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OEDIPE

TRAGÉDIE EN CINQ ACTES

Représentée le 18 novembre 1718.

PREFACE

DE

L'ÉDITION DE 1729.

L'OEdipe, dont on donne cette nouvelle édition, fut représenté pour la première fois à la fin de l'année 1718. Le public le reçut avec beaucoup d'indulgence. Depuis mêmes cette tragédie s'est toujours soutenue sur le théâtre, et on la revoit encore avec quelque plaisir, malgré ses défauts: ce que j'attribue, en partie, à l'avantage qu'elle a toujours eu d'être très-bien représentée, et, en partie, à la pompe et au pathétique du spectacle même.

Le P. Folard, jésuite, et M. de La Motte, de l'Académie française, ont depuis traité tous deux le même sujet, et tous deux ont évité les deux défauts dans lesquels je suis tombé. Il ne m'appartient pas de parler de leurs pièces; mes critiques, et même mes louanges, paraîtraient également suspectes1.

Je suis encore plus éloigné de prétendre donner une poétique à l'occasion de cette tragédie je suis persuadé que tous ces raisonnements délicats, tant rebattus depuis quelques années, ne valent pas une scène de génie, et qu'il y a bien plus à apprendre dans Polyeucte et dans Cinna

1 M. de La Motte donna deux OEdipes, en 1726, l'un en rimes, et l'autre en prose non rimée. L'OEdipe en rime fut représenté quatre fois, l'autre n'a jamais été joué.

Les comédiennes se moquèrent de moi quand elles virent qu'il n'y avait point de rôle pour l'amoureuse. On trouva la scène de la double confidence entre OEdipe et Jocaste, tirée en partie de Sophocle, tout à fait insipide. En un mot, les acteurs, qui étaient dans ce temps-là petits-maîtres et grands seigneurs, refusèrent de représenter l'ouvrage.

J'étais extrêmement jeune ; je crus qu'ils avaient raison : je gâtai ma pièce, pour leur plaire, en affadissant par des sentiments de tendresse un sujet qui le comporte si peu. Quand on vit un peu d'amour, on fut moins mécontent de moi; mais on ne voulut point du tout de cette grande scène entre Jocaste et OEdipe: on se moqua de Sophocle et de son imitateur. Je tins bon; je dis mes raisons, j'employai des amis; enfin ce ne fut qu'à force de protections que j'obtins qu'on jouerait OEdipe.

Il y avait un acteur, nommé Quinault (Dufresne), qui dit tout haut que, pour me punir de mon opiniâtreté, il fallait jouer la pièce telle qu'elle était, avec ce mauvais quatrième acte tiré du grec. On me regardait d'ailleurs comme un téméraire d'oser traiter un sujet où P. Corneille avait si bien réussi. On trouvait alors l'OEdipe de Corneille excellent je le trouvais un fort mauvais ouvrage, et je n'osais le dire; je ne le dis enfin qu'au bout de dix ans, quand tout le monde est de mon avis.

Il faut souvent bien du temps pour que justice soit rendue; on l'a faite un peu plus tôt aux deux OEdipes de M. de La Motte. Le révérend P. de Tournemine a dû vous communiquer la petite préface dans laquelle je lui livre bataille. M. de La Motte a bien de l'esprit : il est un peu comme cet athlète grec qui, quand il était terrassé, prouvait qu'il avait le dessus.

Je ne suis de son avis sur rien; mais vous m'avez appris à faire une guerre d'honnête homme. J'écris avec tant de civilité contre lui, que je l'ai demandé lui-même pour examinateur de cette préface, où je tâche de lui prouver son tort à chaque ligne; et il a lui-même approuvé ma petite

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