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Ne pouvant fe réfoudre à prendre un autre ton,
Le moineau franc, en oifeau fage,

Dégouté du grand monde & de fes vanités,
S'envole, & va pleurer dans un fombre bocage,
La perte de fes vérités.

Soudain, la troupe féduifante

D'étourneaux louangeurs & grands donneurs d'encens,
Affiége la fauvette. A leurs tendres accens,
Son oreille est trop complaifante.

Elle s'en répent; mais trop tard.

Ménageons un ami, qui nous parle fans fard.

******

FABLE XIII.

Le Colin Maillard.

A Mr. FRECOT DE LANTY, confeiller au grand confeil.

Loin de toi, tendre ami, loin de ta chere épouse,

Je fuis comme enchaîné dans un autre univers,

Et je ne fai comment je puis t'écrire en vers.
Quand, de notre bonheur la Fortune jalouse,
Nous rélégua chacun dans des quartiers divers.
Que je la maudirois cette aveugle déeffe,
Si, répandant avec largesse

Sur toi fes plus riches préfens,
Elle n'avoit fait voir, par ce trait de fageffe,
Qu'elle a quelquefois du bon fens!
Je dis quelquefois; prens-y garde :
Plus fouvent elle eft folle & fait extravaguer.
Cher ami, que mon cœur aime à te diftinguer
De ceux que ma fable regarde!

Jadis, les dieux aimoient à rire,

Et, chofe injurieuse à leur divinité,

Les rieurs n'étoient pas toujours de leur côté : Témoin Vulcain & la fatire,

Qui n'épargna pas même, en fes propos joyeux, Jupin, le roi des autres dieux.

Un jour donc que, verfé dans la coupe dorée, Dont fe fervoient les dieux fur la voute éthérée,

Le nectar eût rendu l'olimpe un peu gaillard,

On propofa dans l'empirée

De jouer au Colin - maillard.

Qui le fera? L'Amour? Oui, le bandeau qu'il porte,
Epargnera le foin de lui couvrir les yeux :
Par malheur Cupidon n'étoit pas dans les cieux.
Où donc étoit-il? Il n'importe,

Il fuffit que dans ce cadeau,

Pour remplacer l'Amour, d'une maniere aisée,
La Fortune fut propofée ;

Elle a pareillement fur les yeux un bandeau.
A merveille; la chofe eft fort bien difpofée;
La déeffe fait tout ce qu'on veut :

Le jeu commence : allons, meffieurs, fauve qui peut...

De temps en temps on crioit gare, Gare le pot au noir.... Chacun se démenoit. Etonnés de ce tintamare,

Les hommes crurent qu'il tonnoit.

Au milieu de ce beau tapage,

La Fortune faifit, après bien des faux pas,

Bien

Bien des éclats de rire, & maints difcours de page,

Minerve, qui ne daignoit pas

Efquiver la fortune : Une prude fe fie

Un peu légèrement à la philofophie;
Souvent c'est là-dessous que le piége est caché.
Minerve, prise & déclarée,

Eut beau faire la mijaurée,

Le bandeau lui fut attaché.

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C'est depuis ce moment, fans doute,
Que le mortel le plus fenfé,

Dès que par la fortune il eft trop careffé,
Se déconcerte, change, & bientôt ne voit goute.

De ce fatal poifon, qui t'a rendu vainqueur?
Ami, pour le favoir, je ne chercherai gueres ;
La vertu des fages vulgaires,

N'eft que dans leur efprit; la tienne eft dans ton cœur

FABLE XIV.

Les deux Amours.

DEux Amours régnent sur la terre;

L'un eft le fils de la vanité,

Et l'autre l'est de la beauté :

Tous deux à la raison ont déclaré la guerre :
L'un fe nomme Amour propre, & l'autre Cupidon.
A peu de chose près, ils ont même équipage;
Bandeau, carquois, flêches, brandon;
Et même goût pour le tapage,

Sans oublier les tours de page;

A ces meffieurs, j'en demande pardon.

Mais Cupidon feul a des aîles. Pourquoi, me dira-t'on? Je m'en rapporte aux belles, Aux petits maîtres, aux auteurs.

On fe pique fort peu, pour tous ceux que l'on aime, D'être conftans adorateurs ;

Mais on s'aime toujours foi-même.

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