ARZACE. Ah! si ma faible main pouvait punir ces crimes! Non le ciel le défend; un oracle sévère Il est temps qu'il arrive, et que tout s'accomplisse Je lève en paix mes mains vers le ciel indigné. Il y va de sa gloire, et du sort de l'Asie; Il y va de vos jours. Vous, mages, approchez; Que ces chers monuments sous l'autel soient cachés. Déjà le palais s'ouvre, on entre chez la reine: A qui, dieu tout-puissant, donnez-vous les grandeurs! ARZACE. Quoi, seigneur ! OROÈS. Adieu. Quand la nuit sombre Sur ces coupables murs viendra jeter son ombre, Je pourrai vous parler en présence des dieux. Redoutez-les, Arzace; ils ont sur vous les yeux. SCÈNE IV. ARZACE, sur le devant du théâtre, avec MITRANE, qui reste auprès de lui; ASSUR, vers un des côtés, avec CEDAR et sa suite. ARZACE. De tout ce qu'il m'a dit que mon âme est émue! MITRANE, approchant d'Arzace. Des rois de Babylone Assur tient sa naissance; La reine le ménage, on craint de l'offenser; Et l'on peut, sans rougir, devant lui s'abaisser. Devant lui? ARZACE. ASSUR, dans l'enfoncement, à Cédar. Sans mon ordre! Qui? lui! Tant d'audace m'étonne. Quel orgueil! ARZACE. ASSUR. Approchez: quels intérêts nouveaux Vous font abandonner vos camps et vos drapeaux? Des rives de l'Oxus quel sujet vous amène? ARZACE. Mes services, seigneur, et l'ordre de la reine. ASSUR. Quoi! la reine vons mande ? ARZACE. Oui. ASSUR. Mais savez-vous bien Que pour avoir son ordre on demande le mien? ARZACE. Je l'ignorais, seigneur, et j'aurais pensé même ASSUR. L'âge, le temps, les lieux, vous l'apprendront peut-être; ARZACE. J'ose lui demander le prix mon courage, L'honneur de la servir. ASSUR. Vous osez davantage. Vous ne m'expliquez pas vos vœux présomptueux: ARZACE. Je l'adore, sans doute, et son cœur où j'aspire ASSUR. Arrêtez. Vous ne connaissez pas à qui vous insultez. Au sang des demi-dieux du Tigre et de l'Euphrate! ARZACE. J'y cours de ce pas même, et vous m'enhardissez : Qui servit et la reine, et vous-même, et l'État. Je vous parais hardi; mon feu peut vous déplaire: ASSUR. Pour vous punir peut-être; et je vais vous apprendre Quel prix de tant d'audace un sujet doit attendre. ARZACE. Tous deux nous l'apprendrons. SCÈNE V. SÉMIRAMIS paraît dans le fond, appuyée sur ses femmes ; OTANE, son confident, va au-devant d'Assur; ASSUR, ARZACE, MITRANE. OTANE. Seigneur, quittez ces lieux. La reine en ce moment se cache à tous les yeux; ARZACE, en se retirant. Que je la plains! ASSUR, à l'un des siens. Sortons; et, sans plus consulter, De ce trouble inoui songeons à profiter. (Sémiramis avance sur la scène.) OTANE, revenant à Sémiramis. O reine, rappelez votre force première; Que vos yeux, sans horreur, s'ouvrent à la lumière. SÉMIRAMIS. O voiles de la mort, quand viendrez-vous couvrir (Elle marche éperdue sur la scène, croyant voir l'ombre de Ninus.) Abîmes, fermez-vous; fantôme horrible, arrête : Frappe, ou cesse à la fin de menacer ma tête. Arzace est-il yenu? OTANE. Madame, en cette cour, Arzace auprès du temple a devancé le jour. SÉMIRAMIS. Cette voix formidable, infernale ou céleste, Qui dans l'ombre des nuits pousse un cri si funeste, OTANE. Au sein de ces horreurs goûtez donc quelque joie : SÉMIRAMIS. Arzace est dans ma cour!... Ah! je sens qu'à son nom, L'horreur de mon forfait trouble moins ma raison. OTANE. Perdez-en pour jamais l'importune mémoire; Nos destins, nos devoirs étaient trop différents; Plus les nœuds sont sacrés, plus les crimes sont grands. Devant les dieux vengeurs mon désespoir m'accuse. J'y révère de loin cette fatale cendre; Je l'invoque en tremblant: des sons, des cris affreux, De longs gémissements répondent à mes vœux. D'un grand événement je me vois avertie, Et peut-être il est temps que le crime s'expie. OTANE. Mais est-il assuré que ce spectre fatal |