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Qui devoit dans fon vol le rendre moins hardi,
Un moucheron donna dans la même chimére,
Et périt comme un étourdi.

Si les fautes d'autrui corrigeoient nos miféres,
Verroit-on ici tant de fous?

Mais les fottifes de nos peres,
Sont en pure perte pour nous.

Cette penfée eft de M. de Fontenelle.

FABLE XVIII

L'Abfynthe& le Courtifan.

DEs propos doucereux un feigneur partisan;

Et qui, pour en tracer une image fuccinte,
Etoit, ce qu'à la ville on nomme un courtisan,
A la cour un ami; remarquant dans l'enceinte
D'un fuperbe jardin quelques tiges d'absynthe,
Fut bleffé de les voir dans un fi bel endroit.

Comment, dit-il, & de quel droit,
Plante amére & défagréable,

E

Et que du monde entier l'on devroit fupprimer,
Ofes-tu te montrer dans ce féjour aimable,

Où tout eft fait pour plaire & pour nous l'exprimer?..

Et toi, qui chaque jour obfédes

Le maître de cette maison,

Dit l'abfynthe, en ces lieux es-tu plus de faison?
C'est toi qu'il faut bannir, vil flatteur, qui poffédes
Le talent dangereux d'enyvrer la raison !

Fatale yvreffe à qui tout céde!
Mon amertume est un reméde
Et ta douceur est un poison.

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FABLE XIX.

La Victime.

Pour appaifer les dieux qu'il avoit offensés,

Un mortel voulut faire un pompeux facrifice;
Cent moutons, bien nourris, à grands frais ramaffés,
Devoient au criminel rendre ce bon office,

Dont ils fe feroient bien passés.

N

Entourés de rubans & parés de guirlandes,
Car l'ornement fiéd bien aux plus riches offrandes,
Le docile troupeau s'avançoit vers l'autel,
Et déja, l'un d'entr'eux, fatale préférence !
Etoit prêt, en cette occurence,

A recevoir le coup mortel;

Lorfque l'innocente victime

S'écria, tout-à-coup: O toi! Que les humains
Ont honoré du nom de prêtre légitime;
Pourquoi, de notre fang, veux-tu fouiller tes mains?
Que fera notre mort, pour un méchant capable
De nous faire périr, pour se justifier?
Tourne-toi contre lui, voilà le vrai coupable,
C'est lui qu'il faut facrifier.

Qu'ai-je fait, pour ma part, contre l'Etre fuprême
Qui mérite le fort que j'éprouve aujourd'hui ?
L'homme eft fort fingulier; j'admire fon fistême,
De nous faire payer pour lui!
Il offense Dieu par lui-même,
Et veut l'appaiser par autrui.

FABLE X X.

Les Animaux Comédiens.

A monfieur D. L. B. fermier général, chez qui l'on devoit représenter la comédie du Grondeur, à laquelle cette fable fervoit de prologue.

LEs animaux, un jour, s'étant mis dans la tête
De régaler de quelque fête,

Le lion fouverain, dont ils fuivent les loix;
A la pluralité des voix,

D'un fpectacle comique, on dit qu'ils firent choix,
Ce peuple-là n'étoit pas bête;

Les fpectacles toujours furent des jeux de rois.

Le choix donc ainfi fait, d'une maniére honnête,
On fe diftribua les différens emplois.

Maître renard, auteur de bons contes à rire,
La piéce compofa; c'est déja beaucoup dire :
Ajoutons, , pour le mieux louer,

Que minet, petit chat, fut chargé de l'écrire,
Et les finges de la jouer.

Quant au fujet, de l'âne, on prit le caractére:
A cette comédie, il fervoit d'argument :
Le choix de ce héros n'étoit pas fans mistére,
On le verra dans un moment.

Les finges, comme on fait, font fort bons pantomimes;
Ils fe firent valoir en cette occafion.

Leur adresse étonnante enchanta le lion;

Mais l'ouvrage étoit-il en profe, ou bien en rimes?... Je l'ignore. Il fuffit que l'on a publié

Que chaque acteur fit des merveilles:

Le chant d'Aliboron ne fut pas oublié,

Non plus que fes grandes oreilles;

Mais qu'opérent enfin des critiques pareilles ?
Un fot est toujours tel. Notre âne, à fon portrait,
Se reconnoiffant trait pour trait ;

Loin de mettre à profit cette utile remarque,
S'imagina plaire au monarque,

Et faire fur l'auteur tomber un mauvais lot,
En accufant ces jeux d'un perfide complot.
Moliere eut à fouffrir de plus d'un aristarque;
Quand Tartuffe alarma tout le peuple dévot.

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