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Mais à ma langue rien n'échappe ; Et, pour mettre le comble à ma capacité, Rarement guérit-on du trait qu'elle a porté.

FABLE XI.

Le Lion & fes Courtifans,

LE roi des animaux, méditant des projets

Inconnus à fa cour, à fes favoris même,
Fit affembler, un jour, dans fon confeil fuprême,
Ses plus honorables fujets.

Pourquoi? Je vous le donne à deviner en quatre,
En cent, en mille, ami lecteur.

Finiffez, monfieur le conteur. ...

Eh bien, en plus, fans rien rabattre....

Jettez votre bonnet par-deffus les moulins :
Le voici donc enfin, ce projet d'importance;
Projet qui déplût fort aux efprits patelins:
Je le crois. Le lion, dans cette circonstance,
Vouloit qu'en plein confeil, on lui dît fes défauts.
Sur cette énigme, Edipe eût donné dans le faux;
Car rarement un roi, quoique de l'impofture

Il foit ennemi décidé,

Tente-t'il pareille aventure:

Encore celui-ci fut-il mal fecondé.

Chacun envisagea, dans un jour favorable,
Tous les défauts qu'en lui le lion croyoit voir.

Je fuis, dit-il, cruel, colere, inéxorable....
Ah! Sire, dites jufte; & c'eft votre devoir;
Une juftice inaltérable,

Sur tout ce qui la bleffe eft prompte à s'émouvoir.

Je fuis fier.... La fierté fiéd bien aux grandes ames.

Pour les moindres écarts, je jette feux & flammes. Vous favez maintenir le fouverain pouvoir....

Ma figure eft terrible, & même il n'en eft gueres Que l'on craigne, dit-on, autant d'appercevoir. Eh! Laiffons la figure a des hommes vulgaires; Croyez, fire, qu'un potentat,

Eft aimable, favant & fage par état.

Chaque défaut, reçut une excufe autentique,
Et pas un courtisan ne dit la vérité,

Tant eft grand le danger du pouvoir defpotique!
Le renard ment par politique,

Le mouton par timidité.

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FABLE XII.

La Fauvette & le Moineau franc.

Vous, que notre hommage érige en fouveraines, Belles, que je vous plains! Mille amans à vos pieds, Chaque jour font humiliés.

Que d'adulateurs dans vos chaînes!

Et pas un feul ami, qui courageufement,
Ofe vous avertir que vos beautés font vaines,
Dès que quelque travers en ternit l'agrément.

Ainfi, loin des rois de la terre,

Fuit la timide vérité.

Vous avez de nos cœurs la fouveraineté ;
Mais aux fujets flatteurs, belles, faites la guerre,

Si vous voulez regner dans l'immortalité.

J'ai lû qu'un moineau franc, d'une jeune fauvette
Aimable, vive, & même un peu folette,
Etoit ami; j'entens ami du fonds du cœur.
Par ce titre, c'eft affez dire,

Qu'il ofoit, quelquefois, blâmer & contredire
La femelle gentille. Elle, d'un ton moqueur,
Recevoit fes leçons, & trouvoit finguliére
La méthode de ce moineau,

Qui la traitoit en écolière;

Tandis qu'il auroit dû, tendre & flatteur oiseau,
L'encenfer, ou plûtôt la tromper, de maniére
A la faire, à fon tour, donner dans le panneau.

Nous étourdira-t'il toujours de fa morale,
S'écrioit la fauvette, avec un air d'ennui?
A quoi bon les avis que fans ceffe il étale?

Mon dieu! Qu'il les garde pour lui; Il en a grand befoin: l'humeur attrabilaire, Dont il me paroît entiché,

A de quoi s'occuper, fi du defir de plaire,

Son cœur eft tant foit peu touché !

Quoiqu'affez maltraité, l'oiseau franc & fincére Ne fe rebutoit point : à ceux qu'on aime bien, Difoit-il quelquefois, c'est un mal nécessaire D'ofer, fur leurs défauts, ne leur déguiser rien. Affez d'autres moineaux, jeune & belle fauvette, Pour vous faire gouter un éloge enchanteur

Ouvriront un bec imposteur.

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Il vaut mieux qu'à jamais la bouche foit muette,
Que de parler pour corrompre le cœur.

Vous avez, j'en conviens, mille attraits en partage;
Mais, eft-ce affez de les avoir ?

En pofféder beaucoup, n'eft-ce pas un devoir
D'en acquérir encor, s'il fe peut, davantage?

Vains difcours! Sur notre Caton,

On jette des regards de fort mauvais préfage :
Tant de fincerité, chez les belles, dit-on,

Et chez les grands, eft peu d'ufage.

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