ACTE CINQUIÈME. SCÈNE I. BRUTUS, LES SÉNATEURS, PROCULUS, LICTEURS, L'ESCLAVE VINDEX. BRUTUS. Oui, Rome n'était plus; oui, sous la tyrannie L'auguste liberté tombait anéantie; Vos tombeaux se rouvraient; c'en était fait : Tarquin A ce perfide Arons il vendait sa patrie; Mais le ciel a veillé sur Rome et sur vos jours; (En montrant l'esclave.) Cet esclave a d'Arons écouté les discours; A réveillé ma crainte, a ranimé mon zèle. « Mes secrets, a-t-il dit, que l'on cherche à connaître, Déjà des murs de Rome Arons était parti; Bientôt, n'en doutez point, de ce complot impie Mais quand nous connaîtrons le nom des parricides, Ne voyez que leur crime, et gardez vos serments. Et qui pardonne au crime en devient le complice. Et toi dont la naissance et l'aveugle destin N'avait fait qu'un esclave et dut faire un Romain, Et prenant désormais des sentiments plus grands, Mais qu'est-ce que j'entends? quelle rumeur soudaine? PROCULUS. Arons est arrêté, seigneur, et je l'amène. BRUTUS, De quel front pourra-t-il?... SCÈNE II. BRUTUS, LES SÉNATEURS, ARONS, LICTEURS. ARONS. Jusques à quand, Romains, Voulez-vous profaner tous les droits des humains? D'un peuple révolté conseils vraiment sinistres, Pensez-vous abaisser les rois dans leurs ministres ? Vos licteurs insolents viennent de m'arrêter : Est-ce mon maître ou moi que l'on veut insulter? Et chez les nations ce rang inviolable... BRUTUS. Plus ton rang est sacré, plus il te rend coupable; ARONS. L'ambassadeur d'un roi!... BRUTUS. Traître, tu ne l'es plus; Tu n'es qu'un conjuré, paré d'un nom sublime, A ces traits, si tu peux, ose te reconnaître : Mais si tu veux au moins rendre compte à ton maître SCÈNE III. LES SÉNATEURS, BRUTUS, VALÉRIUS, BRUTUS. Eh bien! Valérius, Ils sont saisis sans doute, ils sont au moins connus? Quel sombre et noir chagrin, couvrant votre visage, De maux encor plus grands, semble être le présage? Vous frémissez. VALÉRIUS. Songez que vous êtes Brutus. Expliquez-vous... BRUTUS. VALÉRIUS. Je tremble à vous en dire plus. (Il lui donne des tablettes.) Voyez, seigneur; lisez, connaissez les coupables. Me trompez-vous, mes yeux? O jours abominables! Avec deux conjurés il s'est osé défendre; Ils ont choisi la mort plutôt que de se rendre; Pour vous, pour Rome entière, et pour moi plus sensible. Qu'entends-je? BRUTUS. VALÉRIUS. Reprenez cette liste terrible Que chez Messala même a saisi Proculus. BRUTUS. Lisons donc... Je frémis, je tremble. Ciel! Titus! (Il se laisse tomber entre les bras de Proculus.) VALÉRIUS. Assez près de ces lieux je l'ai trouvé sans armes, BRUTUS. Allez, pères conscrits, retournez au sénat; Punissez-en le père, et jusque dans mon flanc SCÈNE IV. BRUTUS. Grands dieux! à vos décrets tous mes vœux sont soumis! Dieux vengeurs de nos lois, vengeurs de mon pays, C'est vous qui par mes mains fondiez sur la justice Voulez-vous renverser ses sacrés fondements? Et contre votre ouvrage armez-vous mes enfants? Ait servi nos tyrans, ait trahi sa patrie, Le coup en est affreux, le traître était mon fils! SCÈNE V. BRUTUS, VALÉRIUS, SUITE, LICTEUR. VALÉRIUS. Du sénat la volonté suprême Est que sur votre fils vous prononciez vous-même. Des conjurés, seigneur, le reste est condamné; BRUTUS. Et du sort de mon fils le sénat me rend maître? VALÉRIUS. Il croit à vos vertus devoir ce rare honneur. O patrie! BRUTUS. VALÉRIUS. Au sénat que dirai-je, seigneur? BRUTUS. Que Brutus voit le prix de cette grâce insigne, Qu'il ne la cherchait pas... mais qu'il s'en rendra digne..... Mais mon fils s'est rendu sans daigner résister; |