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& aux autres seigneurs croifez, qui envoyerent au AN. 1202. roi Philipe de Suaube, fçavoir s'il vouloit les aider au recouvrement de la terre fainte, auquel cas ils promettoient d'aider Alexis à la conquête de C. P. Les envoyez des croisez allerent ainsi en Allemagne avec le jeune Alexis.

XLVIII.

La flotte des croifez François & Venitiens partit prie de Zara. de Venife à l'octave de faint Remi huitiéme d'Octo

bre 1202. & arriva devant Zara la veille de faint Mar- Ville Hard.n.38, tin dixième de Novembre. Les habitans envoyerent des deputez au duc de Venife, offrant de fe rendre à discretion : le duc dit qu'il en parleroit aux feigneurs François, & cependant ceux qui vouloient divifer l'armée dirent aux deputez de Zara : Pourquoi voulez-vous vous rendre? vous n'avez rien à craindre des croifez, fi vous pouvez vous défendre des Venitiens. Ainfi les deputez s'en retournerent fans attendre la réponse du duc de Venife ni des feigneurs François, qui étoient d'avis d'accepter leurs offres. Alors Gui abbé des Vaux de Sernai de l'ordre de Cifteaux au diocefe de Paris fe leva dans l'affemblée, & dit: Seigneurs je vous défens de la part du pape d'attaquer cette ville; elle eft à des Chrétiens & vous étes croisez. En même tems il leur lut la lettre du pape qui portoit cette défense. Les Venitiens le vouloient tuer; mais Simon comte de Montfort fe leva auffi & Petrus hift. Albiga prit fa défense. La ville de Zara fut attaquée & ren-. duë, & par le confeil des Venitiens l'armée y passa l'hiver.

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c. 19.

Mais le pape aïant apris cet exploit écrivit une• v. epift. 161. lettre aux croisez, où il les traite en excommuniez, Gefta. n. 86. ne mettant à la tête ni falut ni benediction. Les ha

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AN. 1202. bitans de Zara, dit-il, vouloient le raporter à nôtre jugement fur leur differend avec les Venitiens n'aïant pas été écoutez ils pendirent des croix autour de leurs murailles. Mais vous n'avez pas laiffé d'attaquer leur ville, au mépris du crucifié, & les avez contraints à fe rendre : quoique le cardinal Pierre nôtre legat eût expliqué à quelques-uns d'entre-vous la teneur de nôtre défense, & qu'enfin nos lettres vous euffent été prefentées publiquement. Les Venitiens ont renverfé à vos yeux les murailles de cette malheureuse ville, ils ont dépouillé les églifes & ruiné les bâtimens, & vous avez partagé les dépoüilles avec eux. Il conclut en leur défendant de ruiner Zara davantage, & leur ordonnant de procurer au roi de Hongrie la restitution de ce qui a été pris.

XLIX.

Traité avec le jeune Alexis.

Ville-Hard. n.

45.

Cependant vinrent à Zara les envoyez du roi Philipe de Suaube & du prince Alexis, & dirent aux feigneurs croifez affemblez chez le duc de Venife: Le roi nôtre maître vous envoye le prince fon beau-frere, qu'il met en la garde de Dieu & en la vôtre; & comme vous marchez pour l'amour de Dieu & de la justice, vous devez rétablir,fi vous le pouvez, ceux qui font dépoffedez injustement de leurs biens. Si vous rétablissez ce prince il remettra premierement l'empire de C. P. à l'obedience du S. fiege de Rome, dont il est feparé depuis long-tems. De plus pour vous dédommager de la dépenfe que vous avez faite il vous donnera deux cens mille marcs d'argent & des 'vivres pour toutes vos troupes. Il paffera avec vous en Egypte en personne, ou si vous l'aimez mieux, il y envoyera-dix mille hommes à ses frais, pendant

un an; & toute la vie entretiendra cinq cens che- AN. 1202. valiers à fes dépens pour garder la terre d'Outre

mer.

Sur cette propofition les feigneurs croifez s'assemblerent. L'abbé de Vaux Sernai & le parti qui vouloit féparer l'armée, dirent qu'ils n'y confentiroient point, que c'étoit toûjours des Chrétiens qu'il faudroit attaquer, qu'ils n'étoient point partis à cette intention, & qu'ils vouloient aller en Syrie. Ceux de l'autre party repondirent. Vous ne pouvez rien faire en Syrie, vous le verrez bien par ceux qui nous ont quittez pour y aller la terre Tainte ne peut jamais être recouvrée que par l'Egypte ou par la Grece; & fi nous refufons ces offres, nous en ferons blâmez à jamais. Les abbez de Cifteaux étoient eux-mêmes divifez en ce confeil, l'abbé de Lucé au diocefe de Verceil & quelques autres infiftoient à tenir l'armée unie & accepter la propofition: mais l'abbé de Vaux Sernai & fon parti foûtenoient toûjours qu'il n'étoit pas permis, & qu'il falloit aller en Syrie. Enfin les principaux Seigneurs l'emporterent & accepterent le traité proposé pour le prince Alexis ; & il fut convenu qu'il viendroit dans la quinzaine de Pâques 1203. Les lettres du traité furent expediées & fcellées, mais il n'y eut que douze feigneurs qui le jurerent, Boniface marquis de Montferrat, Baudouin comte de Flandres, Loüis comte de Blois, Hugues comte de S. Paul, & huit autres.

L'empereur Alexis aïant appris que fon neveu s'étoit retiré chez le roi Philipe de Suaube, & que l'armée des croifez devoit venir l'attaquer : envoïa des ambasfadeurs au pape Innocent avec des lettres

AN. 1202. par lesquelles il le prioit de détourner les croisez de ce deffein: puifqu'ils fe rendroient coupables devant Dieu en foüillant leurs mains du fang des Chrétiens, & diminuëroient d'autant leurs forces, qu'ils devoient emploïer contre les infidelles. Il ajoûtoit que le jeune Alexis n'avoit aucun droit à l'empire de C.P. parce qu'il étoit né avant que fon pere Isaac fût empereur: or il n'y avoit que les enfans nez fur la pourpre, c'est-à-dire d'un pere déja empereur, qui duffent fucceder : hors ce cas l'empire étoit électif. Le pape répondit entre autres chofes : Les feigneurs croifez Lib.V. epift. 222. ont répondu à la propofition de Philipe de Suaube & de fon beau-frere, qu'ils vouloient nous confulter avant que de s'engager en une affaire de cette importance, & ont excité le cardinal Pierre de S.Marcel, qui devoit paffer la mer avec eux, à revenir vers nous pour aprendre nôtre intention fur ce fujet. Il nous a tout expliqué exactement, & quand vos ambassadeurs feront venus en nôtre prefence, nous en délibererons avec nos freres, & nous prendrons une refolution dont vous aurez fujet d'être content.

Ce n'eft pas que plufieurs ne foûtiennent, que nous devrions écouter favorablement la demande des croifez, à cause du peu de foumiffion de l'églife Grecque envers le faint fiege. Et enfuite: Depuis le tems de Manuel de glorieuse memoire l'empire de C. P. n'a pas merité que nous entrions dans fes interests: puifque nos predeceffeurs & nous, n'en avons jamais reçû que des paroles fans effet; & toutefois nous avons refolu d'agir en efprit de douceur, & nous vous exhortons à être plus effectif à l'avenir, comme nous le ferons de nôtre part. La lettre eft du 26. de Novembre

le

L.
Deputation au

de Zara
Ville-Hard n. 53•

Gunther. p. 367.
11. 6.

Ap. Rainald.an.

Cependant les croifez voulant appaifer le pape au AN. 1202. fujet de la prife de Zara, lui envoyerent Nevelon évêque de Soiffons, Jean de Noïon chancelier du comte Baudouin, Martin abbé de Paris au diocese de pape fur l'affaire Bafle & deux chevaliers. Le marquis Boniface les chargea d'une lettre au pape où il difoit : Aïant reçû vos lettres, & fçachant qu'il y en avoit qui portoient excommunication contre les Venitiens pour fait de Zara, j'ay resolu par le confeil des barons de les fuprimer pour un tems: étant affuré que dans les circonstances prefentes, elles ne pouvoient être montrées fans que nôtre armée fe diffipât auffi-tôt ; & me souvenant de vôtre conseil de diffimuler plufieurs chofes felon le tems & le lieu, fi les Venitiens vouloient rompre l'entreprise. J'ai donc reçû vos lettres à genoux avec grande devotion de la main de vôtre nonce, & les ai données à garder à l'abbé de Lodi, jufques à ce que je reçoive un nouvel ordre de vôtre part: car j'ai oui dire au duc de Venife & à quelques Venitiens de nos amis, qu'ils envoïeroient inceffamment à vôtre fainteté pour le fait de Zara; mais nous ne fçavons fi leur envoïé eft encore arrivé près de vous ; & c'eft ce qui m'a fait differer jufques à present d'y envoyer.

Les députez étant arrivez à Rome dirent au pape: Les barons vous crient merci de la prise de Zara : ils ne pouvoient mieux faire par la faute de ceux qui étoient allez aux autres ports, ni tenir autrement leurs troupes ensemble. C'est pourquoi ils vous mandent comme à leur bon pere, que vous leur commandiez ce qu'il vous plaira, & qu'ils font prests à le faire.Le pape répondit, qu'il favoit bien qu'ils n'avoient

Ville-Hard.n.54°

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