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» nous penfions qu'il portoit la peine de » fes propres fautes, & que le bras ven» geur s'étoit appéfanti ́fur lui; mais fon » corps n'eft couvert de bleffures qu'à caufe » de nous. C'eft nous qui fommes les vé» ritables criminels & c'est pour nous » qu'il s'eft offert à la mort; c'eft pour » nous qu'il s'eft livré à la douleur & à » l'ignominie; c'eft pour faire defcendre »fur nous la paix, & afin que le falut » nous couvre de fes ailes! Egarés & per» dus dans les fentiers de l'erreur, nous » étions affez infenfés pour nous croire » dans ceux de la fageffe. Le Juge fuprême » a jetté nos iniquités fur cette victime » innocente. Il fe rend notre Réconcilia»teur; il fubit fon jugement fans mur» murer; il va au-devant de la mort, » comme un agneau qu'on conduit à l'au» tel.... Mais le voila forti du jugement.... » qui peut compter le nombre des récon»ciliés, le nombre des faints juftifiés par

lui? Le facrifice qu'il a fait de fa vie » pour les pécheurs, va leur procurer une » nouvelle vie, une vie éternelle. » Le Rédempteur ayant ainfi parlé, leva les yeux vers le ciel, refta quelque temps en filence, & reprenant la parole, C'est aujourd'hui le dernier que nous ferons ensemble. Je ne

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foir

il dit:

repas

du

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» boirai plus qu'aujourd'hui du jus agréa» ble de la vigne avec mes amis : Je ne mangerai plus avec eux des agneaux » qui paiffent dans les vallées; mais vous » me reverrez dans le féjour de la paix, » où font plufieurs demeures: vous y re» verrez votre Meffie, & vous célébrerez » avec lui, & les peres de l'alliance, de » nouvelles fêtes qu'aucune féparation ne » troublera plus. »

Jefus fe tut, & tous les difciples garderent le filence. C'est ainfi que le peuple faint, raffemblé fur la montagne de Moria, gardoit un filence profond, lorfque Salomon, le plus fage des defcendants d'Abraham, dépofa fa couronne aux pieds de l'autel dès qu'il eut fini les prieres de la confécration, le temple tout-à-coup fut rempli de nuages palpables qui cou-vroient la Majefté divine; les prêtres ne virent plus; les facrifices & les cantiques cefferent.

Lebbée se tournant vers Ifcariot, lui dit à voix baffe: » Je n'en puis donc plus » douter; le Fils de l'Homme mourra! » O mort! afile des malheureux, terme » defiré des peines & des miferes de la » vie, aye pitié de moi; & vole à mon » fecours! Paifque le meilleur, le plus » digne de tous les mortels eft conduit à

» l'autel comme une victime, accours, » & précipite-moi dans le tombeau, mon » unique efpérance!.... » Il prononça ces derniers mots d'une voix plus élevée & entrecoupée de fanglots. Le Meffie jetta les yeux fur lui: Il apperçut Ifcariot; cette vue l'affligea: il détourna auffitôt ses regards, les promena avec douceur fur l'affemblée, & dit:

» Je ne vous le cacherai pas plus long» temps; oui, parmi mes disciples bien» aimés, il en eft un qui me trahira! »

Ces mots les faifirent tous d'étonnement, & tous s'écrierent: « Seigneur, fera - ce » moi?... Oui, un de vous, répondit » le Meffie, un de vous qui faites à préfent » avec moi le repas de l'alliance. A la » vérité, continua-t-il en prenant l'air & » la gravité d'un juge, à la vérité, le Fils » de l'Homme pourfuit ici-bas fa route » divine, comme les prophetes l'ont an» noncé ; mais malheur à celui qui le » trahit! Il vaudroit mieux pour lui qu'il »ne fût jamais né! »

Jefus conferva fon air férieux. Judas lui demanda une feconde fois : « Qui eft-ce » qui te trahira? fera-ce Judas?... C'eft » toi qui l'as nommé, » lui répondit le Sauveur, en baiffant la voix entendu que de lui.

pour

n'être

La férénité reparut bientôt fur le front du Médiateur, & il ne fut plus occupé que de la penfée fi fatiffaifante pour fon coeur, du falut qu'il alloit procurer aux hommes. Il ne reftoit avec fes difciples, que pour confacrer devant eux la mémoire de fa mort. Il prononça alors les paroles auguftes & folemnelles, que tant de prêtres. facriléges, & tant d'églifes impies profanent audacieufement, lorfque dans leurs chants ils appellent à haute voix fur eux le jugement & la mort éternelle. Il ne connoît pas ces pécheurs endurcis; ce n'eft pas pour eux que fon fang fut verfé fur la croix!

Il préfenta à tous fes difciples le pain & le calice qu'il avoit confacrés; ils vinrent tous en filence les recevoir humblement de fa main. Comme Jean s'approchoit, il jetta les yeux fur le calice; cet objet le pénétra de douleur: il fe précipita aux pieds du Sauveur, les baifa en les arrofant de fes larmes, & les effuya avec fes cheveux.

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<< Fais-moi paroître à lui dans toute ma » magnificence, dit Jefus, en élevant fes

regards vers fon Pere. » Jean découvrit à l'inftant dans le fond de la falle une affemblée lumineufe d'efprits céleftes: il vit Gabriel dans toute fa fplendeur, & Raphaël dans tout fon éclat radieux; il en fut ébloui. vit auffi Salem brillant d'une lumiere plus

douce, & dont l'oeil humain pouvoit fupporter la vue: Salem, les bras ouverts, regardoit Jean avec le fourire de la tendre amitié, & Jean se fentit entraîné par un attrait invincible à chérir l'aimable Salem. Il fe retourna du côté du Meffie, & vit étinceler dans fes yeux tous les traits de la Majefté divine: il refta immobile de furprife & d'amiration, & fe laiffa tomber fur le fein du Sauveur. Gabriel fendit les airs, & plein d'un tranfport ardent, il vint à Jefus, & lui dit: » O Homme» Dieu ! ô Rédempteur! permets que je » t'embraffe auffi comme cet heureux dif»ciple dont tu me fais envier le fort. Tu » me ferviras, lui dit le Meffie, auprès » du trône de ma gloire, & tu prendras » ta place fur le fiége brilant, où Eloa a » été affis auprès du Saint des Saints de » Dieu »

Gabriel adora. Judas fe préfenta le dernier, & fe jetta comme avoit fait Jean, aux pieds de Jefus.

« Leve-toi, » lui dit l'Homme-Dieu & en-même-temps, il lui donna le calice; Judas le reçut tranquillement. Le Meffie qui le regardoit en face, en fut ému, & il dit à haute voix :

<<< Je connois tous ceux que je me fuis » choifis; mais un d'entre eux me trahira.

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