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pofe à cette perfection; chacun s'imagine être fupérieur à fes camarades, & par conféquent, faire plus de plaifir au fpectateur en continuant de parler qu'en laiffant parler les autres : les autres veulent auffi parler à quelque prix que ce foit ; & de-là naiffent ces occafions où l'on entend quatre ou cinq Acteurs parler tous à la fois, ce qui dé truit tout l'agrément de la fcéne, & la fait dégénérer en parade. En général, voici la regle à fuivre; plus il y a d'Acteurs fur la fcêne tous interressés au moment, plus on doit être laconique dans fes difcours; ceux qui tiennent une place fupérieure dans l'intérêt pref fant, peuvent parler plus fouvent que: les autres ; & de dégrés en dégrés, les: moins importans ne doivent que de temps en temps jetter un mot en paffant, pour n'être pas entierement muets fur Îe théâtre.

Un Comédien n'eft jamais en état de bien remplir fon rôle à l'impromptu, s'il n'eft parfaitement inftruit de toute la Piéce, & s'il n'a mis dans fa mémoire tout ce que les autres doivent dire, même dans les fcênes où il n'a que faire fans cette connoiffance, it ne fera jamais en état de fervir, comme

il le doit, à l'harmonie totale de la re présentation. De ce défaut de connaiffance, naiflent fouvent des fautes inexcufables & les plus condamnables de toutes. Quelquefois un Acteur dira dans une fcêne du premier acte, des chofes qu'on ne doit fçavoir qu'au fecond; on fent affez combien cela eft déteftable: d'autres fe mêleront de dire ce qui ne doit être dit que par un autre Acteur, fur-tout fi c'eft un trait brillant ou um mot qui produit quelque effet dans la fituation; il croit rendre par là fon rôle plus brillant, & s'enrichir du larcin qu'il fait à autrui; mais il fe trompe Rarement ce qui convient à un perfonnage, peut n'être pas déplacé dans la bouche d'un autre qui n'eft pas du même caractere, ni dans la même fituation; alors celui qui dérobe à l'autre ce trait qui ne lui appartient pas, eft doublement condamnable; il ôte à fon cama. rade, ce qui dans fa bouche, aurait pu plaire, & prive la fcêne de tout fon agrément par ce renversement de ce que le naturel exige; auffi eft-ce un axiôme irrévocable du théâtre Italien, que chacun doit jouer fon rôle, & ne jouer que cela.

Je vais finir par le détail de l'obliga

tion où fe trouve dans une Troupe de Comédiens Italiens, celui qui joue les premiers rôles. Il eft le chef de la Compagnie, & doit fçavoir parfaitement toutes les Piéces, toutes les fcênes, tous les rôles. Lorfqu'on doit jouer une Piéce nouvelle, ou une de celles que l'on remet au théâtre, ou même lorfque la Troupe eft compofée d'Acteurs qui n'ont pas encore joué enfemble; le premier Acteur les réunit le matin; leur lit le plan de la Piéce, & leur explique fort au long tout ce qui la compofe; en un mot, il joue lui feul devant eux la Piéce entiere; rappelle à chacun ce qu'il doit dire, quant au fond; lui indique les traits brillans, qui, confacrés par le temps, font devenus indifpenfables: les jeux de théâtre que porte la fcêne & la maniere dont les lazis doivent fe répondre les uns aux autres. Ce n'eft pas peu de chofe que d'être capable de cet emploi. De lui dépend tout l'enfemble de la représentation; & fi le premier rôle manque du fçavoir théâtral qui lui eft néceffaire, cela produit dans la représentation un manque de liaifon & d'enfemble, dont toute la Piéce fouffre beaucoup. Les autres doi vent y concourir de leur mieux ; mais.

c'est à lui à fçavoir les conduire ; & c'eft ce dont s'acquittait parfaitement Louis Riccoboni, dont nous avons tiré ces réflexions fur la fcêne impromptu. De ce que nous venons de dire, il faut conclure que ce genre de Comédie n'admet point de médiocrité dans les Acteurs il eft abfolument nécessaire qu'ils foient tous excellens : le meilleur Comédien eft déplacé, & fon talent devient inutile, s'il joue avec un Acteur qui ne fache pas faifir avec précifion le moment de la réplique; fon difcours languira, la vivacité fera ralentie; l'intérêt s'évanouira infenfiblement, & l'action de la fcêne dégénérera peu à peu en un Dialogue froid & traî nant. L'intelligence de la pantomime & de ce qu'on appelle lazis, n'eft pas moins néceffaire, & quelqu'adresse, quelqu'efprit, quelque chaleur que ce Comédien mette dans fon jeu, le Spectateur demeurera infenfible, fi l'autre Acteur refte froid & defœuvré : pour fe convaincre de ce que j'avance, il ne faut qu'aller voir Arlequin en fcêne avec la délicieuse Camille, ou bien avec quelqu'amoureufe Italienne, froide &

maniérée.

La figure, la taille, la voix, le sen

timent même ne fuffisent

pas au Comédien qui veut jouer à l'impromptu, il a befoin d'une imagination vive & fertile, d'une expreffion facile & rapide, & fur-tout d'une grande connaiffance des différentes fituations, où fon rôle le place. Avec de tels avantages réunis, je ne doute point que la Comédie impromptu ne l'emportât fur la Comédie écrite, par fes graces toujours vives & fes tableaux toujours variés; un même canevas produirait dix Piéces différentes, & les Acteurs vivement remplis d'une fcêne qu'ils compofent à l'inf tant, la rendraient avec plus de feu, que celle qu'ils n'ont apprife que par un travail long & pénible.

Mais la néceffité de recevoir tant de talens, pour concourir à une harmonie fi parfaite, s'oppofera toujours au progrès de ce genre de Comédie, qui n'est propre qu'aux théâtres de l'Italie.

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