Sup. liv. LXIV. regarde la prétendue monarchie de Sicile & le trai- AN. 1198. té fait avec Adrien IV. Il y avoit une bulle semblable pour les prelats & le clergé de la Poüille, & last. derniere étoit la commiffion du legat Octavien. Mais Gesta. n. 11. avant qu'il arrivât en Sicile l'imperatrice Conftance n'étoit plus en vie. par ep. 413. n. 23. Se voyant à l'extremité elle fit fon testament, lequel elle donna pour confeil à fon fils Gautier évêque de Troye chancelier de Sicile, avec les trois archevêques de Palerme, de Montreal & de Capouë; & fit le pape bail du royaume, c'est-à-dire regent, suivant le langage du tems; ordonnant que durant la regence il recevroit tous les ans des revenus du royaume trente mille tarins, c'étoit une monoye d'or; & feroit de plus remboursé de tous les frais qu'il pourroit faire pour la deffense du royaume. Conftince mourut le vingt-feptiéme de Novembre 1198. & aufsitôt le pape envoya legat en Sicile Gregoire diacre cardinal, pour regler les affaires du royaume avec les ep. 557.562. quatre miniftres. Ils luy preterent ferment pour la regence: mais du refte ils n'avoient pas de grands égards pour luy, principalement le chancelier, qui ne le reconnoiffoit pas volontiers pour fuperieur: ainfi il revint à Rome peu de tems aprés. $54. VI. à la croifade. Matth. XXIII. Le pape Innocent defiroit ardemment de procu- Le pape exhorte rer du fecours à la terre fainte, & fçavoit le repro- Geta. n che qu'on faifoit à l'églife Romaine d'impofer aux au- 4. tres des fardeaux aufquels elle ne touchoit pas du bout du doigt. C'est pourquoi il choifit deux cardinaux Soffrid preftre du titre de fainte Praxede & Pierre de Capouë diacre du titre de fainte Marie in via lata, aufquels il donna la croix: afin qu'ils invitaffent les AN. 1198. autres à la croifade par leur exemple auffi-bien que par leurs paroles. Il ordonna en même tems que tout le clergé payeroit le quarantiéme de fes revenus ecclefiaftiques:mais il fe taxa lui & les cardinaux au dixiéme. Il fit faire un navire dont la conftruction lui coûta 1300. livres, le fit charger de vivres & l'envoya à Meffine fous la conduite d'un Templier, d'un Hospitalier & d'un moine. 2. reg. XI. 11. En même tems il publia une lettre circulaire adreffée à tous les évêques, les feigneurs, le clergé & le peuple, de France, d'Angleterre, de Hongrie & de Sicile, où il dit en fubftance: Depuis la perte lamentable de Jerufalem le S. fiége n'a ceffé de crier pour exciter les peuples chrêtiens à vanger l'injure faite à J. C. banni de fon heritage. Autrefois Urie ne vouloit point entrer dans fa maison ni voir fa femme tandis que l'arche du Seigneur étoit dans le camp; & maintenant nos princes en cette calamité publique s'abandonnent à des amours illicites, fe plongent dans les delices, abusant de leurs richesses & fe poursuivent mutuellement par des haines implacables, ne cherchant qu'à vanger leurs injures particulieres. Et ils ne confiderent pas que nos ennemis nous infultent en disant : Où eft voftre Dieu, qui ne fe peut délivrer luy - même de nos mains? Nous avons profané voftre fanctuaire & les lieux où vous prétendez que voftre fuperftition a pris naisfance. Nous avons brifé les armes des François, des Anglois, des Allemans, & dompté une feconde fois les fiers Espagnols; & aprés avoir rassemblé contre nous toutes vos forces, vous n'avez presque rien avancé. Que nous refte-t'il donc finon de chaffer ceux que vous avez laissez en fuyant chez vous, & à AN. 1198. qui vous avez donné en garde le peu qui vous refte; & de paffer dans vos terres, pour effacer à jamais voftre nom & voftre memoire. Le pape continue: Prenez donc courage mes enfans, & vous confiant en la puiffance de Dieu marchez à fon secours selon vos facultez, puisqu'il vous a donné l'eftre, la vie & tout ce que vous avez. Quiconque en une occafion fi preffante refusera son service à J. C. qu'elle excufe poura-t'il porter à fon terrible tribunal ? Si Dieu eft mort pour l'homme, l'homme craindra-t'il de mourir pour Dieu ? refufera-t-il les biens temporels à celui qui lui donne les richeffles éternelles ? Que tous "fe tiennent donc prefts pour le mois de Mars prochain, enforte que les Villes & les feigneurs envoyent à leurs dépens chacun un certain nombre de gens de guerre ́à la terre fainte pour y fervir au moins deux ans où au lieu des hommes une certaine fomme d'argent. Ceux qui feront le fervice en perfonne & à leurs dépens auront l'indulgence pleniere de tous les pechez dont ils auront fait penitence de bouche & de cœur : ceux qui auront fourni la dépenfe, ou fervi de leurs personnes aux dépens d'autrui pendant deux ans, auront la même indulgence. Les biens des croifez feront fous noftre protection & celle de tous les prelats de l'églife. Si quelqu'un des croifez eft obligé par ferment à payer des ufures, il en fera abfous par les évêques ; & les creanciers ne pourront plus les exiger, fous peine de reftitution. Quand aux Juifs, nous ordonnons aux puiffances temporelles de les contraindre à remettre les AN. 1198. ufures aux croisés ; & jusques à ce qu'ils les remettent, nous deffendons à tous les Chrétiens fous peine d'excommunication d'avoir aucun commerce avec eux, ni en marchandises ni autrement. Ce qui eft dit ici des ufures, n'est que pour en décharger plus expreffement les croifés, fans les autorifer à l'égard des autres. Le pape finit en exhortant les fidelles à corriger leurs mœurs pour appaifer la colere de Dieu, principalement dans les païs d'outremer, où ils se donnoient plus de licence qu'ils n'euffent ofé faire dans leur païs natal. Cette lettre eft dattée du 15. Aoust 1198. & dans l'exemplaire adressé à l'archevêque de Narbonne le pape lui donne commiffion à lui & aux évêques de Nifmes & d'Orange de la faire executer & de prendre avec eux pour cet effet un Templier & un Hofpitalier. Nonobftant ce qui eft porté par cette lettre au défavantage des Juifs, le pape Innocent ne laiffa pas l'année suivante de leur accorder à l'exemple de fes predeceffeurs la protection du Saint Siège. Defendant de les forcer à recevoir le baptême : de leur ofter leurs biens par violence, ou changer leurs bonnes coûtumes de les troubler dans la célebration de leurs feftes d'exiger 11. ep. 30. 2. d'eux des fervices nouveaux qu'ils ne devoient point: enfin de retrancher de leurs cimetieres, ou déterrer leurs corps. La lettre eft du 16. Septembre 1199. 2 : : Quand aux deux cardinaux il envoya Soffrid à Venife où par fes exhortations le duc & plufieurs du peuple fe croiferent. Le marquis de Montferrat, l'évêque de Cremone & plufieurs nobles de Lombardie en firent de même, avec une multitude innombrable. n. 47. n so. fup. liv. XXIV. 2. 17. ep. 348. innombrable du peuple. Le cardinal Pierre de Capouë AN. 1198. fut envoyé en France & chargé de trois affaires importantes: de prêcher la croifade, de faire la paix entre la France & l'Angleterre ; & d'obliger le roi de France à reprendre Ingeburge fa legitime époufe. Quant à ce dernier article, le pape Celeftin, qui d'abord avoit preffé le roi vivement, s'étoit relâché fur la fin ; comme il a été dit : mais le pape Innocent dés qu'il fût élû, 1. epift. 4. 171. avoit écrit à l'évêque de Paris d'exhorter le roi à rentrer dans fon devoir; il en avoit écrit au roi même & lui en écrivit encore par le legat Pierre de Capouë, à qui il ordonna de mettre en interdit toutes les terres de l'obeïffance de ce prince, s'il ne reprenoit Ingeburge Rigord. p. 428 dans un mois aprés fon admonition. Ce legat n'arriva en France que vers Noël de la même année 1198. & on l'y nommoit en langage du tems maître Perron de Chapes chardonas de l'apostolle. Cette année au mois de Juillet le roi Philippe rappella à Paris les Juifs contre l'opinion de tout le monde, & contre l'édit lequel il les avoit chaffez au commencement de fon fup. liv. LxxIII. regne. par à La même année on découvrit en Nivernois plu fieurs heretiques Poplicains, c'est-à-dire Manichéens, indiquez par ceux qui fe convertirent. Leur chef étoit un nommé Terric depuis long-tems caché Corbigni dans une grotte fouteraine: d'où il fut tiré, convaincu & brûlé. A la Charité fur Loire plufieurs hommes très-riches s'étant abfentez le jour qu'ils avoient été citez comme heretiques, furent excommuniez & livrez au bras feculier. Comme cette ville eft du diocese d'Auxerre, Michel archevêque de Sens s'y rendit à la priere de l'évêque. Ceux de Nevers & Tome. XVI. C ep. 3478 Ville-hard Rigord. p. 42. |