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de fes cieux. Auffitôt parut une maffe » informe & morte. Cette maffe étoit de»vant lui comme un foleil brifé, ou » comme les cadavres d'un nombre in» nombrable de terres jettées confufément » les unes fur les autres. Il ordonna au feu » de s'allumer. Auffitôt la flamme nocturne » fe précipita comme un torrent à travers » les champs de la mort. Alors les cala»mités exifterent; alors les cris & les » gémiffements retentirent au haut des » voûtes de l'enfer qu'il venoit de créer.

Tandis que les féraphins s'entretenoient ainfi, Porcie contemploit le Meffie dans les fouffrances. Elle ne put foutenir plus long-temps ce fpectacle douloureux : elle monta fur la plate-forme du palais, les bras croifés fur fon fein & les yeux tournés vers le ciel que les foibles rayons de l'aurore commençoient à éclairer. Le coeur plein d'un trouble dont elle ignoroit la cause, elle s'entretenoit ainfi en elle-même: » O toi! le premier de tous les Dieux! » toi qui tiras le monde du fein de la nuit, » & qui donnas un coeur à l'homme;

quel que foit ton nom, grand Dieu! » Jupiter, ou Jéhova, le Dieu de Romu» lus ou celui d'Abraham; toi le Pere & » le Juge, non de quelques mortels, mais » de toutes les nations de l'univers, oferai

je te confier mes pleurs & le trouble » qui agite mon ame? Hélas! qu'a donc »commis cet homme doux & paifible que » ces barbares veulent immoler? Eft-ce » donc un fpectacle agréable pour toi, ô » Dieu! que celui de contempler du haut » de l'Olympe la vertu gémiffante? Il peut être fait pour l'homme; le fentiment de » l'admiration, tout ce qui émeut fon »ame & la fait frémir, eft intéreffant » pour lui. Pour toi, tu ne peux admirer. » Sans doute, le Dieu des Dieux eft affecté » d'un fentiment plus fublime, fans quoi » fon œil divin ne pourroit pas voir que » l'innocence fouffre. Quelle récompenfe » deftines-tu au mortel courageux, qui » foutient là-bas l'oppreffion avec tant de » conftance? Je n'ai pu donner à fes maux » que le foible tribut de la compaffion & » des larmes. Mais toi, qui feul connois >> tout le prix de celles que verfe la vertu perfécutée, Dieu des Dieux, récompenfe» la; &, s'il t'eft poffible; admire-la. »

S'étant enfuite penchée fur la balustrade de la plate-forme, elle entendit au bas du palais la voix d'un homme au défefpoir. C'étoit celle de Pierre. Jean, qui étoit resté près de la porte, le reconnut à fes cris, & lui dit:» Ah! Pierre, parle; vit-il encore? »Tu pleures, tu te tais! Il n'eft plus!»....

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» Ah! laiffe-moi, s'écria Pierre, laiffe-moi » aller mourir au fond des déferts. Je veux » mourir. Il eft perdu, & je le fuis encore » plus que lui. Judas..... déteftable Judas, » tu l'as trahi... Plus déteftable que toi, je » l'ai trahi auffi! Où me cacherai-je?... Hé» las je l'ai renié devant tous ceux qui » m'ont interrogé... Fuis, éloigne - toi, » Jean, laiffe-moi mourir ignoré de toute la » terre... Mais meurs auffi, ami pieux; » meurs ton Maître eft condamné à la » mort... & moi, perfide, j'ai eu la lâcheté; » de le renier devant ce tas d'hommes per» vers! »

Jean refta muet de furprise & de douleur à ces difcours. Pierre s'arracha de ces lieux; mais bientôt il s'arrêta dans l'obfcurité, auprès d'une borne que couvroit la rofée du matin. Il chancela près de la pierre, s'y appuya; & baiffant fa tête fatiguée, il pleura long-temps en filence. A la fin fon ame pleine d'amertume fe répandit en ces triftes paroles entre - coupées de fanglots: » Souvenir trop cruel, ceffe de » m'effrayer & de porter dans mon cœur » le trouble & l'horreur de la mort; ceffe » de me retracer ce regard touchant de » mon divin Maître, dans le moment où »je commettois la plus noire & la plus » horrible des lâchetés. Qu'ai-je fait, mal

» heureux? Quoi! j'ai pu renier celui que » j'ai tant aimé, celui à qui j'étois fi cher? » Ame vile, quoi! tu as pu méconnoître » cet Homme divin? De quel front me

préfenterai-je devant lui, lorfqu'il jugera » l'univers? Il me méconnoîtra à mon tour, » à la face de fes difciples vertueux & des »anges qui l'environneront. Ah! mécon»nois moi, jele mérite... Daigne avoir com» paffion de moi; laiffe-toi fléchir par ma » douleur... Qu'ai-je fait, ô ciel!... Plus »je me rappelle mon crime, & plus j'en » fens toute l'énormité .. O mort! déli» vre-moi du tourment que j'endure... »

Il fe tut, & pleura; fon coeur étoit digne de tant de regrets. Orion, fon ange gardien, fe tenoit près de lui: il fentit une douce compaffion & une joie célefte, en voyant l'excès de fon repentir. Pierre fe releva; & portant fes regards vers le ciel, il s'écria: »O Juge redoutable, Pere » de tous les humains, des anges, & » de ton Fils, tu lis dans la profondeur » de mon ame; tu vois les remords dont » elle eft déchirée. J'ai renié ton Fils. Au » nom de ce Fils divin, que j'ai fi lâche»ment outrage, aie compaffion de moi. » Il doit mourir. Ah! je fuis indigne de » mourir avec lui. Mais permets qu'avant » qu'il penche fa tête vers le tombeau,

» qu'avant qu'il donne à fes difciples fideles » les bénédictions, ce dernier témoignage » de fon amour, permets que je me pré» fente encore devant lui, & que je life » mon pardon dans fes regards mourants. » Trop coupable & trop accablé par l'idée » de mon crime, je lui demanderai grace, » & je ne lui crierai pas : N'as-tu pas en» core une bénédiction, n'as-tu qu'une » feule bénédiction pour ces difciples for» tunés? Si je fuis affez heureux, poitr » obtenir mon pardon par mes pleurs, » j'irai par toute la terre, & je le con» fefferai devant tous les hommes. Puiffé

je, ô mon Créateur! employer à cet » ufage tout le temps que tu me destines » à vivre! Je chercherai tous les cœurs ❤ fenfibles à la bonté, à la piété & à l'in» nocence, & je leur répéterai fans ceffe » avec un torrent de larmes : Oui je l'ai » connu, le plus grand & le meilleur des » humains; j'ai connu Jefus, le Fils du » Très-Haut, & je n'étois pas digne de » le connoître : j'étois fon difciple chéri; » il m'aimoit avec une tendreffe... » Hélas! je n'étois pas digne de lui rendre » amour pour amour. Que ne l'ai-je aimé » comme il le méritoit, dans fes heures » d'adverfité Tous les inftants de fa vie » étoient marqués par des bienfaits. Il ne

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