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L'Avocat & le Batelier.

N avocat non pas de ceux

Qui des Cochins fuivent les traces,

Mais bien un orateur inepte, pareffeux,

Né fans goût, fans talens, fans finesse & fans graces Paffant l'eau, trouva fingulier,

Que le rustique batelier

Tournât précisément le dos à l'autre rive

Où notre homme vouloit aller.

Eft-ce à force de reculer,

Lui cria-t'il, que l'on arrive?...

Sans doute, dit quelqu'un. Du moderne Caron,
Apprens quelle est toute l'adresse;

C'est celle qui rendit maîtresse
L'éloquence de Ciceron.

Bon! Vous vous moquez, dit notre homme;

Comparer l'orateur de Rome
Au manant qui tient l'aviron!...
Cette comparaifon assomme,

Et je crois.... Monfieur l'avocat, Elle eft jufte. Ecoutez.... Le batelier sauvage, Qui tourne le dos au rivage,

C'est l'orateur adroit, fenfé, fin, délicat,
Dont la merveilleufe éloquence

Dérobe à l'auditeur féduit,

Le véritable endroit où fon art le conduit
De conféquence en conféquence.

FABLE X V.

Le Cheval & l'Ane.

LE fils d'un cheval de bataille,

D'un Bucephale de nos jours,

Fier de fon origine, argumentoit toujours

De fon rang,

de fon nom, de fon air, de fa taille: Il en jugeoit apparemment,

Par fon prédéceffeur. O le bon jugement!

Son imprudence étoit d'autant plus étonnante, Que, pour vous le peindre en un mot,

Ce cheval n'étoit rien qu'un pauvre roffinante, Un chétif animal, un fot:

L'orgueil, de la fottife eft l'ordinaire lot.

Notre courfier mesquin, déchu de fa noblesse,
Par fon peu de courage & de capacité,
Du pauvre aliboron infultoit la foibleffe,
L'air gauche, la roture & l'imbécillité....
Un tel voifinage me bleffe:
Peut-on mettre un âne à côté
D'un cheval de ma qualité ?

Tu veux parler de feu ton pere,

Dit maître Aliboron : il avoit en effet
Le renom d'un courfier parfait;
Mais, lui reffembles-tu, compere ?

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Nobles, n'oubliez pas que la nailfance fait
Moins d'honneur qu'elle n'en ordonne:
Du ciel ce n'est point un bienfait,
C'est une charge qu'il vous donne.

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FABLE XVI.

L'Etoffe & la Broderie.

Sur un habit de friperie

Et d'un fort mauvais drap, un fou fit appliquer
Une fuperbe broderie :

Quelle eft, s'écria-t'on, cette bizarrerie ?
Daignerez-vous nous expliquer

L'objet d'une dépenfe auffi peu raifonnable?
C'est mon goût, dit notre homme. A réponse semblable
On ne fait trop que répliquer.

Quelqu'un, fur cette extravagance

Infiftoit néanmoins; mais avec arrogance,
Le fou repartit fiérement,

Eh! Ne voyez-vous pas, têtes fans jugement
Que cet habit eft fi difforme,

Qu'il a befoin d'un ornement?

Fort bien, répondit-on ; mais malheureusement
Le fond avilira la forme.

Un auteur rima richement

Une matiére féche, aride & méprisable :
Loin qu'un ftile fleuri le rendît excufable,
Il en fut pour les frais de l'embellissement.

Freres, en Apollon, la plus petite strophe
Est de trop, croyez-moi, fur un mauvais sujet ;
N'ufons point de grands mots pour un petit objet,
Et fachons mesurer l'ornement à l'étoffe.

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FABLE XVII.

La Mouche & le Moucheron.

EN volant trop rapidement

Dans une toile d'araignée,

Une mouche s'en vint donner imprudemment;

Elle n'y fut point épargnée :

L'infecte venimeux la faifit brusquement,

Et la fuça cruellement.

Quoique témoin du fort de fa défunte mere,

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