui s'étoit paffé des réflexions
qui le porterent à chercher les
moyens
de s'en venger fur le Roi de France &
fur tout le Royaume. Dans cette vûe
il prit le parti de s'en retourner à Ro-
me, & d'y tenir un Concile, fur les

1303.

déliberations duquel il pût agir. Les Romains envoyerent au-devant de lui le Cardinal Mathieu des Urfins, avec quelques Compagnies de la Ville pour l'efcorter. Mais le bon accueil qu'on lui fit ne put le garantir du chagrin que lui caufa le fouvenir de l'injure qu'il avoit reçue. La trifteffe le fit tomber dans une espece d'alienation d'efprit, durant laquelle il ne parloit que de maledictions & d'anathêmes contre Philippe le Bel, Nogaret & fes autres Miniftres. Il en contracta une maladie , accompagnée d'une violente frenefie, qui le mit dans de fi grands tranfports, qu'on eut beaucoup de peine à l'empêcher de dévorer fes bras & fes couvertures, & de fe caffer la tête contre le bois de fon lit. Il mourut dans les accès de çette fureur le xr. d'Octobre, fans avoir eu un intervale de tranquillité: pour pouvoir fe reconnoître.

Un genre de mort fi trifte & fi peu ordinaire, rappella la mémoire d'une efpece de prophetie qui couroit de lui, & que l'on attribuoit à fon Prédeceffeur faint Pierre Celeftin. On repréfentoit ce faint Pape, difant à Boniface:,, TU ES MONTÉ SUR LE TRÔNE

COMME UN RENARD; ce qui marquoit les artifices & les rufes dont il s'étoit fervi pour parvenir au Pontificat: TU REGNER AS COMME UN ,, LION; par où l'on entendoit les violences qu'il exerçoit pour le faire obéir:,, Tu MOURRAS COMME UN ,, CHIEN; ce qui défigne affez clairement la nature de fa derniere maladie. Il fut enterré magnifiquement dans une Chapelle de l'Eglife de S. Pierre, qu'il avoit deftinée pour fa fépulture, & fon fut trouvé tout entier corps y trois cens ans après, lorfque fous Paul V. il fut question de rebâtir le lieu. Ce qui fervit à démentir cette foule d'Hiftoriens qui ont écrit, qu'il s'étoit rongé les doigts & mangé les mains derage avant que de mourir, & à faire connoître l'excellente complexion de: fon corps qui fe conferva entier tant de fiecles dans le tombeau, quoiqu'il fût ufé par par la longueur d'une vie de quatre-vingt- fix ans, dont il en avoit regné près de neuf dans des mouvemens & des agitations continuelles.

C'est ainsi que finit Boniface VIII.. au milieu des vains efforts qu'il avoit: faits pour convertir le miniftere apo аро

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