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LE PROCÈS DES THEATRES.

Comédie en un Acte & en Vaudevilles, 20 Novembre 1718..

Le fuccès de la Défolation des deux Comédies, donna l'idée de cette Piéce, qui n'en eut pas moins.

On feint que la Mufe de la Comédie Française & celle de la Comédie Italienne, justement irritées contre la Foire, vont porter leurs plaintes au Dieu du Pinde, des manieres outrageantes que cette Mufe prétendue a eues pour elles, & du dommage que fa licence apporte aux deux principaux Théâtres de fon empire: ces deux Comédies font prêtes à tomber dans l'oubli, fi par fon équité, il ne punît cette infolence, en la réduifant dans un état à ne pouvoir nuire au bon goût.

Apollon leur promet juftice, & elles fe retirent; il fait app: ller la Foire, & pendant que Momus eft allée la chercher, il fe fait inftruire par Arlequin des raisons qui ont fait naître ce Procès: Arlequin les lui déduit d'un ma

niere fort embrouillée, & lui dit qu'il peut décider quand il lui plaira, puifqu'on juge tous les jours des affaires, dont les Juges ne font pas mieux inf-. truits. Momus revient accompagné de la Foire; Apollon s'affied & ordonne à Momus de faire rentrer les deux Comédies; elles viennent fuivies l'une d'un Sganarelle & d'un Crifpin, & l'autre d'un Arlequin & d'un Scaramouche.

Apollon fait mettre la Foire fur la fellette, lui dit de répondre aux chefs d'accufation que l'on va porter contre elle, & ordonne à la Mufe Française de plaider: celle-ci, entr'autres raisons, dit que fon théâtre est le centre de la majefté, de la grandeur, du fublime & du pathétique; que c'eft à elle feule qu'il appartient de remuer les paffions; & pour le prouver, elle déclame des vers de Racine, en joignant à fa déclamation le mérite de la charge ou de l'imitation. La Foire répond qu'elle émeut les paffions auffi-bien qu'elle; que par exemple, lorfqu'il faut infpirer de la compaffion un or écoutez, petits, & grands, fait un effet immanquable, & que pour faire naître la joie, il n'eft rien tel qu'un flon, flon, flon: à ces mots, la Comédie Françaife s'éva

nouit, en affurant Apollon, que protéger la Foire, c'est lui donner la mort.

La Mufe de la Comédie Italienne prend enfuite la parole, & foutient qu'on doit l'interdire à l'Accufée, puifqu'elle ne s'en fert que pour des traits groffiers & fatyriques; qu'elle feule est en poffeffion de chaffer le chagrin & l'ennui, & qu'elle ne veut, pour le prouver, que le proverbe ordinaire qui dit que quand on voit un homme au : Parterre de la Comédie Italienne, on peut dire qu'il a laiffé fon chagrin chez lui, (1) pourvu qu'il y ait laiffé fa femme que d'ailleurs, la Foire n'est qu'une nouveauté fortie des ruines de l'ancienne Comédie Italienne, &c. &c. Elle conclud enfin qu'elle foit réduite à fa premiere inftitution, & condamnée aux fauts & à la corde.

:

Apollon fuffifamment inftruit des raifons des Parties, & confidérant l'équité qu'il y a de fupprimer un Spectacle, dont les meilleures productions ne peuvent être que comme les bons intervales d'un infenfé, condamne la Foire au filence, fans qu'il lui foit permis

(1) Ce proverbe-là n'est pas resté.

d'appeller. Les deux Comédies triomphantes remercient Apollon, & for

tent avec lui.

:

La Foire s'était imaginée qu'elle pourrait éblouir fon Juge avec quelques faux brillans mais fe voyant défabufée, elle refte confufe & désolée; & paffant bien-tôt du chagrin au dépit, & du dépit à la fureur, elle s'exhale en reproches & en injures contre l'ingratitude de fon Coufin l'Opéra, qui malgré tout le bien qu'elle lui a fait, l'abandonne dans le moment où fon fecours lui ferait fi néceffaire pour défendre fes droits, en confervant les fiens propres fon défespoir ne lui permet pas d'y tenir plus long-temps; elle fort pour chercher fon perfide Coufin, & jure de le bien étriller, fi elle le

rencontre.

:

L'Opéra qui avait appris le trifte fort de fa Coufine, vient pour la chercher, & ne la trouvant point, il la demande felon fa coutume, aux bois & aux échos d'alentour; fes vœux font exaucés; elle revient & lui fait tous les reproches que lui dicte fa colere; fon désespoir la jette dans une frénéfie qui effraie d'abord l'Opéra ; puis revenant à elle & fentant à fa faibleffe qu'elle eft proche de fa fin, elle

pardonne à fon coufin, & le prie de fe fouvenir d'elle; les forces lui manquent, & voulant mourir fur le grand ton, elle récite plufieurs vers empoulés, & finit par celui-ci, en fe jettant dans les bras de l'Opéra.

Reçois mon cher Coufin, l'ame de ta Coufine.

Elle lui rend l'efprit, & l'Opéra par reconnaissance, l'emporte avec lui.

Les deux Comédies arrivent avec leurs fuites, apprennent la nouvelle de la mort de leur ennemie ; & en dignes enfans de Thalie, s'en réjouiffent outre mefure, & terminent la Piéce par des chants & des danfes.

VAUDEVILLE.

Nous n'avons plus de vœux à faire,
Chez nous, Paris abondera ;

Notre galere, lere, lanlere,

Notre galere, fans vent contraire, voguera.

ARLEQUI N.

Notre Apollon eft le Parterre ;

Quand pour nous il décidera,

Notre galere, &c.

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