페이지 이미지
PDF
ePub
[ocr errors]

main qu'il preffe contre fon fein. Le pere l'embraffe en frémiffant; & dans l'inftant où cette créature innocente le ferroit dans fes bras, & lui fourioit avec tous les charmes de fon âge, le malheureux Satan le faifit, dans un accès de fa rage, & le brife contre un rocher. Sa cervelle fe difperfe fur les pierres teintes de fon fang, & fon ame s'envole comme un fouffle léger, Samma inconfolable étoit venu ferrer de fes bras mourants la froide demeure qui renferme les os de fon fils. « Mon fils! s'écrioit-il,... Bennoni, » mon cher Bennoni!...» Un torrent de larmes avoit fuccédé à ces cris douloureux : un froid mortel s'étoit emparé de tous fes membres palpitants. Il étoit dans cet état, quand Joël, fon autre fils, apperçut le Meffie qui s'avançoit vers les tombeaux. « Ah! » mon pere, s'écria-t-il, plein de joie, » Jefus, le grand Prophete, porte fes pas » vers nous ! »

Satan effrayé regarde par les ouvertures du tombeau de Bennoni, où il s'étoit caché. C'eft ainfi que les Athées, ce peuple méprifable, quand le char redouté de la vengeance fait retentir les cieux, épient du fond des voûtes obfcures, où ils se font fauvés fi l'éclair brille encore,& fi l'orage eft diffipé. Satan jufqu'ici n'avoit tourmenté Samma que foiblement : il ne lui portoit que des C

coups lents, dur fond de ces tombeaux nocturnes; mais à l'approche du Sauveur, il s'éveille, s'arme de tous les traits de la mort, & fe précipite tout entier fur fa malheureufe victime. Samma fe leve brufquement, & retombe bientôt fans force. Il luttoit avec peine contre les horreurs du trépas : l'Efprit infernal le ranime, &, dans un accès de fureur le fait monter comme un trait fur la cime d'un rocher.... Sous tes yeux même, ô Juge des mondes, Satan alloit le précipiter & le brifer contre la pointe d'un autre rocher qui avançoit.... Tu arrives, & ta main puiffante foutient ta créature prête à périr. Le deftructeur du genre humain frémit de rage à l'afpect de fon maître. Jefus jette fur Samma un regard de compaffion: une vertu invifible porte à l'inftant le calme dans fon ame; il reconnoît fon libérateur; tous fes traits défigurés par la douleur, reprennent leur forme naturelle. Il leye les yeux au ciel; il veut parler; l'excès de fa joie lui permet à peine des fons inarticulés : il ne peut exprimer fa reconnoiffance que par des pleurs & par des cris. Ainfi, lorsque l'ame du fage, méditant fur fa nature, dans un moment de trifteffe & mélancolie, doute quelquefois de fon immortalité, & s'effraye de l'idée de fa deftruction, jufqu'à ce qu'une ame plus éclairée, & fiere des pro

તે

meffes de Dieu, s'approche d'elle & la confole; alors l'ame accablée fort avec impétuofité de fon état douloureux : elle triomphe; elle s'applaudit; elle fent qu'elle eft immortelle. C'est ainsi que la vertu di vine ramene le calme & le fentiment du bonheur dans l'ame de Samma.

[ocr errors]

Alors le Meffie adreffe ces paroles à Satan, d'un ton de voix qui annonce un maître ? Qui es-tu? De quel droit ofes-tu, fous » mes yeux même, tourmenter ainfi les » hommes, ces enfants élus pour la rédemption?...Qui je fuis! répondit Satan en rugiffant de fureur; je fuis Satan, le » roi du monde, & la divinité fuprême de ces efprits généreux, qui ont fecoué le joug de l'etclavage. Prophete mortel, car » Marie ne peut avoir engendré qu'un » mortel; ta réputation, qui que tu fois, » eft parvenue jufqu'à moi au fond des » enfers. Je les ai quittés pour te voir, toi » que les efclaves du ciel annoncent comme » un fauveur, Ton imagination égarée t'a, » fans doute, perfuadé que tu étois un Dieu, » mais tu n'es qu'un vil mortel, femblable » à tous ceux que ma main puiffante fait » rentrer fans ceffe dans la pouffiere d'out »ils font fortis. Auffi n'ai-je pas daigné » obferver la moindre de tes actions. Je re» vole aux enfers; la mort & l'épouvante

vont me devancer fur la terre & fur la mer, & me frayer un chemin digne de » moi. Cependant fi tu as des projets ici»bas, profite de mon abfence: je reviendrai » bientôt protéger en roi l'empire que je

me fuis établi fur la terre.... & toi, mi » férable Samma, expire fous mes yeux. » Il dit, & fe précipite à l'inftant fur Samma.... mais le Rédempteur, fans faire aucun mouvement, fans proférer un mot, arrête les efforts de Satan, & rend fa rage inutile. C'est ainfi que le Maître des cieux diffipe d'un coup-d'œil tout-puiffant les crages qui vont dévaster les mondes. Satan s'enfuit, & oublie de répandre la défolation fur fa route.

Cependant Samma defcend du rocher : il le quitte, en le regardant avec ce trouble cet effroi qu'éprouvoit jadis Nabuchodonofor à la vue des rives de l'Euphrate. Elles lui rappelloient l'état abject dans lequel il avoit erré fi long-temps, le long de fes bords, déchiré par les terreurs, dont l'Eternel épouvantoit fon coeur fuperbe. Rendu à fa premiere nature, il ceffa de fe croire un Dieu. Couché dans la pouffiere, au milieu de ces jardins faftueux de Babylone, que l'art avoit élevés & tenoit fufpendus dans les airs, il reconnoiffoit fon néant & s'humilioit devant fon Maître. Samma vole vers Jefus, & s'écrie en se précipitant à ses pieds:

[ocr errors][merged small]

Permets-moi de te fuivre, ô Homme divin! Permets que je finiffe auprès de

toi cette vie que tu m'as rendue. » En parlant ainfi, il entrelaçoit fes bras tremblants autour du Rédempteur. Le Meffie laiffe tomber fur lui un regard où fe peint fa compaffion pour l'humanité, & lui dit avec douceur: « Non, Samma, ne me fuis » pas; mais à l'avenir arrête-toi fouvent » auprès de la montagne de Golgotha: c'eft» là que tu verras fe réalifer bientôt les »efpérances d'Abraham, & celles des pro»phetes. Tandis que Jefus parloit à Samma, l'innocent Joël prioit Jean de le conduire auprès du Prophete de Dieu, & le difciple touché de fa candeur le conduifit vers Jefus.

«Prophete de Dieu, lui dit cet enfant » ingénu, il ne fera donc permis ni à mon pere ni à moi de te fuivre? Eloigne» toi donc au moins d'ici. Que fais-tu » parmi ces tombeaux dont la vue m'épou»vante? Viens chez nous, Homme divin; » viens dans notre maison : mon pere y » va retourner; & ma mere qui, dans ce » moment, s'afflige d'être feule, t'y recevra avec joie, t'y fervira avec humilité. Nous t'y donnerons du lait, du miel, & les plus beaux fruits de nos arbres. Nous te ferons des vêtements avec la laine

« 이전계속 »