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FABLE XIV.

La petite Chienne trop friande.

D Amoifelle poupon, aimable & jeune chienne,

Aimoit la friandife & le fucre à foison.

Une guenon,

bête vaurienne,

Qui logeoit en même maison,

Jalouse de poupon, jufques à la furie,
S'avifa d'une fourberie,

Pour fe venger de tant d'appas

Que poupon poffédoit & qu'elle n'avoit pas.
Oh! Oh! De par Jupin, il t'en cuira, dit-elle;
Tu n'aimes que la bagatelle;

Tu te laiffes féduire au moindre macaron.
Je veux que ta folie, un jour, te fois mortelle :
Oui, je faurai la rendre telle,

Ce

'Par mon favoir. Eh! Pourquoi non? qui fut dit, fut fait. Si l'almanach est bon, Ce fut, dit-on, bon jour, bonne œuvre, Le premier de janvier, que l'infigne guenon

Ufa de méchante manœuvre.

Tenez, dit-elle donc à la pauvre poupon,
Voici quelque peu de bonbon,

Dont j'ofe vous prier de recevoir l'offrande :
Je voudrois qu'elle fût plus grande ;

Mais celui qui reçoit, dit certain écrivain,
Dont la doctrine étoit fort bonne,
De celui qui lui donne,

Doit regarder le cœur, & non la main.

Eh! Grand merci, ma chere amie,

Dit la fimple poupon, en fautant à ravir!
Allez, quand il faudra vous louer, vous servir,
Je ne ferai point endormie.

Que je vais m'en donner! Quel bonheur ! Quel plaisir D'avoir des bonbons à choisir !

La

D'une dragée envenimée,

poupon, à ces mots, favoure le poifon;
La cabriole alors ne fut plus de faifon.
Elle tomba foudain gonflée, inanimée,
Et par ce coup fatal, en ce jour expira

Cette chienne par trop aimée,

Que fa belle maîtreffe à jamais pleurera.

Envoi à une jeune perfonne.

Que cette vérité, chez vous, demeure empreinte.
Souvent, par un bifarre & funeste destin,

Le ferpent eft caché fous la rofe & le thin;
Dans le miel le plus doux, on trouve de l'abfinthe,
Et le meilleur bonbon n'est pas fans chicotin.

FABLE X V.

La Vigne & l'Ormeau. ✨

Souffrez que je m'attache à l'ormeau qui me plaît, Difoit une vigne à fon maître :

D'un penchant que le ciel dans mon cœur a fait naître, Laiffez-moi librement fuivre le doux attrait.

Planté dans un terrain plus riche & plus fertile

* Sur un mariage mal assorti

Je fai bien qu'un autre orme a pour vous des appas;
Mais à cette union, je ne furvivrois pas :
Ma mort rendroit bientôt votre espoir inutile,
Et vous pleureriez mon trépas.

L'intérêt l'emporta : la vigne fut unie
A cet orme fatal;

On en fit la cérémonie

Auprès de l'ormeau fon rival.

O démarche trop imprudente !
L'auteur d'un fi triste lien
Efpéroit vendange abondante ;
Mais le cruel fe trompoit bien.

Par fes maux, la vigne affoiblie,
S'écha fur pied; ne donna rien,
Et fans que par aucun moyen,
Elle pût être rétablie,

Elle expira bientôt, ne laiffant par fa mort,

A fon maître imprudent, qu'un ftérile remord,

Apprenez, peres de famille,

A ne point marier votre fils, votre fille,
Que le préfent du cœur n'accompagne la main ;
Sinon, craignez le lendemain.

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FABLE XVI.

Le jeune Homme & la Rofe.

Certain quidam venoit de cueillir une rose ;

Pour la premiere fois, il voyoit de ses fleurs :
Celle-ci, fraichement éclose,

Frappa d'abord fes yeux par fes vives couleurs ;
Mais l'odeur fut bien autre chofe :

L'homme, en la refpirant, crut être dans les cieux.
Sur un tel phénomêne, il interroge, il cause,
Il veut approfondir la cause

D'un parfum fi délicieux.

Là-deffus, des voisins, maint écart, maint fistême; Le tout, fans que notre homme en foit plus fatisfait; Il s'en laffe, & prétend pénétrer par lui-même, D'où parvient, jufqu'à nous, un parfum fi parfait.

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