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FABLE X V.

La petite Chienne & le Chat.

Voyez, regardez-moi, disoit un jour poupette,

Petite chienne fort proprette;
A mon cou l'on vient de lier
Le plus joli petit colier

De ruban vert,

fans oublier

De beaux grelots d'argent. Poupette est fi contente
Qu'elle voudroit pouvoir en tout lieu publier
Le bonheur imprévû qui paffe fon attente.

Minet, chat de bon fens, qui tapis dans un coin, Sans rien dire, écoutoit de loin

Le vain & burlesque étalage

Que poupette faifoit de fon ajustement;

Lui dit. Y fonges-tu? Ce bel accoutrement

N'eft fait que pour fixer ton humeur trop volage, Et te tenir de court dans cet appartement.

On prend fouvent pour ornement,
Les marques de fon esclavage.

FABLE XVI.

Le Serin & fa femelle.

Chez meffieurs les ferins, peuples de Canarie,

Pour jafer, il est décidé

Que le mâle a toujours le dé:

C'est ici le contraire; & même je parie,
Qu'à bon nombre d'époux, notre usage déplaît:
Chez nous, la femme parle, & le mari fe taît.

Un ferin avec fa femelle,
Eut, dit-on, un jour fur ce point,
Une affez plaifante querelle :
Il fe plaignoit, chofe nouvelle!
Que fa femme ne parloit point.

Des airs nouveaux, il la défraye;

Chanfons en pure perte ! On ne lui répond rien.

Il cherche quelqu'autre moyen;

De toutes les douceurs tour à tour il essaye :.
Mon petit cœur ; motus: ma reine.... Pas un mot.
Qu'est-ce donc, cria-t'il? Me prend-t❜on pour un fot?...

A cet emportement, dont la fuite l'effraye,
Pour la premiere fois, serinette parla :
Le ciel le lui permit, comme, par paranthése
Il permet quelquefois, pour mettre le hola!
Que chez nous, la femme fe taife.

Eh! Quoi ? D'avoir fü m'enflammer,
Ton ame n'est pas fatisfaite;

Tu ne crains pas de m'alarmer,

Dit ferinette en pleurs ! Sans chercher de défaite,
J'avouerai que tes chants ont de quoi me charmer,
Pour chanter, à mon tour, le ciel ne m'a point faite:
Hélas! Je ne fai que t'aimer.

Au nom du nœud qui nous engage,
Daigne diffiper mon effroi :

Nai-je pas mon langage à part? Et ce langage,
Je ne le parle que pour toi.

C'est celui de l'amour. N'est-il pas auffi tendre, Auffi doux que le tien? Mais, quel malheur pour moi, Si tu refufes de l'entendre!

****

FABLE XVII.

Le Singe mafqué.

J'Ai lû qu'à certain finge, un jour, il prît envie

De fe mafquer en carnaval :

En dois-je être étonné? Non : j'ai vû dans ma vie,
Plus d'un finge en habit de bal.

Celui-ci n'étoit pas, fi j'en crois mon journal,
Le plus laid magotin de france.

De tout l'accoutrement qu'inventa pour la danse
Le talent calotin d'un peuple folichon,
Dom Bertrand fe couvrit en masque d'importance.
Domino, barbe, capuchon,

Miroir, tabatiere, manchon,

Frifure, eau de fenteur, beau linge;

Rien ne fut oublié. Le finge

Etoit en maison pour cela :

Il logeoit, dans ce moment-là,

Chez un de ces meffieurs, dont la vie agiffante
Roule parmi les jeux, les plaifirs & les ris,
Et que tous les matins, au milieu de Paris,
L'un des premiers regards de l'aurore naissante,
Surprend à table, au bal, ou chez quelque Laïs.

Vers une galante assemblée,

Notre finge mafqué, marche à pas diligens:
Il entre, il s'introduit d'emblée.

Sous un pareil habit reconnoît-on les gens?
Le voilà faufilé dans la joyeuse bande,
Et tout alloit des mieux dans le commencement;
Mais un maudit faux pas fit malheureusement
Tomber le mafque. On fe demande,
Quel eft ce laid minois qu'on voit à découvert ?
Et notre finge eft pris fans verd.

Pris fans verd? Je me trompe. A cent malins paffages Que fur fon compte on débita,

Bertrand point ne se démonta :

Les fous font volontiers plus hardis que les fages.

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