tyrannique, fut la réduction du Commerce des Marchés au plus strict néceffaire on n'y venoit vendre que les denrées & le Bétail dont il falloit abfolument fe défaire, on n'y pouvoit ache. ter que les objets indifpenfables.La pancarte & la violence étoufferent le Commerce. Il aime fi naturellement la liberté, qu'on peut être toujours affuré de le détruire autant qu'on le rançonne, & qu'on le gêne, de quelque maniere qu'on s'y prenne : c'est une vérité de tous les fiécles, qui ne fouffre point d'exception dans la théorie. Quand estce que la pratique n'en connoîtra plus aucune ?

Quelques Seigneurs Eccléfiaftiques ou Laïques, furent affez éclairés pour voir que leurs Terres leur vaudroient d'autant plus, qu'ils y augmenteroient la consommation des Denrées, & l'apport de l'argent ou des marchandifes utiles en échange. Ils fentirent que les

exactions violentes, les droits exceffifs, les examens & les formalités, rebutoient le Négociant: ils en conclurent, qu'en accordant une liberté pléniere de vendre & d'acheter, ils attireroient chez eux le concours de tout le voifinage, qu'il fe feroit à ces jours une grande confommation de leurs Denrées, qu'il resteroit en retour une grande partie de l'argent de leurs voifins ; & d'ailleurs, que la multitude raffemblée, faifant beaucoup plus de négociations particulieres, ils gagneroient beaucoup en diminuant les droits ordinaires de halle, de marché, de péage, de navigation, d'entrée ou de fortie.

Afin de rendre les Foires plus célébres & le concours plus nombreux; c'est-à-dire plus profitable, on avoit soin de les accorder avec les Solemnités de dévotion. Les pélérinages religieux étoient à la mode, on vifitoit les Eglifes des Saints, & leurs reliques aux

jours de fête : la Nobleffe, le Clergé, le Peuple s'y raffembloient, il ne s'agiffoit plus que d'y réunir les Négociants & les effets commerçables.

Le Seigneur dont la politique étoit affez éclairée pour fentir l'utilité d'une pareille inftitution, dreffoit une charte de franchise totale, ou la pancarte des droits mitigés; mais pour lui procurer tout l'effet qu'il en espéroit, il falloit obtenir de proche en proche, la confirmation des Suferains. Par la premiere charte,ilétoit défendu très expreffément aux inférieurs du fondateur, c'est-à-dire à fes vaffaux, ou à fes Officiers, d'exercer aucune voie de fait contre les vendeurs, les acheteurs, les fpectateurs même, qui viendroient à la Foire, & d'en rien exiger que les droits prescrits. Par la charte de confirmation, le Suferain faifoit la même prohibition à tous ceux qu'il tenoit fous fa dépendance, En remontant de dégré en dégré, sui

vant l'ordre de la Féodalité, l'établiffement parvenoit jufqu'à l'autorité Royale: alors il n'étoit plus permis à perfonne de violer l'immunité de ceux qui venoient à la Foire, ou qui s'en retournoient.

On peut voir ces chartes dans le Gloffaire de Ducange, & autres recueils. On y trouve auffi des bulles de Rome, qui lancent l'excommunication fur les Auteurs de quelques violences que ce foit, contre les Foires & leurs priviléges; c'étoit l'ufage du fiécle de mettre ainfi fous la fauve garde des cenfures Eccléfiaftiques, tous les objets qu'on avoit intérêt de conserver.

La réunion des fêtes & des grands marchés indiqués par les chartes d'établiffement & de confirmation, les faifoit appeller communément en Latin, indicta feria, fêtes annoncées, d'où le mot de Foire eft peut-être dérivé, auffi bien que de l'ancien mot forum, qui

fignifie marché ou place publique. Les anciennes Abbayes fondées par nos Rois & toujours fpécialement protégées par eux, eurent plus d'occafion d'établir ces fêtes moitié religieufes & moitié politiques, à cause des objets de dévotion qu'elles offroient en grand nombre aux pelerins faintement curieux auffi voyons nous que les monuments les plus anciens fur l'établiffement des Foires, font tirés de leurs Cartulaires. Plus on examine avec foin les vraies fources de notre Hiftoire de France, plus on trouve des traces de cette attention fur leurs vrais intérêts, qui n'a pas peu contribué dans tous les tems à réprimer peu-à-peu les abus, & à feconder les vues d'une bonne & fage administration.

La Foire Saint-Germain qui fubfiftoit dès le onzième fiécle, doit fon origine à cette politique bien entendue des Abbés & des Religieux de cet antique