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POLITIQUE COLONIALE

DE L'ANGLETERRE.

II.

LE TERRITOIRE DE L'OREGON.

Les brillantes destinées que l'avenir garde aux îles et aux continens de la mer Pacifique dans le monde politique et commercial ne pouvaient échapper à la pénétration des hommes d'état de l'Angleterre. Déjà, dans l'Australasie, le flot de l'émigration habilement dirigé jette les fondemens de vingt colonies prospères. Mais c'est dans ses entreprises sur la côte occidentale de l'Amérique du Nord qu'il faut admirer le génie créateur et l'ambition active, persévérante de la Grande-Bretagne. Ces entreprises se rattachent à la politique suivie au Canada, et qui avait son principe dans la pensée, conçue par le gouvernement anglais, de fonder dans les vastes contrées voisines, au nord et à l'ouest, du territoire de l'Union, un puissant empire capable de contrebalancer les développemens énormes des États

TOME II.

15 MAI 1843.

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Unis. Des obstacles de toutes sortes entravèrent pendant long-temps les efforts de l'Angleterre pour conquérir, transformer à son profit la colonie française établie sur les deux rives du Saint-Laurent; il y avait néanmoins une population devenue presque indigène, habituée à obéir, et qui n'avait besoin que d'un régime plus libéral pour rivaliser de force et de prospérité avec les colonies anglaises du littoral de l'Atlantique; le pays depuis long-temps exploré offrait tous les élémens d'une excellente colonisation. Il n'en était pas de même à l'ouest des grands lacs et des Montagnes Rocheuses; des contrées immenses, inconnues, point de population qu'un petit nombre de tribus indiennes féroces et indisciplinables, une mer lointaine et jamais visitée. De plus grandes difficultés encore s'opposaient à la réalisation des desseins de l'Angleterre. Des titres incontestables å la possession du littoral et de l'intérieur de ce territoire interdisaient à l'Angleterre de l'occuper ouvertement et d'y appeler des colons, comme elle faisait pour le haut Canada. La ruse est venue à son aide; elle a caché ses tentatives sous le masque des opérations d'une compagnie pour le commerce des fourrures. Toujours prudente, sachant être tour à tour timide et hardie, elle a commencé par reconnaître qu'elle n'avait et ne pouvait faire valoir aucune prétention sur le territoire de l'Oregon, car c'est de l'Oregon qu'il s'agit. Elle s'est faite humble et petite, mais bientôt les concessions qu'elle avait obtenues par surprise, elle les a érigées en titres, et les a considérées comme des droits acquis. Le jour est venu où elle a fièrement demandé de partager le pays où elle n'avait été admise que par une maladroite condescendance, et aujourd'hui enfin, cela ne lui suffisant plus, elle prétend demeurer maîtresse absolue, en droit comme en fait, des contrées dont elle a usurpé la domination au détriment de leurs véritables possesseurs, les États-Unis.

Entre la Californie et les établissemens russes, c'est-à-dire entre le 42° et le 54° 40′ de latitude nord (1), s'étend sur le littoral de la

(1) La limite entre la Californie et le territoire de l'Oregon a été fixée par le traité de 1819 entre l'Espagne et les États-Unis, et confirmée par une convention entre les républiques mexicaines et les États-Unis. Quant aux établissemens russes, il a été convenu, dans un traité conclu à Pétersbourg entre la Russie et les ÉtatsUnis le 17 avril 1824, qu'aucun établissement ne pourrait être formé par les citoyens américains sur la côte nord-ouest de l'Amérique septentrionale, ni dans aucune des îles adjacentes au nord du 54° 40′ de latitude; la Russie s'engageait, de son côté, à ne jamais dépasser cette limite. Une convention exactement semblable fut conclue l'année suivante entre la Russie et la Grande-Bretagne.

mer Pacifique, à l'ouest des Montagnes Rocheuses, le territoire de l'Oregon, ainsi appelé du nom donné par les Indiens à la rivière Columbia. La surface de cette contrée ne présente, dans une étendue de trois cents lieues de long sur deux cents de large, qu'une suite de fertiles vallées interrompues par des collines qui s'élèvent comme des gradins successifs des bords de l'Océan jusqu'aux Montagnes Rocheuses. On y distingue pourtant deux chaînes de montagnes presque parallèles qui partagent le territoire de l'Oregon en trois régions à peu près égales en superficie, mais différentes par le climat, la nature du sol et les productions; toutes trois sont coupées du nord au sud et de l'est à l'ouest par la Columbia, dont le cours large et profond, grossi de mille affluens, est le seul moyen de pénétrer du côté des États-Unis à travers cette contrée montagneuse, dans laquelle la main de l'homme n'a pas encore tracé les voies de communication que lui a refusées la nature.

Le caractère le plus remarquable de ce pays est la douceur et l'égalité de la température. Quoique sous la même latitude, on ne connaît pas dans le territoire de l'Oregon les hivers rigoureux et les chaleurs étouffantes de l'été, non plus que les brusques et capricieux changemens atmosphériques de la vallée du Mississipi et du littoral de l'Atlantique. Cet heureux climat ne peut être comparé qu'à celui de nos belles provinces de l'intérieur et du midi de la France. Dans la région du littoral, les étés sont secs, mais l'ardeur du soleil est modérée par les brises de mer; en revanche, il y pleut sans interruption depuis le mois d'octobre jusqu'au mois d'avril. Presque avec la même température, les conditions atmosphériques de la seconde région sont bien différentes; à mesure que l'on approche des Montagnes Rocheuses, les pluies diminuent et finissent par disparaître, si l'on peut parler de la sorte, car elles ne durent dans toute l'année que quelques jours, au commencement de l'automne et du printemps. Le froid s'y fait à peine sentir, et, même dans les parties les plus élevées, la neige fond en tombant. Néanmoins, grace à d'abondantes rosées, la terre est humide et toujours couverte de verdure, et des vents légers rafraîchissent l'air durant les plus grandes chaleurs de l'été. Ce n'est qu'au pied des Montagnes Rocheuses que le climat devient plus rigoureux, et que tout semble se mettre en harmonie avec le caractère grave et sévère de cette chaîne qui doit sa naissance aux feux souterrains; sur ce sol aride, les bois et les pâturages sont rares, médiocres, ce qui forme un contraste plein de tristesse avec la riche et plantureuse végétation des deux versans.

C'est une chose étrange que le long temps qu'ont mis les nations d'Europe à découvrir, à reconnaître et à explorer les côtes et l'intérieur de cette partie du continent américain. Cependant à peine les Espagnols furent-ils devenus les maîtres du riche empire du Mexique, qu'ils pénétrèrent jusqu'à la mer Pacifique. Fernand Cortez, qui dirigea la première expédition, reconnut le golfe de Californie et le Rio Colorado. Mais bientôt les troubles et les dissensions des Espagnols dans cette partie du monde, et les embarras politiques de la cour de Madrid en Europe, arrêtèrent cette ardeur de découvertes, et ce ne fut qu'en 1543 que Bartolome Ferrelo poussa jusqu'au 43o de latitude nord. Un demi-siècle plus tard, Juan de Fuca découvrit et explora le détroit qui porte son nom, vers le 48° de latitude, et quelques années après Vizcaino visita de nouveau les côtes découvertes par Ferrelo.

Depuis lors jusque vers la fin du dernier siècle, la plus profonde obscurité enveloppa cette contrée. Cependant, en 1763, un Améri– cain, Jonathan Carver du Connecticut, qui avait fait un long séjour au milieu des tribus indiennes du haut Mississipi, avait révélé l'existence d'une grande rivière, nommée Oregon, ou rivière de l'ouest, par les Indiens, à qui il en avait entendu parler, et qui se jetait, disait-il, dans la mer Pacifique, vers le prétendu détroit d'Anian. Ce fait passa presque inaperçu; mais, par un concours singulier de circonstances, dans le même temps les Espagnols reprenaient l'idée de s'assurer la possession de la Californie et de toutes les côtes nord-ouest. Ce projet, qu'avaient inspiré à l'Espagne les craintes que faisaient naître les entreprises des Russes sur la côte la plus voisine du pôle, fut réalisé en partie par les établissemens formés en 1770 et dans les années suivantes à Monterey, vers le 36o de latitude, et dans la baie de San Francisco, aussi bien que par une suite d'expéditions maritimes. En 1774, Juan Perez, qui commandait la première, n'alla pas au-delà du 54o, mais il explora avec soin la côte jusqu'au 49°, et découvrit une baie considérable nommée par les naturels Nootka, et à laquelle il donna le nom de San Lorenzo, qu'elle n'a pas conservé. L'année suivante, don Bruno Heceta reconnut l'exactitude des découvertes de Juan de Fuca, que l'on mettait en doute, et signala l'embouchure de la large rivière dont Carver avait parlé. Dans le même temps, d'autres navires espagnols, sous le commandement de Bodega, remontaient jusqu'au 57° de latitude, et prenaient possession de toute la côte au nom du roi d'Espagne.

C'est ici qu'apparaissent deux nouveaux acteurs, l'Angleterre et

les anciennes colonies d'Amérique devenues indépendantes, les États-Unis, qui par une bizarre rencontre semblaient s'être entendus pour explorer en concurrence, la première par terre et les autres par mer, le territoire de l'Oregon, mais dans un but purement commercial. Ainsi, tandis qu'en 1792 le capitaine Robert Gray, envoyé par des négocians de Boston, découvrait l'embouchure de l'Oregon et remontait jusqu'à une certaine distance cette rivière, à laquelle il donnait le nom de Columbia, que portait son navire, une expédition anglaise partait du Canada à la recherche de la rivière dont Carver avait signalé l'existence, et devait surtout examiner les avantages que pouvait offrir le pays qu'elle traversait au commerce des fourrures et des pelleteries.

Depuis plus d'un siècle, l'Angleterre était activement engagée dans cette branche du commerce transatlantique par la compagnie de la baie d'Hudson, dont l'établissement se rattache aux mauvais jours de la restauration anglaise, car ce fut une concession faite, au détriment des entreprises privées, par la prérogative royale à la cupidité et à la soif de spéculations mercantiles et commerciales qui dévorait les courtisans de Charles II. L'acte qui instituait cette compagnie lui donnait en toute propriété les mers, baies, détroits, lacs et rivières, et toutes les terres adjacentes à la baie d'Hudson qui n'étaient pas occupées par des sujets anglais ou par les sujets d'une autre puissance chrétienne. Pendant bien long-temps, grace à ce monopole exorbitant et à la prohibition des fourrures et des pelleteries du Canada, la compagnie de la baie d'Hudson prospéra; bien que son existence n'eût pas été ratifiée par un acte du parlement, et que tous les sujets anglais eussent la liberté de s'établir et de faire le commerce sur le territoire immense qui lui avait été concédé, les difficultés inhérentes à ce genre de commerce et les obstacles qu'y mettaient les agens de la compagnie rendaient impossible toute concurrence sérieuse. Cet état de choses cessa quand le Canada fut devenu une possession britannique.

On sait que tant que dura la domination française sur les bords du Saint-Laurent, le commerce des fourrures et des pelleteries fut la principale et même la seule ressource du Canada. Le caractère léger et entreprenant de notre nation s'était façonné à merveille aux habitudes que demande ce genre de trafic et aux mœurs des sauvages avec lesquels il se faisait. Ce fut là même l'obstacle invincible contre lequel se brisèrent toutes les tentatives sérieuses du gouvernement français pour fonder dans le magnifique territoire que baigne le Saint

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