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vue du Sauveur, & les raffembloit autour de lui. C'eft ainfi qu'un gouffre de l'Océan feptentrional, toujours ouvert à la deftruction, & caché fous des nuages qui le couvrent éternellement, attire à lui les eaux de la mer, & les engloutit avec leurs habitants qui ne s'en défient pas. Jefus voyoit Satan environné des crimes de la terre: il leve les yeux vers fon Pere, qui laiffe auffi tomber fes regards fur lui. L'arrêt redoutable étoit déja écrit fur le front de l'Eternel: déja fon tonnere retentiffoit dans le lointain. Le Meffie confterné, en proie aux douleurs les plus vives, reftoit debout en filence: cependant les charmes inexprimables d'un fourire divin brilloient encore fur fon vifage. Ce fut alors que, pour la feconde fois, les féraphins virent verfer des larmes au Tout-puiffant. Il avoit répandu les premieres, quand Adam pécha & furt maudit. Tandis que le Pere & le Fils avoient leurs regards attachés l'un fur l'autre, toute la nature en filence s'humilia devant eux: les globes divers, faifis de refpect, reftent fans mouvement, & le chérubin attentif à l'action des Immortels pourfuit fa route à travers les nuës qu'il craint d'agiter du bruit de fes ailes. Dans ce moment, Eloa envelop pé d'un nuage d'or defcendit fur la terre, pour y être témoin des larmes d'humanité

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que répandoit le Sauveur. Jean l'apperçut lorfqu'il remontoit au ciel. Jefus avoit deffillé les yeux de fon difciple, afin qu'il pût voir le féraphin. Enchanté de ce fpectacle inconnu aux humains; dans les tranfports de fon raviffement, il embraffe fon Maître avec ardeur; il l'appelle fon Rédempteur & son Dieu; à peine peut-il proférer ces mots, & le tient toujours étroitement ferré contre fon fein.

Les autres difciples, qui n'avoient pas vu leur Maître depuis long-temps, le cherchoient triftement dans l'obfcurité au pied de la montagne des oliviers. A l'exception d'un feul qui ne vénéroit plus auffi fincérement Jefus, tous étoient des hommes parfaits : ils ne connoiffoient pas eux-mêmes toute l'excellence de leurs ames; Dieu la connoiffoit mieux. Il les avoit créé dignes d'être un jour les témoins de l'accomplisfement de fes décrets. Le perfide qui trahit le Meffie, en auroit été le témoin comme eux, s'il n'avoit pas deshonoré le caractere célefte de difciple, dont il avoit été revêtu. Avant que leurs ames fuffent unies à des corps mortels, des fiéges d'or avoient déja été préparés pour eux dans le ciel, à côté de ceux des vingt-quatre vieillards. Mais un jour un nuage defcendu du trône de Dieu, vint s'étendre fur un de ces fiéges, Bientôt

ce nuage fe diffipa, & fut remplacé par une lumiere éclatante. Alors Eloa dit à haute voix: » Cette place vient de lui être ôtée » elle est donnée à un autre, qui en eft >> plus digne que lui. »

Alors les Gardiens des difciples, les anges de la terre, qui font fous les ordres de Gabriel, fe tranfporterent fur les hauteurs de la montagne des oliviers. De-là, fans être vus, ils contemploient avec attendriffement ces hommes vertueux, confiés à leurs foins, qui cherchoient le Médiateur, en verfant des larmes. Tout-à-coup le féraphin Sélia, un des quatres génies qui après Uriel, préfident au globe qui éclaire la terre, fe présente devant eux & leur dit :

» Inftruisez-moi, mes céleftes amis, de » l'endroit où eft le fublime Meffie, où il » porte à préfent fes pas ? Les ames des » patriarches m'envoient vers lui, pour » fuivre en fecret fes divines traces, & » obferver toutes les merveilles de la ré» demption. Il faut que je recueille jufqu'au » moindre mot, jufqu'au moindre foupir, » qui fortiront de fa bouche facrée. Il ne doit » pas partir de fes yeux un regard de bonté, » il n'en doit pas couler une larme, une » de ces larmes de tendreffe, qui caractéri>> fent tout-à-la-fois, & la grandeur d'un >>>Dieu, & la fenfibilité d'un mortel, que

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» je ne les remarque.... O terre! pourquoi » dérobes-tu fitôt à la vue des faints peres » la plus belle de tes contrées ? ces lieux » heureux que l'Eternel, caché fous les traits » de l'humanité, honore de fa préfence? » ces lieux où il commence à éprouver les » douleurs du facrifice que lui impofe fa » qualité de Médiateur ? Hélas! pourquoi » te fouftrais-tu fitôt à la lumiere du foleil » qui va porter, malgré lui, fes triftes rayons » fur l'autre partie de l'hémifphere? Ni la » variété de ces vallons qu'il découvre fucceffivement, ni la vue de ces montagnes qui femblent fe réveiller à fon afpect, » n'ont de charmes aux yeux des patriarches, » puifque le Meffie n'y porte pas fes pas. >> Meffie'n'y Ainfi parla Sélia. Le féraphin Orion, ange tutelaire de Simon, lui répondit : « Regarde parmi les tombeaux lugubres, qu'on dé»couvre là bas fur le penchant de la » montagne des oliviers, tu y verras le » Meffie plongé dans la méditation. » Sélia l'apperçut; & plein d'un raviffement intérieur, il demeura fans mouvement, les yeux fixés fur lui: deux heures s'étoient déja écoulées rapidement, que le féraphin étoit encore dans la même attitude. Dans ce moment les yeux du Sauveur fe fermerent pour la derniere fois, à la douceur du fommeil. Dieu lui-même avoit envoyé

du Saint des Saints fur des nuages paifibles ce fommeil rafraîchiffant, qui vint s'étendre fur lui, avec un doux murmure. Jefus s'endort; alors Sélia fe plaçant au milieu des gardiens des difciples, fe tourne vers eux, & leur dit d'un ton de voix plein de charmes :

M'apprendrez-vous, mes céleftes amis, » qui font ces hommes que je vois, le » long de cette colline, marcher d'un air » abbattu, & qui annonce les regrets? » Une douleur profonde & muette eft » peinte fur leurs vifages; mais elle n'en altere pas les traits: leur douleur eft l'expreffion de la douleur des grandes » ames. Peut-être pleurent-ils un ami qui » les égaloit en vertus, & que la mort

» vient de leur enlever....

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» Ce font, répondit Orion, les douze >> faints que Jefus à choifis pour être fes » confidents. O Sélia! que nous fommes » he reux d'avoir été chofis nous-mêmes » pour être leurs gardiens & leurs amis! » Notre miniftere nous rend fans ceffe » les témoins de la tendre ffe & de l'affa»bilité avec lesquelles leur Maître fe com» munique à eux, de la bonté avec laquelle » il les inftruit. Tantôt par des difcours pleins d'une force victorieufe, il leur ouvre l'entrée aux myfteres les plus fu

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