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plus les hommes: il lui fembloit qu'il étoit devant le trône de l'Eternel, au milieu de tout le genre humain qui attendoit le jugement. Toute l'affemblée avoit fixé fes regards fur lui fes yeux fereins, pleins de cette force irréfiftible de la vertu redoutable, en impofoient à tous ces hommes vicieux : ils fentoient, en frémissant l'afcendant que Nicodême avoit fur eux; il les força de l'écouter.

» Salut à moi, qui t'ai vu de mes yeux » ô Homme divin! qui ai vu l'efpérance » de nos peres, le Sauveur du monde! » Abraham, au fond de la folitude de la » forêt de Mambré, foupiroit après ta » préfence! David, cet homme né pour » la priere, t'auroit arraché du fein de » ton pere, par fes voeux ardents, s'il » avoit pu ! Les prophetes profternés dans » la pouffiere, t'ont demandé avec des » larmes que Dieu a recueillies; & c'est » à nous qui fommes indignes d'un tel

bienfait, qu'il a daigné te donner! Tu >> as perccé les voûtes du ciel; tu es venu >> habiter parmi ton peuple, pour le com» bler de bénédictions, ô Fils du Tout» puiffant! & c'eft toi que des impies ofent » traiter de coupable & d'impofteur? Qui » font-ils ces pervers, qui te donnent ces » noms odieux ? Quand as - tu machiné

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» quelque impofture? De quel crime t'es» tu rendu coupable? Réponds, Philon, » n'y étois-tu pas toi-même, lorsqu'au » milieu des Ifraëlites raffemblés autour » de lui, cet homme innocent demanda » à haute voix: Qui de vous peut me » convaincre d'un péché? Que n'as-tu » alors, ô Philon! lancé contre lui tous » ces traits empoifonnés que ta langue » diftille aujourd'hui avec tant de malignité ?

Pourquoi tous les Juifs, & toi, êtes» vous restés interdits? » Un profond filence régna dans l'affemblée; chacun cherchoit avidemment des yeux, fi quelqu'un fe leveroit dans la foule, pour l'accufer: tous partagés entre la crainte & la joie, reftoient dans une attente muette. Voyant alors que perfonne ne fe levoit pour dépofer contre ce Mortel divin, le peuple entraîné par un fentiment unanime, pouffa vers le ciel des cris de bénédiction. Moria & la montagne des oliviers retentirent de ces acclamations, Ceux à qui il avoit rendu la vue ou l'ouie, percerent alors la foule & vinrent faire éclater leur reconnoiffance à fes pieds. Alors ce même peuple, qu'autrefois il avoit miraculeufement nourri dans le défert, accourut avec tranfport à fon bienfaiteur; alors le jeune homme qu'il avoit reffufcité aux portes de Naïm s'écria:

» Non tu n'es pas un homme; non tu n'es » pas né pécheur; tu es le Fils du Dieu » vivant! Cette main que j'étends vers » toi, s'étoit roidie; ces yeux qui verfent » des larmes de joie, s'étoient fermés pour

jamais; cette ame qui te chérit, qui » t'adore, m'avoit abandonné; on me por» toit au tombeau : c'eft toi qui as rendu le » mouvement à cette main glacée par la » mort; c'est toi qui as r'ouvert mes yeux » à la lumiere! j'ai vu de nouveau la terre » & le ciel, & ma tendre mere tremblante » à mes côtés: tu as rappellé mon ame; » elle a ranimé mon corps, & on ne m'a » pas defcendu dans le tombeau. Tu es plus qu'homme! tu n'es pas né pécheur! » tu es le Fils de l'Eternel; tu es la gloire » & la félicité de la terre que tu viens » racheter! Voila, tu t'en fouviens, Philon,' » ce que ce jeune homme dit à haute voix; » tu l'entendis: pourquoi reftas-tu muet, » interdit, & le front baiffé à la face de » de toute la Judée ? Mais pourquoi vous

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rappeller ici un fait dont vous avez » été témoins? Ah! Philon; fi tes yeux » vouloient voir, fi tes oreilles vouloient » entendre, fi ton efprit n'étoit pas enve»loppé de ténebres, & ton cœur rempli » de méchanceté, il y a long-temps que tu » aurois reconnu en lui le Fils du Maître du

» monde. Mais quand même ta propre » foibleffe & ton néant t'auroient empêché » de le reconnoître en effet, n'aurois-tu » pas dû au moins craindre Dieu, refpecter » la Juftice, & attendre en filence & dans » la pouffiere, que le Juge fuprême l'eût » juftifié ou condamné du haut des cieux?

» O religion de la Divinité! amie fainte du » genre humain, fille du ciel, fource pure & » facrée de toutes les vertus, mere de la paix, » don le plus précieux que les cieux aient » fait à la terre, immortelle comme ton » Auteur, belle comme tous les êtres heu»reux qui environnent fon trône auguste, » douce & bienfaifante comme eux; c'est » toi qui éleves l'ame de l'homme, & y » fais naître les penfées les plus fublimes, » & tous les fentiments qui l'attachent à » fon Créateur! Voila comme tu existes » dans l'ame des féraphins, & voila comme » tu parois à l'homme, quand la lumiere » divine embrafe & éclaire fon coeur! Mais,

glaive affreux entre les mains du fanatique, » idole teinte de fang, ordonnant la per» fécution & le meurtre, fille abominable » des enfers, & non religion; plus obfcure » & plus effrayante que la nuit éternelle; » auffi hideufe que les cadavres déchirés »que tu égorges au pied de tes autels; tu ofes ravir ces foudres que le bras du

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» Juge fuprême s'eft feul réfervé le droit » de lancer! Ton pied pofe fur les enfers, » & ta tête menace les cieux! Voila ce » que tu deviens, quand des cœurs per» vers te dénaturent, quand les ennemis » du genre humain te transforment en un » monftre! Religion, ouvrage de la Divi» nité! non, ce n'eft pas toi qui demandes » le fang de celui fans qui tu ne ferois pas; » de celui que les prophetes avoient an» noncé, avant que tu defcendiffes fur » la terre, pour y être profanée; de celui » enfin qui est tout-à-la-fois ton fondateur » & ton objet; non, ce n'est pas toi, » fainte religion, qui confeillerois de l'im » moler! Tu n'enfeignes pas le meurtre, » toi qui nous a été donnée comme le » fceau de notre alliance avec Dieu, & » comme celui de notre félicité éternelle. » Quand je jette une vue attentive & ré» fléchie fur ce qui fe paffe ici, l'atrocité » des hommes me les feroit prendre en » horreur! Je frémis quand je vois que » tant d'êtres que Dieu a animés de fon » fouffle, font affez coupables & affez » méchants, pour confondre un fanatifme » barbare qui les dépouille de toute huma» nité, avec la religion qui la commande! » Quoi! vous êtes affez aveugles pour >> ne pas diftinguer la religion de la foif

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