페이지 이미지
PDF
ePub

Cartes. Son eau eft trouble & mauvaise à boire, & elle étoit d'autant plus mauvaise à notre paffage, qu'elle étoit infectée d'une prodigieufe quantité de Sauterelles qui, après avoir défolé la campagne, venoient s'y noyer. Ces animaux ruineroient le fi l'aimable propays vidence de notre Dieu ne four niffoit une reffource contre ces ennemis fi foibles, & cependant fi invincibles à toutes les forces de l'homme: j'en ai vû quelquefois en l'air des nuées entieres qui déroboient le Soleil aux yeux; elles mangerent cette année-là toutes les herbes, & jufqu'aux feuilles des arbres, & même des Oliviers. De leurs œufs on en vit renaître après leur mort une effroyable quantité qui acheva de tout gâter.

Dans cette calamité publique

le remede

que Dieu envoie de tems en tems, eft une espece de petits oifeaux qui viennent du côté de la Perfe, & qui ont un cri à peu-près femblable à celui de nos Martinets: en voltigeant fur les terres couvertes de ces Sauterelles, ils les mettent en défordre, ils les dévorent, & la digeftion est faite en un inftant. On va chercher dans le pays d'où viennent ces oifeaux une certaine eau, & on la garde précieusement dans les grandes villes de l'Orient, furtout à Damas & à Alep, qui font plus fouvent affligées de ce fléau. On prétend ici avoir reconnu par une expérience conftante que dès qu'on remue cette eau, ces oiseaux viennent en foule, comme s'ils la fentoient & étoient attirés par fon odeur.

les

Au refte on ne compte pas rellement fur ce fecours, qu'on n'implore en même tems le fecours du Ciel. Il n'y a pas encore vingt-cinq ans que les Sauterelles défolerent les environs d'Alep, cela donna occafion à une cérémonie assez bifarre & affez finguliere Turcs obligerent les Chrétiens & les Juifs à faire avec eux une proceffion publique & folemnelle. Tel fut l'ordre de la marche. Les Mahométans alloient en tête, portant leur Alcoran, & demandant à Dieu miféricorde avec un chant & des cris qui tiennent un du peu hurlement. Les Chrétiens & leurs Papas fuivoient avec le faint Evangile, les Croix, les Reliques, les Images facrées & Les Prêtres en chapes, chacun d'eux faifant leurs prieres en

feur langue Greque, Syriaque & Arménienne. Les Juifs venoient les derniers de tous avec leur Tora ou Pentateuque, chantant à leur, mode, qui n'est pas fort harmonieufe. Vous jugez, mon Révérend Pere, que tous ces différens choeurs étoient féparés & éloignés l'un de l'autre pour éviter la cacophonie. Malgré ce bel arrangement, une jaloufie mal entendue troubla la fête & mit quelque confufion. Les Juifs contre nos idées en matiere de proceffion, crurent que la queue n'étoit pas la place honorable, ils cédoient volontiers aux Turcs qui étoient les dominans; mais ils fe crurent méprifés, voyant qu'on leur préféroit les Chrétiens: ils voulurent prendre le pas fur eux, & ufer de violence. Les Chrétiens

fe crurent en droit de défendre leur terrein, & de conferver leur préféance, il y eut quelques coups donnés; & les Turcs qui favent profiter de tout, se les firent payer bien cherement. Du refte toutes chofes demeurerent dans l'arrangement prefcrit. On ne devoit pas fe flater que ce mélange de cultes, que cet appareil mal entendu de Religion pût attirer les bénédictions du Ciel : auffi la principale confiance étoit-elle en F'eau dont j'ai parlé; on en avoit envoyé chercher, on l'apporta, on la remua, les oiseaux parurent, ils dévorerent les infectes, & bien-tôt le fléau ceffa. Raifonnez là-deffus comme il vous plaira. Ces oiseaux fe nomment Zémarmar. Nous eûmes le plaifir de les voir arriver en groffes troupes: mais nous n'eû

« 이전계속 »