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ARZACE.

Ah! si ma faible main pouvait punir ces crimes!
Je ne sais; mais l'aspect de ce fatal tombeau
Dans mes sens étonnés porte un trouble nouveau.
Ne puis-je y consulter ce roi qu'on y révère?
OROÈS.

Non le ciel le défend; un oracle sévère
Nous interdit l'accès de ce séjour de pleurs
Habité par la mort et par des dieux vengeurs.
Attendez avec moi le jour de la justice:

Il est temps qu'il arrive, et que tout s'accomplisse
Je n'en puis dire plus; des pervers éloigné,

Je lève en paix mes mains vers le ciel indigné.
Sur ce grand intérêt, qui peut-être vous touche,
Ce ciel, quand il lui plaît, ouvre et ferme ma bouche.
J'ai dit ce que j'ai dû; tremblez qu'en ces remparts,
Une parole, un geste, un seul de vos regards,
Ne trahisse un secret que mon dieu vous confie.

Il y va de sa gloire, et du sort de l'Asie;

Il y va de vos jours. Vous, mages, approchez;

Que ces chers monuments sous l'autel soient cachés.
(La grande porte du palais s'ouvre et se remplit de gardes.
Assur paraît avec sa suite d'un autre côté.)

Déjà le palais s'ouvre, on entre chez la reine:
Vous voyez cet Assur, dont la grandeur hautaine
Traîne ici sur ses pas un peuple de flatteurs.

A qui, dieu tout-puissant, donnez-vous les grandeurs!
O monstre!

ARZACE.

Quoi, seigneur !

OROÈS.

Adieu. Quand la nuit sombre Sur ces coupables murs viendra jeter son ombre, Je pourrai vous parler en présence des dieux. Redoutez-les, Arzace; ils ont sur vous les yeux.

SCÈNE IV.

ARZACE, sur le devant du théâtre, avec MITRANE, qui reste auprès de lui; ASSUR, vers

un des côtés, avec

CEDAR et sa suite.

ARZACE.

De tout ce qu'il m'a dit que mon âme est émue!
Quels crimes! quelle cour! et qu'elle est peu connue!
Quoi! Ninus, quoi! mon maître est mort empoisonné !
Et je ne vois que trop qu'Assur est soupçonné.

MITRANE, approchant d'Arzace.

Des rois de Babylone Assur tient sa naissance;
Sa fière autorité veut de la déférence :

La reine le ménage, on craint de l'offenser;

Et l'on peut, sans rougir, devant lui s'abaisser.

Devant lui?

ARZACE.

ASSUR, dans l'enfoncement, à Cédar.
Me trompé-je? Arzace à Babylone!

Sans mon ordre! Qui? lui! Tant d'audace m'étonne.

Quel orgueil!

ARZACE.

ASSUR.

Approchez: quels intérêts nouveaux Vous font abandonner vos camps et vos drapeaux? Des rives de l'Oxus quel sujet vous amène?

ARZACE.

Mes services, seigneur, et l'ordre de la reine.

ASSUR.

Quoi! la reine vons mande ?

ARZACE.

Oui.

ASSUR.

Mais savez-vous bien

Que pour avoir son ordre on demande le mien?

ARZACE.

Je l'ignorais, seigneur, et j'aurais pensé même
Blesser, en le croyant, l'honneur du diadème.
Pardonnez; un soldat est mauvais courtisan.
Nourri dans la Scythie, aux plaines d'Arbazan,
J'ai pu servir la cour, et non pas la connaître.

ASSUR.

L'âge, le temps, les lieux, vous l'apprendront peut-être;
Mais ici par moi seul au pied du trône admis,
Que venez-vous chercher près de Sémiramis?

ARZACE.

J'ose lui demander le prix mon courage,

L'honneur de la servir.

ASSUR.

Vous osez davantage.

Vous ne m'expliquez pas vos vœux présomptueux:
Je sais pour Azéma vos desseins et vos feux.

ARZACE.

Je l'adore, sans doute, et son cœur où j'aspire
Est d'un prix à mes yeux au-dessus de l'empire :
Et mes profonds iespects, mon amour...

ASSUR.

Arrêtez.

Vous ne connaissez pas à qui vous insultez.
Qui? vous! associer la race d'un Sarmate

Au sang des demi-dieux du Tigre et de l'Euphrate!
Je veux bien par pitié vous donner un avis
Si vous osez porter jusqu'à Sémiramis
L'injurieux aveu que vous osez me faire,
Vous m'avez entendu, frémissez, téméraire :
Mes droits impunément ne sont pas offensés.

ARZACE.

J'y cours de ce pas même, et vous m'enhardissez :
C'est l'effet que sur moi fit toujours la menace.
Quels que soient en ces lieux les droits de votre place,
Vous n'avez pas celui d'outrager un soldat

Qui servit et la reine, et vous-même, et l'État.

Je vous parais hardi; mon feu peut vous déplaire:
Mais vous me paraissez cent fois plus téméraire,
Vous qui, sous votre joug prétendant m'accabler,
Vous croyez assez grand pour me faire trembler.

ASSUR.

Pour vous punir peut-être; et je vais vous apprendre Quel prix de tant d'audace un sujet doit attendre.

ARZACE.

Tous deux nous l'apprendrons.

SCÈNE V.

SÉMIRAMIS paraît dans le fond, appuyée sur ses femmes ; OTANE, son confident, va au-devant d'Assur; ASSUR, ARZACE, MITRANE.

OTANE.

Seigneur, quittez ces lieux.

La reine en ce moment se cache à tous les yeux;
Respectez les douleurs de son âme éperdue.
Dieux, retirez la main sur sa tête étendue.

ARZACE, en se retirant.

Que je la plains!

ASSUR, à l'un des siens.

Sortons; et, sans plus consulter,

De ce trouble inoui songeons à profiter.

(Sémiramis avance sur la scène.)

OTANE, revenant à Sémiramis.

O reine, rappelez votre force première;

Que vos yeux, sans horreur, s'ouvrent à la lumière.

SÉMIRAMIS.

O voiles de la mort, quand viendrez-vous couvrir
Mes yeux remplis de pleurs, et lassés de s'ouvrir !

(Elle marche éperdue sur la scène, croyant voir l'ombre de Ninus.) Abîmes, fermez-vous; fantôme horrible, arrête :

Frappe, ou cesse à la fin de menacer ma tête.

Arzace est-il yenu?

OTANE.

Madame, en cette cour,

Arzace auprès du temple a devancé le jour.

SÉMIRAMIS.

Cette voix formidable, infernale ou céleste,

Qui dans l'ombre des nuits pousse un cri si funeste,
M'avertit que, le jour qu'Arzace doit venir,
Mes douloureux tourments seront prêts à finir.

OTANE.

Au sein de ces horreurs goûtez donc quelque joie :
Espérez dans ces dieux dont le bras se déploie.

SÉMIRAMIS.

Arzace est dans ma cour!... Ah! je sens qu'à son nom,

L'horreur de mon forfait trouble moins ma raison.

OTANE.

Perdez-en pour jamais l'importune mémoire;
Que de Sémiramis les beaux jours pleins de gloire
Effacent ce moment heureux ou malheureux
Qui d'un fatal hymen brisa le joug affreux.
Ninus, en vous chassant de son lit et du trône,
En vous perdant, madame, eût perdu Babylone.
Pour le bien des mortels vous prévîntes ses coups:
Babylone et la terre avaient besoin de vous;
Et quinze ans de vertus et de travaux utiles,
Les arides déserts par vous rendus fertiles,
Les sauvages humains soumis au frein des lois,
Les arts dans nos cités naissant à votre voix,
Ces hardis monuments que l'univers admire,
Les acclamations de ce puissant empire,
Sont autant de témoins, dont le cri glorieux
A déposé pour vous au tribunal des dieux.
Enfin, si leur justice emportait la balance,
Si la mort de Ninus excitait leur vengeance,
D'où vient qu'Assur ici brave en paix leur courroux?
Assur fut en effet plus coupable que vous :
Sa main, qui prépara le breuvage homicide,
Ne tremble point pourtant, et rien ne l'intimide.
SÉMIRA MIS.

Nos destins, nos devoirs étaient trop différents;

Plus les nœuds sont sacrés, plus les crimes sont grands.
J'étais épouse, Otane, et je suis sans excuse;

Devant les dieux vengeurs mon désespoir m'accuse.
J'avais cru que ces dieux, justement offensés,
En m'arrachant mon fils, m'avaient punie assez;
Que tant d'heureux travaux rendaient mon diadème,
Ainsi qu'au monde entier, respectable au ciel même
Mais depuis quelques mois ce spectre furieux
Vient affliger mon cœur, mon oreille, mes yeux.
Je me traîne à la tombe, où je ne puis descendre;

J'y révère de loin cette fatale cendre;

Je l'invoque en tremblant: des sons, des cris affreux, De longs gémissements répondent à mes vœux.

D'un grand événement je me vois avertie,

Et peut-être il est temps que le crime s'expie.

OTANE.

Mais est-il assuré que ce spectre fatal

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