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» moi vers le ciel, & demander vengeance! » Pourquoi faut-il que je fois venu fur la » terre qui m'offre de tous côtés les offe»ments difperfés des malheureux enfants » d'Adam? Ah! je m'efforce en vain d'en » détourner mes regards effrayés; ma con» science, comme un farouche fatellite, les » ramene malgré moi fur ces tristes tom» beaux où font couchées tant de victimes » que j'ai contribué à égorger! Calme » affreux qui régnes fur ces habitations de » la mort, tu glaces mon cœur d'épouvante » & d'horreur!...»

En proie à ces cruelles idées, Abbadona s'avançoit à pas lents vers l'endroit d'où partoit la voix mourante. Il apperçut de loin le Meffie, mais il ne diftinguoit pas encore fon vifage fous la fueur & fous le fang dont il étoit couvert. Saifi d'une crainte inconnue, il n'ofoit l'approcher, & tournoit autour de lui, lorfque Gabriel tout-à-coup fortit des ténebres où il s'étoit retiré. Abbadonat frémit & recula à fa vue. Le féraphin célefte, plein d'un faint refpect, s'avança & inclina fon oreille vers le Sauveur. Il retint des larmes prêtes à couler de fes yeux, & les fixa douloureusement fur lui d'un air penfif. De cette même oreille dont, à une distance infinie, il entend les pas de l'Eternel, & les chants dont les orions font

retentir l'extrémité oppofée des cieux, il entendit les vœux que faifoit intérieurement le Meffie. Il entendit la marche pénible & lente de fon fang qui circuloit avec effort de veine en veine. Il entendit les foupirs concentrés dans les profondeurs de fon ame, les prieres qui s'en élançoient comme des traits de flamme; prieres plus agréables à l'oreille de fon Pere, que tous les concerts qui célebrent fa gloire, & plus fublimes que la voix créatrice qui tira l'univers du néant. Telle réfonne harmonieusement aux oreilles de Jéhova fa propre voix, lorsqu'il fe nomme lui-même du nom de Jéhova. Le féraphin attendri des fouffrances fecretes qu'enduroit le Meffie, fe retira en friffonnant, éleva les yeux & les mains vers le ciel, & refta immobile dans cette attitude. Abbadona qui, à la vue de Gabriel, étoit refté les yeux fixés en terre, entendit & vit tout-à-coup au-deffus de la tête les troupes célestes qui venoient adorer le Meffic: elles exprimoient, par leurs regards & par leur filence même, les fentiments d'amour, d'admiration & de refpect dont elles étoient remplies. Abbadona frémit & laifla tomber une vue mourante fur le Sauveur qui, dans ce moment, relevoit fa face fanglante & couverte des fueurs de la mort. Čet objet porta l'épouvante dans l'ame du malheu

reux Abbadona. 11 resta immobile & fans fentiment. Il ne reprit l'ufage de fes fens que pour laiffer échapper ces triftes plaintes qu'il s'efforça en vain de renfermer en lui

même:

» O toi que je vois ici lutter contre » les horreurs de la mort! qui es-tu? Es-tu » un des enfants de cette terre maudite? » Es-tu deftiné à rentrer dans la pouffiere » comme toutes les créatures qui en font » forties? Es-tu prêt à paroître devant ton Juge, Sens-tu l'approche de ton dernier » moment? & frémis-tu à l'afpect du tom» beau qui va t'engloutir? Sans doute tu » es mortel.... Mais les rayons de la Di» vinité brillent dans ton humanité! ton >> air annonce Être fupérieur à tous » ceux que la tombe enferre & que la » eorruption dévore! rien en toi ne décele » un de ces pécheurs que le Très-Haut a » rejettés. Tu es au-deffus de la condition. » des mortels! Je démêle en tous tes traits » un caractere de grandeur & de majesté » dont je ne peux fonder toute la profon » deur, & qui n'appartiennent qu'à la » Divinité. Qui es-tu?... Ah! malheureux » Abbadona, peux-tu le méconncître?... » Tes yeux obfcurcis ne font-ils pas frap» pés de fa reffemblance avec le Fils de » l'Eternel? Oui, c'eft lui! Il me femble

» le voir encore du haut de fon trône » terrible renverfer nos légions fous fa » foudre dévorante, & nous poursuivre » en vainqueur impitoyable. Je me rappelle » ce moment à jamais déplorable de notre » rebellion; je tournai la tête en fuyant, je » vis derriere moi ce Fils de l'Eternel, le » Miniftre tonnant de fon Pere. Il étoit fur » le tribunal couvert de ténebres; la nuit » & le trépas étoient à fes pieds. Dieu » l'avoit revêtu de fa toute-puiffance & » l'avoit armé de la deftruction, lui autre» fois la fource de la miféricorde & de la » clémence. Le bruit de fa marche, & les »coups qui partoient de fa droite foudroyan»te, ébranlerent la nature dans toute l'éten» due de la création. Mais, environné d'un » tourbillon épais, je le perdis bientôt de » vue: entraîné fans fentiment parmi les » orages & les tonnerres, je me trouvai » dans les gouffres de l'abyme, fans avoir » fu comment j'y étois tombé.... il me » femble le voir encore! La face de ce » mortel couché fur la pouffiere me retrace »fon image!... Ah! c'eft le fils du Dieu » vivant, c'eft ce Meffie envoyé fur la » terre, c'eft ce Juge.... Mais cependant » il fouffre! il lutte contre la mort! Les » tourments qui déchirent fon ame divine » paroiffent infinis! Il gémit étendu fur la

» terre, le fang ruiffele de toutes les par»ties de fon corps! Moi qui connois tous » les degrés de la douleur, qui ai éprouvé » tout ce qu'elle a de plus cruel & de plus » perçant, je ne faurois me faire à moi» même une idée de celle qu'il éprouve.... » Une foule de penfées nouvelles, fubli»mes, mais impénétrables fe préfentent » confufément à mes yeux étonnés, dans » un éloignement obfcur. ... Ce Roi du » ciel, ce Fils de Jéhova, cette image » éternelle de fon Pere, est-il descendu du » ciel? s'eft-il fait homme?... Seroit-ce lui » qui fouffre-là pour le genre humain?... » S'avanceroit-il vers le Jugement à la

me

place de fes freres?... Si le fouvenir » des chofes céleftes n'eft pas entiérement » détruit en moi, je crois avoir entendu » autrefois parler dans les cieux obscuré»ment de ce myftere. Ce que Satan con» vient lui-même avoir vu fur la terre, » confirme mon idée. Non, je ne » trompe pas. Tous ces efprits céleftes » qui viennent lui rendre hommage & l'adorer, ce frémiffement, ce refpect qu'é» prouve tout ce qui eft autour de lui, » annoncent la préfence d'un Dieu. Ah! » fi tu es en effet le Fils de l'Eternel! fi » tu cours te préfenter au jugement, à la place de tes freres mortels, pardonne,

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