Qui souffre avec ma chair et frémit dans ta main? D'une goutte de vie et de divinité, Lorsqu'en ouvrant les bras, j'ai dit : FRATERNITÉ. -Père, oh! si j'ai rempli mon douloureux message, Il est permis pour tous de tuer l'innocent. >> Nous savons qu'il naîtra, dans le lointain des âges, Des dominateurs durs escortés de faux sages, Qui troubleront l'esprit de chaque nation En donnant un faux sens à ma Rédemption. Hélas! je parle encor que déjà ma parole Est tournée en poison dans chaque parabole; Que le fiel, ou l'absinthe, ou les eaux de la mer. Les verges qui viendront, la couronne d'épine, Quand les Dieux veulent bien s'abattre sur les mondes, Mal et Doute! En un mot je puis les mettre en poudre. Qui pèse de partout sur la création! Sur son tombeau désert faisons monter Lazare. Si la terre est pour eux ou s'ils sont pour la terre; Et pourquoi pend la Mort comme une sombre épée Si le juste et le bien, si l'injuste et le mal Ou si de l'univers ils sont les deux grands pôles, Ou de folles enfans sans lampes dans la nuit, De quels lieux il arrive et dans quels il ira. III. Ainsi le divin Fils parlait au divin Père. Mais il renonce et dit : « Que votre volonté <<< Soit faite et non la mienne et pour l'éternité. »> Il regarde long-temps, long-temps cherche sans voir. Et puis il vit rôder la torche de Judas. CTE ALFRED DE VIGNY. CHRONIQUE DE LA QUINZAINE. 31 mai 1843. C'est l'état de l'Espagne qui est l'affaire du moment. Chaque jour, on attend des nouvelles, non plus de Madrid, mais de la Catalogne, car c'est là probablement que se décidera l'issue de la crise actuelle; c'est Barcelone que le régent a choisie pour théâtre de la lutte. Bien que sa conduite semble très déterminée, Espartero n'a peut-être pas encore des desseins bien fixes; une insurrection armée peut le conduire à l'établissement d'une dictature militaire, mais il n'est pas certain qu'il en cherche l'occasion. Ce qui fait le plus grand danger de la situation, c'est qu'il est absolument au bout de la voie constitutionnelle; il ne peut plus faire un pas sans en sortir, et quand les ressorts sont tellement tendus, il est presque inévitable qu'ils se brisent. Le régent est donc placé sur la dernière limite qui le sépare des coups d'état. La dépassera-t-il? Nous avouons que nous en doutons encore. Le vent n'est pas aux grandes choses, ni en bien ni en mal. Pour qu'il se fasse dictateur, il manque à Espartero deux choses: la santé et la volonté. Les décrets du 26, qui ont accompagné l'ordonnance de dissolution, sont assez caractéristiques de la situation. On voit que le régent ruse avec l'esprit de la constitution, sans oser en attaquer la lettre. En même temps qu'il dissout les cortès, il donne une sorte de satisfaction à l'opinion par l'amnistie; en acceptant la démission de M. Lopez, il lui prend la moitié de son programme, et le premier acte du nouveau cabinet est la restitution de la contribution arbitraire imposée à Barcelone. Ces décrets sont une suite d'agressions et de concessions, de pas en avant et de pas en arrière. Par la dissolution, le régent provoque la révolte, et il en écarte les occasions les plus immédiates en rendant l'impôt facultatif. Pour dernier trait, Linage, dont M. Lopez demandait la destitution, est révoqué de la moitié de ses fonctions. Il n'y a là, jusqu'à présent, rien qui sente le Bonaparte; mais s'il est vrai qu'Espartero n'ait pas des intentions bien arrêtées de 18 brumaire, comment se fait-il qu'il ait poussé les choses à une telle extrémité? Évidemment, il |