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Cependant Uriel, le gardien du foleil, fe tenoit depuis long-temps fur les montagnes de ce globe enflammé, prêt à prendre fon vol. Le moment de remplir les ordres qu'il avoit reçus, arrive, & il s'élance à travers les cieux. Il prend fon effor vers un aftre que Dieu lui avoit défigné, avec ordre de l'amener devant le foleil, afin que le fang du Rédempteur coulât & que fa vie s'exhalât fous un voile plus fombre & plus effrayant que celui de la nuit. Déja le féraphin touchoit à un des poles de cet aftre, deftiné à être le féjour des ames, avant que la naiffance des corps. mortels qu'elles doivent animer, les ap pelle fur la terre que nous habitons. Urfel contempla ce nombre infini des ames de la race humaine future; & nommant l'aftre par fon nom immortel, il lui dit:

» Adamida, écoute ce que te prefcrit » celui dont la main t'a femé dans cet ef» pace infini! Sors de ton orbite, vole » vers le foleil; & par la vafte étendue » de ta maffe, empêche aucun de fes >> rayons de parvenir jufqu'à la terre. »

Tous les cieux entendirent cet ordre. Dès que la voix du féraphin eut ceffé de retentir dans les montagnes d'Adamida, Paftre auffitôt change, en criant, la direction de fes poles tonnants, avec la rapidité

effrayante des orages qui fe précipitent avec le fracas horrible des nuages qui fe heurtent & vomiffent la foudre, des montagnes qui s'écroulent, des mers qui mugiffent; il vole où l'appelle l'ordre du Fout - puiffant. Toute la nature interdite refta fans mouvement. Uriel qui fe tenoit fur un des potes de Faftre, n'entendit pas le bruit de fa courfe, tant fon efprit étoit abforbé dans la méditation de ce qui fe pafloir fir Golgotha Adamida arrive auprès du foleil: les ames qui l'habitoient, s'étonnerent à la vue de cet aftre radieux, & s'éleverent dans les nuages qui rempliffoient la région qui étoit entre lui & l'aftre de leur féjour. Adamida parvenu au foleil, fufpend la rapidité de fon vol bruyant: il fe meut lentement; & par fes mouvements infenfibles & mefurés il en occupe toute la face & en intercepte tous les rayons.

Bientôt l'obfcurité couvrir la terre oùrégnoit un profond filence, & ce filence morne augmentoit avec les ténebres & l'inquiétude. Les oifeaux devenus muets, s'envolerent aut fond des forêts. Les animaux chercherent un afile dans les cavernes & les fentes des rochers. La nature entiere étoit enfévelie dans un calme finiftre. Les hommes refpiroient avec peine un air qui n'avoit plus de reffort, levoient

les yeux vers le ciel où ils cherchoient envain la lumiere l'abfcurité augmentoit de plus en plus; elle devint univerfelle & plus effrayante, lorfque l'affre eut entiérement occupé le difque du foleil. Toutes les plaines de la terre furent enveloppées dans les horreurs d'une nuit épouvantable.

Cependant Jefus étoit fufpendu au haut de la croix, & le fang & la fueur de la mort couloient de fes membres mourants. A cet afpect, la nature muette étoit dans cet état d'étourdiffement & de confternation qu'éprouve un ami vertueux qui apprend qu'une mort prématurée vient de lui enlever fon ami; ou comme un citoyen généreux, demeure immobile, & contemple d'un oeil ftupide & qui ne peut verfer de larmes, la trifte & refpectable dépouille d'un concitoyen magna me qui vient de mourir pour la patrie. Mais bientôt la douleur le réveille, & le tire avec violence de fon état d'accablement. Ainfi la terre fortit de fon engourdiffement: Golgotha fut agitée jufqu'au pied de la croix, & les fecouffes qu'elle éprouva, firent fortir des plaies de la Victime un nouveau torrent de ce fang qui devoit conduire le genre humain à la vie éternelle. Une nuit plus épaiffe couvroit la colline de la mort, & le temple & la ville de Jérufalem, La

lumiere des anges meme en fut obfcurcie. La multitude troublée par la frayeur, élevoit fes regards féroces vers la croix; & le fang redoutable couloit, & commençoit déja à s'appefantir fur leurs têtes & fur celles de leurs enfants. Ils vouloient envain détourner leurs regards, la frayeur les ramenoit malgré eux vers la croix.

Uriel defcendit du pole de la planete d'Adamida, pour exécuter un fecond ordre qu'il avoit reçu touchant les ames qui l'habitoient. Elles le virent venir à elles; ces fubftances céleftes étoient déja revêtues d'un tiffu aërien qui imitoit la figure humaine. « Suivez-moi où je vais vous con» duire, leur dit Uriel; les anges ne font » pas étrangers pour vous; vous favez » qu'ils font les miniftres de l'Infini. Il » vous envoie vers cette terre que l'om»bre de votre demeure vient de plonger » dans les ténebres. Vous allez le voir! » Son nom fublime, fon nom divin eft » Fils de l'Eternel! Mais le bandeau qui » couvre encore vos yeux, vous empêche » de le connoître; bientôt il fera dé

chiré. Venez, ames fortunées defti»nées à des joies immortelles; venez, » vez comme les cieux interdits autour

» de vous, annoncent par leur confterna. tion la grandeur de cet événement,

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» Tous les genoux fe plient devant toi » ô Monarque fuprême! tous les fceptres » s'humilient, & les couronnes tombent >> en ta préfence ! C'eft pour toi que tu » créas les ames immortelles; c'est pour » toi que tu les réconcilies. »

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Uriel prit fon vol, & toutes les ames le fuivirent. Ainfi qu'un fage, conduit par l'enthoufiafme de la piété, s'arrache au tu multe du monde, &, plein d'une ferveur célefte, court à grands pas s'enfoncer dans la folitude des forêts pour y méditer en filence fur l'auteur de fon être : ainfi le féraphin hâtoit fon vol vers la terre. Il s'en approche avec fon cortége majeftueux. Les patriarches virent dans des nuages élevés & crépufculants cette légion innombrable d'êtres penfants, créés pour l'immortalité, La mere des hommes, dans fon étonnement, détourna pour un moment de la croix fes regards attentifs. Elle vit tous fes enfants, les races de tous les fiecles. S'appuyant fur fa gauche tremblante, elle montra de fa droite au pere des hommes les ames de tous les Chrétiens; &, reportant ses regards fur la croix enfanglantée, elle s'écria:

Les voilà, les voilà, mes immortels >> enfants! Quel nom peuvent-ils te don»ner, ô toi qui répands ton fang pour

eux! Enfants de la grace, heureux

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