페이지 이미지
PDF
ePub
[ocr errors]

» jamais errré de pareil autour de mon ame! Je t'aurois fecourue ô Marie! » quand même je n'aurois pas eu le bon» heur de te voir. Ce fonge avoit déja fait » retentir fa voix puiffante à mes oreilles, » & m'avoit parlé en ta faveur; mais la » maniere effrayante dont il a fini, m'a » tirée du fommeil, & m'a laiffé baignée » de fueurs froides. J'ai voulu dans l'inf» tant voir cet illuftre accufé, je courois, » vers lui, lorfque les Dieux m'ont en» voyé fa mere. » Porcie fe tut. En fortant de fon appartement avec précipitation, elle avoit ordonné à une efclave de la fuivre. Cette efclave s'étoit arrêtée à portée d'elle, au fond d'une galerie voifine. Porcie lui fait figne d'approcher: « Va »vers Pilate, lui dit elle, cours; dis-lui » que celui qu'il va juger eft un homme jufte, grand, célefte: qu'il ne condamne » point le Jufte. O Pilate! aujourd'hui » même une vifion m'a effrayée pendant » mon fommeil, & m'a parlé en faveur » de cet Homme divin.... Calme donc, » mere tendre, calme tes douleurs: viens » avec moi, defcendons dans ce jardin; » là, loin des cris de la populace, je te >> raconterai ce que m'ont appris les mo>>ments pénibles de ce fommeil inté >> reffant. >>

Elle dit, & elles defcendirent. La plus noble des payennes fixe attentivement fes regards fur la terre: elle garde encore le filence. Ce fonge la pénetre d'admiration, & la plonge dans des réflexions inconnues pour elle. Son ange tutélaire l'avoit verlé dans fon ame, il y nourriffoit ces pensées fublimes qui avoient fait fur fon efprit une impreffion fi profonde; c'étoit de ce germe fécond que l'être bienheureux faifoit éclore, fans ceffe, de nouvelles penfées. I vouloit frapper les fibres les plus fenfibles de fon cœur; il vouloit la toucher. Elle s'arrache enfin à fes réflexions, & dit à Marie: » Socrate.... tu ne connois pas » cet homme divin... ah! je treffaille de » joie en prononçant fon nom. Il couronna » la plus belle vie par une mort qui la >> rendit encore plus refpectable. Socrate... » ce fage que j'admirai toujours, dont » l'idée m'occupa fans ceffe, je l'ai vu pen»dant mon fommeil. Il s'eft nommé par » fon nom immortel. Voici, m'a-t-il dit, » l'objet de ton admiration; je fuis Socrate. »Je viens des régions qui font au - delà >> des tombeaux. Ceffe de m'admirer. La »Divinité n'eft pas ce que nous la croyons » être. Nous étions. tous les jouets de » l'erreur, vous aux pieds des autels, & » moi fous l'ombre d'une fageffe plus auf

» tere. Il ne m'eft pas permis de te dé» voiler tous les myfteres de la Divinité. » je ne puis conduire tes pas que jufqu'au » veftibule de fon temple. Peut-être qu'en » ces jours de merveilles où s'accomplir » la plus grande des actions qui fe foient » paffées fur la terre, un efprit fupérieur, » un être plus parfait, t'introduira dans » fon fanctuaire. Je te dirai cependant, & » c'eft ton coeur vertueux qui t'a mérité » cette confolation, que Socrate ne fouf»fre plus de la part des méchants; il n'y »a ni Elyfée, ni juges fur les fom»bres bords: ces idées étoient l'ouvrage » de la foibleffe & de la crainte. Il eft >> ici un autre Juge: il y brille d'autres >> foleils que dans l'Elifée. Ici le nombre, » la mefure, & la balance compte, mefure, » pese toutes les actions. Comme les plus » fublimes vertus s'anéantiffent, hélas! Avec » quelle légereté l'effence qui les conftitue » s'envole & fe diffipe comme la pouffiere » dans les airs! Peu font réconpenfées; beau>> coup font pardonnées. Mon cœur a trouvé » grace en faveur de fa fincérité. O Porcie! » qu'au-delà des tombeaux tout eft différent » de ce que nous penfions! Ta fuperbe » Rome qui effraie l'univers, n'eft qu'une » orgueilleufe fourmiliere; & une larme » que la compaffion fait couler, une larme

» qui part d'un coeur droit & fincere, eft » préférable au monde entier. Rends - toi » digne de la verfer.... La troupe fainte » des efprits folemnise maintenant avec la » plus grande pompe un myftere redou» table, qui ne m'a point été dévoilé, & » que je n'admire que de loin. Le plus » grand des hommes fouffre! fi cependant » on peut l'appeller homme. Jamais mortel »ne fouffrit comme il fouffre. Il s'hu»milie profondément devant la Divinité; » il obéit; il met le comble à la plus dif» ficile des vertus. Dans ce moment mê»me, ce prodige s'opere en faveur des » hommes. Ouvre les yeux, Porcie, recon» nois l'Auteur de ces merveilles. Pilate le » juge; mais fi fon fang rougit la terre, » jamais fang innocent n'aura élevé vers » le ciel des cris aufli puiffants.. » Le spectre fe tut après avoir dit ces mots, » & difparut; mais je l'entendis me crier » de loin. »

[ocr errors]

» Regarde.... Je regarde.... Dieux! » que vois-je ? une vafte plaine couverte » de tombeaux qui s'ébranlent & s'entre» ouvrent. Des nuages épais fufpendus » aux voûtes des cieux, defcendoient juf» ques fur ces tombeaux. La nuée fe fend » & me préfente une ouverture immmense. » J'y vois entrer un homme tout fanglant.

» Des troupes innombrables d'ombres dif» perfées fur ces tombeaux, fuivent des » yeux cet homme enfanglanté. Leurs bras » étendus vers lui, expriment le defir » qu'elles ont de le fuivre. Plufieurs nagent » dans leur fang. La terre s'en abreuve & » tremble; je les vois fouffrir. Mais avec » quelle conftance, avec quelle grandeur >> elles femblent défier tous les traits de la » douleur ! Alors une noire tempête déploie fes ailes effroyables, la nuit jette » un voile lugubre fur cette vafte plaine, » & la terreur m'arrache au fommeil. » Porcie fe tut. Ainfi s'arrête & revient fur fes pas la penfée de l'homme, lorfque par un dernier effort, elle a entrevu l'obfcurité qui lui cache les profondeurs de la Providence. Marie, livrée à de nouvelles réflexions, tourne fes regards vers le ciel. Elle adreffe enfuite la parole à Porcie » Que te dirai-je, ô Porcie! Je : » ne comprends pas moi-même toutes » les fublimes vérités qui peuvent être enveloppées dans ton fonge. Mais ce » n'eft qu'avec refpe&t que je fixe les yeux » fur toi. Des efprits fupérieurs viendront, » fans doute, t'ouvrir le fanctuaire de la » vérité... C'est à moi de me taire. J'ofe>> rai cependant te dire que celui qui créa » avec la même facilité, & cette herbe

[ocr errors]
« 이전계속 »