Peut-être, accomplissant ses décrets éternels, OE DIPE. Madame, qu'a-t-on fait de ce sujet fidèle? JOCASTE. Seigneur, on paya mal son service et son zèle. Il était trop puissant pour n'être point hai; Là, depuis quatre hivers, ce vieillard vénérable, CE DIPE. (A sa suite.) Madame, c'est assez. Courez; que l'on s'empresse; Et vous, dieux des Thébains, dieux qui nous exaucez, Soleil, cache à ses yeux le jour qui nous éclaire! A ces serments affreux nous nous unissons tous. CE DIPE. Dieux, que le crime seul éprouve enfin vos coups! Que vos vœux parmi nous les forcent à descendre: Ils marqueront la place où mon bras doit frapper. FIN DU PREMIER ACTE. ACTE DEUXIÈME. SCÈNE I. JOCASTE, ÉGINE, ARASPE, Le Chœur. ARASPE. Oui, ce peuple expirant, dont je suis l'interprète, Madame; et les destins, dans ce triste séjour, JOCASTE. Qu'ai-je entendu, grands dieux ! ÉGINE. Ma surprise est extrême !... JOCASTE. Qui? lui! qui? Philoctète ? ARASPE. Oui, madame, lui-même. A quel autre en effet pourraient-ils imputer Un meurtre qu'à nos yeux il sembla méditer? Il haissait Laius, on le sait; et sa haine Aux yeux de votre époux ne se cachait qu'à peine; Mais au seul nom du roi, trop prompt et trop sincère Il partit; et, depuis, sa destinée errante Même il était dans Thèbe en ces temps malheureux Que dis-je? Assez longtemps les soupçons des Thébaina Cependant ce grand nom qu'il s'acquit dans la guerre, Ce respect qu'aux héros nous portons malgré nous, Mais les temps sont changés : Thèbe, en ce jour funeste, En vain sa gloire parle à ces cœurs agités, PREMIER PERSONNAGE DU CHOEUR. O reine! ayez pitié d'un peuple qui vous aime; Livrez-nous leur victime; adressez-leur vos vœux Qui peut mieux les toucher qu'un cœur si digne d'eux ? JOCASTE. Pour fléchir leur courroux s'il ne faut que ma vie, Hélas! c'est sans regret que je la sacrifie. Thébains, qui me croyez encor quelques vertus, SCÈNE II. JOCASTE, ÉGINE. ÉGINE. Que je vous plains! JOCASTE. Hélas! je porte envie A ceux qui dans ces murs ont terminé leur vie. Quel état! quel tourment pour un cœur vertueux ! Il n'en faut point douter, votre sort est affreux ! JOCASTE. Et l'on ose à tous deux faire un pareil outrage! Cet amour si constant... JOCASTE. Ne crois pas que mon cœur De cet amour funeste ait pu nourrir l'ardeur; Je l'ai trop combattu. Cependant, chère Égine, Quoi que fasse un grand cœur où la vertu domine, On ne se cache point ces secrets mouvements, De la nature en nous indomptables enfants; Dans les replis de l'âme ils viennent nous surprendre ; + Ces feux qu'on croit éteints renaissent de leur cendre : Et la vertu sévère, en de si durs combats, Résiste aux passions et ne les détruit pas. ÉGINE. Votre douleur est juste autant que vertueuse, JOCASTE. Que je suis malheureuse! Tu connais, chère Égine, et mon cœur et mes maux; J'ai deux fois de l'hymen allumé les flambeaux; Deux fois, de mon destin subissant l'injustice, J'ai changé d'esclavage, ou plutôt de supplice; Et le seul des mortels dont mon cœur fut touché A mes vœux pour jamais devait être arraché. Pardonnez-moi, grands dieux, ce souvenir funeste; D'un feu que j'ai dompté c'est le malheureux reste. Tu vis nos nœuds rompus aussitôt que formés : Et mes premiers amours, et mes premiers serments. Que, déguisant mon trouble et dévorant mes pleurs, Je n'osais à moi-même avoue mes douleurs... ÉGINE. Comment donc pouviez-vous du joug de l'hyménée Hélas! Parle. JOCASTE. ÉGINE. M'est-il permis de ne vous rien cacher? JOCASTE. ÉGINE. OEdipe, madame, a paru vous toucher; Et votre cœur, du moins sans trop de résistance, Ah! grands dieux! JOCASTE. ÉGINE. Était-il plus heureux que Laius, Ou Philoctète absent ne vous touchait-il plus? JOCASTE. Par un monstre cruel Thèbe alors ravagée Vous l'aimiez ? JOCASTE. Je sentis pour lui quelque tendresse ; Mais que ce sentiment fut loin de la faiblesse ! Ce n'était point, Égine, un feu tumultueux, De mes sens enchantés enfant impétueux; Je ne reconnus point cette brûlante flamme |