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ARLEQUIN DANS L'ISLE DE CEILAN.

Canevas Italien en trois actes,
2.5 Août 1717.-

Lelio, Flaminia & Arlequin, après: avoir été battus d'une cruelle tempête font jettés féparément fur des débris: de leur Navire, dans l'Ifle de Ceilan: les peuples y adorent un Singe. Arlequino accablé de laffitude, cherche quelque: endroit pour dormir, & apperçoit un pied d'eftal où était la ftatue du grand. Singe, qui a été abattu par la tempête,. il s'y place & s'y endort..

Les Habitans qui s'étaient cachés pendant la tempête, reparaiffent fur le bord. de la Mer, & appercevant la ftatue de leur Dieu renverfée, ils fe défolent, &. fe croyent menacés de quelque grand. malheur; mais appercevant Arlequin. qui dort fur le pied d'eftal, ils fe réjouiffent, & croyent que leur Dieu vient habiter parmi eux; au lieu de la ftatue, ils fe profternent avec refpect devant lui pendant fon fommeil, & dès qu'il eft ré. veillé, ils le portent en triomphe, mal?

gré les coups de bâton que leur donne Arlequin, & qu'ils reçoivent comme une grande faveur.

Arlequin demande à manger, & les Infulaires lui promettent un repas fplendide; ils amenent Lelio & Flaminia pour lui être facrifiés, felon la coutume du pays; Arlequin affomme les Sacrificateurs, & dit qu'il protége ces Etrangers; que non-feulement il défend de leur faire du mal, mais qu'il exige, s'ils veulent l'avoir toujours parmi eux,, qu'on leur donne un Vaiffeau pour les reconduire dans leur patrie, où il veut. les accompagner lui-même; il promet: toute forte de bonheur aux Habitans, & ils partent comblés de leurs préfens.. Ce Canevas eft der Coypel..

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Ce fut à peu près dans ce temps que Thomaffin, que les applaudiffemens continuels du public, rendaient encore plus empreffé à lui plaire, vint un jour après une représentation d'Arlequin, Bouffon de Cour, fur le bord du théâtre, & s'adreffant aux Spectateurs dans un jargon moitié Italien, moitié Français, qui faifait plaifir dans fa bouche dit: Meffieurs, je veux vous dire una piciole Fable que j'ai lue ce matin; car, il me prend quelquefois envie de di

venter fçavant; mais la diro en Italien, & ceux qui l'entenderanno, l'explique-. ranno à ceux qui ne l'entendent pas..

Alors il raconta de la maniere la plus comique la Fable de la Fontaine du Meunier, de fon Fils & de l'Anes il accompagnait fon récit de tous les geftes qui lui étaient familiers; il defcendait de l'Ane avec le Meûnier; il y montait avec le jeune homme; il trotait devant eux; il prenait tous les différens tons des contrôleurs & des:: contrôléufes ; & après avoir fini ce récit comique, il ajouta en Français: Mef fieurs, venons à l'explication; je fuisi le bon Homme, je fuis fon Fils & je fuiss encore l'Ane : les uns me difent, Arlequin, faut parler Français, les Dames ne vous entendent point, & bien des Hommes ne vous entendent gueres j lorfque je les ai remerciés de leur avis, je me tourne d'un autre côté, & des Seigneurs me difent; Arlequin, vous ne devez pas parler Français, vous perdrez votre feu,

&c.

Je suis bien embarrassé : parlerai je Italien? parlerai-je Français? je vous le demande, Meffieurs? Alors quelqu'un du Parterre qui avait apparemment recueilli les voix, répondit: parlez comme il vous plaira, vous ferez toujours plaifir.

DÉBUT DE DOMINIQUE.

Le fils du fameux Arlequin de l'ancien théâtre, Dominique Briancolelli, après avoir joué dans différentes Pro vinces & à l'Opéra-Comique, vint dés buter dans la Troupe de Son Alteffe Royale le 12 Octobre 1717, par le rôle de Pierrot dans la Force du Naturel, Ca nevas Italien en trois actes, par Mi Freret, & tiré d'une Comédie Efpa gnole d'Auguftin Moretto.

Dominique prévint l'affemblée par le difcours fuivant, qui fût très- applaudi.

MESSIEURS, la protection d'un Prince illuftre à qui j'ai maintenant F'honneur d'appartenir, devrait, par bien des raifons, me raffurer fur mes craintes, & me faire entrer avec con fiance fur ce théâtre; mais comme c'est à fa feule bonté que je dois cet avan tage, c'eft à vous, Meffieurs, à qui je viens demander grace.

Prêt à jouir d'un bien, & durable & folidėj, De mortelles frayeurs je me fens accabler; Ce n'eft pas fans raifon que je paraîs timide; Votre bon goût me fait trembler.

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Si j'embraffe un caractere qui ne m'eft point familier & dont le fuccès eft incertain, n'imputez ma métamorphofe qu'à la juftice que je rends avec tout le public, au mérite incomparable du gracieux Arlequin que vous bonorez tous les jours de vos applau diffemens. Que de raifons pour m'allarmer! Le Spectateur peut me regarder ici comme un Acteur emprunté; d'un autre côté, avec quels hommes fuis-je affocié? Avec les meilleurs fujets qui pouvaient venir d'Italie, avec des Comédiens qui excellent à peindre les paffions, qui compofent fur le champ des fcênes remplies de traits vifs & délicats, qui parlent avec autant d'élégance que de facilité; en un mot, qui fçavent entrer fi parfaitement dans les caracteres qu'ils repréfentent, & fi bien fe concerter, qu'ils attachent jusqu'aux perfonnes qui ne les entendent pas..

Quels efforts, Meffieurs, ne faut-il pas que je faffe, pour me rendre digne.

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