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PERSONNAGES.

OROSMANE, soudan de Jérusalem.

LUSIGNAN, prince du sang des rois de Jérusalem.

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ZAIRE

ACTE PREMIER.

SCÈNE I.

ZAIRE, FATIMF.

FATIME.

Je ne m'attendais pas, jeune et belle Zaire,
Aux nouveaux sentiments que ce lieu vous inspire.
Quel espoir si flatteur, ou quels heureux destins
De vos jours ténébreux ont fait des jours sereins?
La paix de votre cœur augmente avec vos charmes.
Cet éclat de vos yeux n'est plus terni de larmes ;
Vous ne les tournez plus vers ces heureux climats
Où ce brave Français devait guider nos pas!
Vous ne me parlez plus de ces belles contrées
Où d'un peuple poli les femmes adorées
Reçoivent cet encens que l'on doit à vos yeux;
Compagnes d'un époux et reines en tous lieux,
Libres sans déshonneur, et sages sans contrainte,
Et ne devant jamais leurs vertus à la crainte !
Ne soupirez-vous plus pour cette liberté ?

Le sérail d'un soudan, sa triste austérité,

Ce nom d'esclave enfin, n'ont-ils rien qui vous gêne? Préférez-vous Solyme aux rives de la Seine?

ZAIRE.

On ne peut désirer ce qu'on ne connaît pas.
Sur les bords du Jourdain le ciel fixa nos pas.
Au sérail des soudans dès l'enfance enfermée,
Chaque jour m'a raison s'y voit accoutumée.

Le reste de la terre, anéanti pour moi,

M'abandonne au soudan qui nous tient sous sa loi
Je ne connais que lui, sa gloire, sa puissance;
Vivre sous Orosmane est ma seule espérance;
Le reste est un vain songe.

FATIME.

Avez-vous oublié

Ce généreux Français dont la tendre amitié
Nous promit si souvent de rompre notre chaîne?
Combien nous admirions son audace hautaine!
Quelle gloire il acquit dans ces tristes combats
Perdus par les chrétiens sous les murs de Damas!
Orosmane vainqueur, admirant son courage,
Le laissa sur sa foi partir de ce rivage.
Nous l'attendons encor; sa générosité
Devait payer le prix de notre liberté.

N'en aurions-nous conçu qu'une vaine espérance?
ZAIRE.

Peut-être sa promesse a passé sa puissance;
Depuis plus de deux ans il n'est point revenu.

Un étranger, Fatime, un captif inconnu,
Promet beaucoup, tient peu, permet à son courage
Des serments indiscrets pour sortir d'esclavage.
Il devait délivrer dix chevaliers chrétiens,
Venir rompre leurs fers ou reprendre les siens :
J'admirai trop en lui cet inutile zèle;

Il n'y faut plus penser.

FATIME.

Mais s'il était fidèle,

S'il revenait enfin dégager ses serments,

Ne voudriez-vous pas?...

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Va, c'est trop te céler le destin de Zaire :

Le secret du soudan doit encor se cacher,

Mais mon cœur dans le tien se plaît à s'épancher.

Depuis près de trois mois qu'avec d'autres captives
On te fit du Jourdain abandonner les rives,

Le ciel, pour terminer les malheurs de nos jours,
D'une main plus puissante a choisi le secours.
Ce superbe Orosmane...

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Ce vainqueur des chrétiens... chère Fatime... il m'aime...

Tu rougis... je t'entends... garde-toi de penser
Qu'à briguer ses soupirs je puisse m'abaisser,
Que d'un maître absolu la superbe tendresse
M'offre l'honneur honteux du rang de sa maîtresse,
Et que j'essuie enfin l'outrage et le danger
Du malheureux éclat d'un amour passager.
Cette fierté qu'en nous soutient la modestie
Dans mon cœur à ce point ne s'est pas démentie:
Plutôt que jusque-là j'abaisse mon orgueil,
Je verrais sans pâlir les fers et le cercueil.
Je m'en vais t'étonner; son superbe courage
A mes faibles appas présente un pur hommage ;
Parmi tous ces objets à lui plaire empressés
J'ai fixé ses regards à moi seule adressés;
Et l'hymen, confondant leurs intrigues fataies,
Me soumettra bientôt son cœur et mes rivales.
FATIME.

Vos appas, vos vertus, sont dignes de ce prix;
Mon cœur en est flatté plus qu'il n'en est surpris.
Que vos félicités, s'il se peut, soient parfaites!
Je me vois avec joie au rang de vos sujettes.
ZAÏRE.

Sois toujours mon égale, et goûte mon bonheur;
Avec toi partagé, je sens mieux sa douceur.

FATIME.

Hélas! puisse le ciel souffrir cet hyménée!
Puisse cette grandeur qui vous est destinée,
Qu'on nomme si souvent du faux nom de bonheur,
Ne point laisser de trouble au fond de votre cœur!
N'est-il point en secret de frein qui vous retienne?
Ne vous souvient-il plus que vous fûtes chrétienne?

ZAÏRE.

Ah! que dis-tu? pourquoi rappeler mes ennuis?
Chère Fatime, hélas! sais-je ce que je suis?

Le ciel m'a-t-il jamais permis de me connaître?
Ne m'a-t-il pas caché le rang qui m'a fait naître?

FATIME.

Nérestan, qui naquit non loin de ce séjour,
Vous dit que d'un chrétien vous reçûtes le jour;
Que dis-je? cette croix qui sur vous fut trouvée,
Parure de l'enfance, avec soin conservée,

Ce signe des chrétiens, que l'art dérobe aux yeux
Sous le brillant éclat d'un travail précieux,

Cette croix, dont cent fois mes soins vous ont parée,
Peut-être entre vos mains est-elle demeurée

Comme un gage secret de la fidélité

Que vous deviez au Dieu que vous avez quitté.

ZAIRE.

Je n'ai point d'autre preuve, et mon cœur qui s'ignore Peut-il admettre un Dieu que mon amant abhorre? La coutume, la loi plia mes premiers ans

A la religion des heureux musulmans.

Je le vois trop; les soins qu'on prend de notre enfance
Forment nos sentiments, nos mœurs, notre croyance.
J'eusse été près du Gange esclave des faux dieux,
Chrétienne dans Paris, musulmane en ces lieux.
L'instruction fait tout; et la main de nos pères
Grave en nos faibles cœurs ces premiers caractères
Que l'exemple et le temps nous viennent retracer,
Et que peut-être en nous Dieu seul peut effacer.
Prisonnière en ces lieux, tu n'y fus renfermée
Que lorsque ta raison, par l'âge confirmée,
Pour éclairer ta foi te prêtait son flambleau :
Pour moi, des Sarrasins esclave en mon berceau,
La foi de nos chrétiens me fut trop tard connue.
Contre elle cependant loin d'être prévenue,
Cette croix, je l'avoue, a souvent malgré moi
Saisi mon cœur surpris de respect et d'effroi;
J'osais l'invoquer même avant qu'en ma pensée
D'Orosmane en secret l'image fût tracée.
J'honore, je chéris ces charitables lois
Dont ici Nérestan me parla tant de fois;
Ces lois qui, de la terre écartant les misères,
Des humains attendris font un peuple de frères;
Obligés de s'aimer, sans doute ils sont heureux.

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