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Je fuis affurément, je fuis plus que perfonne,
Très-humble ferviteur de votre majesté;

Mais dans votre ménage, entre nous, je foupçonne
Que vous êtes bien moins aimé que redouté.

N'est-ce

pas devant vous que tout animal tremble? ` Vous êtes un fi puissant roi,

Que vos careffes, ce me femble,

Doivent remplir un cœur moins d'amour que d'effroi :
J'ai peine à concevoir, & comment & pourquoi
La reine a pû former le nœud qui vous rassemble?
Encore fi c'étoit pour vivre fous la loi

Que fuivent dans Paris tant d'époux que je voi?
Mais quoi, toujours parler, manger, coucher enfemble,
Et tout cela, de bonne foi;

Je ne puis revenir d'une jufte furprise;

Si j'étois votre époufe, ah! Sire, franchement,
Je craindrois éternellement

Que votre majesté, d'un vif amour éprise,
Ne fe trompât d'embraffement,

Et ne m'étranglât par méprise.

Pitoyable raifonnement,

Répondit le lion; me prens-tu pour un homme? Tu conclurois plus fagement

Que ma femme doit craindre un mauvais traitement.

Oui, cet être dont on renomme
Le bon goût & le jugement;

L'homme, en un mot, que l'on appelle

L'animal raifonnable, eft le feul affez vain,
Affez lâche, affez inhumain,

Pour ofer méconnoître & frapper fa femelle.

FABLE VIII.

L'Abeille & le Papillon

A Mademoiselle *** fur la lecture.

Vous favez, jeune Iris, que l'utile lecture;
De l'efprit & du cœur embraffant la culture,
A former l'un & l'autre excéle également;
De l'ame & du génie elle eft la nourriture

Elle est mere du goût & du difcernement;
Et des vices de la nature,

Elle purge nos cœurs & notre entendement :
Mais un fi grand reméde opére lentement.

Vous faites, du plaifir de lire,
Votre plus doux amusement;

Mais pour en profiter, oferois-je le dire?
Vous lifez trop rapidement.

Du petit oranger le foible compliment
Ayant reçû de vous un regard favorable,
Pour appuyer mon fentiment,

Je vous offre encore une fable.

L'Apologue qui plaît eft un bon argument.

Expliquez-moi, de grace, ô trop heureuse abeille! Difoit un jour le papillon,

Par quelle étonnante merveille,

Sans ternir de nos fleurs l'éclatant vermillon,
Vous favez en tirer ce fuc incomparable,

Ce miel, que tous nos foins ne nous donnent jamais?..

Ce que vous faites, je le fais :
Avec un zéle incomparable

Vous cultivez les fleurs ; n'en fais-je pas autant?
Et fans placer ici le brillant étalage

De mes talens connus à la ville, au village,
Je doute, entre nous deux, que vous en ayez tant.

Hé! répondit l'abeille à l'infecte volage,
Pour t'égaler à moi ceffe d'être inconftant.

Tu voles d'un aîle légére

De fleurette en fleurette, & cela te fuffit:
Mais pour en tirer du profit,

Que nous

Ton ardeur est trop passagére.

C'est en nous fixant fur les fleurs y recueillons cette admirable effence, Dont chaque jour l'aurore en pleurs Arrofe les jardins où Flore prend naissance. Si je voltigeois comme toi,

Le miel ne feroit pas pour moi.

Aux frivoles lecteurs l'abeille fait la guerre :

Chaque livre est comme un parterre
Où l'on s'amufe utilement;

Mais qui proméne un œil rapide

Sur les fleurs & les fruits de ce jardin charmant,

Prive d'un miel auffi doux que

Et l'efprit & le fentiment.

folide

FABLE IX.

L'Oeil & la Pantoufle. *
UN Oeil fait pour tourner les têtes à l'envers,

Le plus bel œil de l'univers,
Iris il reffembloit au vôtre;

Et c'eft dire affez clairement,

Qu'il avoit quelque droit d'être plus fier qu'un autre Dans je ne fais quel mouvement

A la pauvre pantoufle infulta fierement;

Tant pis; car il fiéd bien, c'est vous que j'en attefte, Iris, lorfqu'on a mille appas,

* Sujet impofé à l'auteur par Madame ***

De

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