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ARLEQUIN PLUTON. Comédie en trois actes & en profe, 19 Janvier 1719.

Pluton devient amoureux de Violette, fille de Pantalon, & par les foins de Mercure, ce Dieu des Enfers fe fait écouter de cette jeune perfonne, qu'il emmene dans un lieu folitaire, préparé pour fon féjour fur la terre.

Arlequin amant, aimé de Violette, fe défefpere de fon inconftance, & fa douleur eft fi violente, qu'il en perd la raifon. Après plufieurs fcênes de folies très plaifantes, il court les champs, & fe précipite dans un abîme: Mercure qui a pitié d'Arlequin, le foutient dans fa chûte ; & pour l'éloigner de Violette, qui regrette fon amant, il le conduit, dans les Enfers: Proferpine trompée par la reffemblance d'Arlequin avec Pluton, le prend pour fon mari, & lui reproche fon infidélité : 'Arlequin d'abord ne comprend rien aux reproches de la Déeffe; mais apprenant par elle que c'eft Pluton qui a féduit le cœur de Violette par les

promeffes les plus brillantes; il prend la réfolution de fe venger & de répondre aux careffes de Proferpine: il lui promet de ne lui plus être infidele. Pendant le féjour d'Arlequin aux Enfers, comme on le croit mort, on célébre fa pompe funébre par une marche & des danfes convenables au fujet, & tous les habitans de fon Bourg déplorent fa perte qu'ils comptent certaine, l'ayant vu tomber dans le précipice.

D'un autre côté, Violette qui n'a point effentiellement manqué à fon devoir, fe repent de s'être laiffée éblouir par les promeffes de fon nouvel amant, qu'elle ne connaît pas d'abord pour Pluton: lorfqu'elle apprend qu'il eft le Dieu des Enfers, & par conféquent qu'il a voulu la tromper, elle lui fait de vifs reproches, & lui dit qu'elle veut abfolument retourner chez fon pere : Pluton piqué de fa réfiftance, la renvoye, & retourne aux Enfers, où il eft méconnu par tous fes Sujets, & fur-tout par Proferpine, qui, trompée de l'extrême reffemblance, décide en faveur d'Arlequin.

Cette Déeffe qui eft dans la bonne foi, & féduite par les careffes redou

blées que lui fait Arlequin, même en présence de Pluton, fait peu de cas de la colere & des menaces de celui-ci ; elle n'eft détrompée que par Mercure qui arrive de deffus la terre, & dit à Pluton qu'il a ramené Violette chez fon pere; il ajoute que depuis qu'il fe mêle des plaifirs des Dieux, il n'a jamais trouvé de fille auffi fage & auffi fidelle à fon amant; Arlequin transporté de joie, convient alors qu'il n'eft pas Pluton, & dit à celui ci qu'il l'a échappé belle, & qu'il le méritait bien; il ne confent cependant à quitter Proferpine, qu'à condition que Pluton jurera par le Styx de lui être fidele, & de ne plus retourner à Violette; Pluton prononce la derniere moitié du ferment; mais il ne veut point jurer d'être fidele à fa femme; Arlequin eft reporté dans fon Village grande fatisfaction des parens, joie exceffive de Violette; Arlequin lui pardonne, & leur mariage eft célébré par des fêtes que les habitans donnent pour leur retour, & leur bonheur.

Cette Piéce eft tirée du Conte de Zagacrift, Roi d'Ethiopie; elle était

en trois actes en profe, mêlée de fcênes Italiennes, de fpectacles, de danfes & de mufique, de la compofition de Mouret; elle fut depuis mife toute en Français, & fut très-accueillie du Public; on peut cependant affurer, fans faire tort au mérite de M. Gueulette, qui en eft l'Auteur, & dont la réputation eft établie par beaucoup d'autres fuccès, qu'elle ferait moins favorablement reçue aujourd'hui. Le Parterre d'apréfent fe mocquerait d'un pauvre Pluton qui, après avoir enlevé une Payfanne & l'avoir conduite dans un lieu écarté, s'amuferait à bouder avec elle & la renverrait comme il l'a prife, parce qu'elle lui reproche de l'avoir trompée; il ne verrait pas avec plus de patience le même Dieu des Enfers étant dans fes Etats, laiffer careffer fa femme par Arlequin, fe foumettre à fes ordres & lui préter un ferment ridicule. Pluton eft un perfonnage imaginaire, j'en conviens; mais les Poëtes lui ont donné un caractere qu'il faut abfolument lui conferver: le bon goût a heureufement confiné fur les planches de l'Opéra, tous ces personnages imaginaires, & nous ne verrons

plus fur nos théâtres raisonnables, les Dieux & les Diables, les Vices & les Vertus, débiter des Madrigaux, & faire des Gargouillades.

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