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Pour que vers la voûte éthérée

Elle puiffe jaillir avec rapidité.

Je ne m'éléve point jufques à l'empirée,
Non; mais je coule en liberté.

Naïve, mais fidéle image

Du bourgeois & du grand feigneur.
A celui-ci je rens hommage;

Car à tout feigneur tout honneur:

Mais de l'autre entre nous j'envierois le bonheur.
Je ne vois dans les grands que de nobles efclaves,
Qui ne doivent qu'à leurs entraves

L'éclat que le vulgaire attache à leur état ;
A Dieu ne plaise, hélas ! que je leur porte envie ;
J'ai pris pour ma devife, & pour toute ma vie.
Plus de liberté, moins d'éclat.

***

FABLE XVI.

L'Ours & fes Convives.

L'Ours un jour s'étant mis en tête

De régaler chez lui les hôtes des forêts;

Pour ce fameux feftin on fit de grands apprêts,
Et rien ne manquoit à la fête,

Rien, dis-je, à la bonne humeur près.

Quoiqu'en nombreuse compagnie

Le finge, que fon goût, ainfi que

fon génie,

Porte à batifoler, fe crut en un défert;

Point de joyeux propos, point de ces gaïtés vives Qui rendent fi friands les morceaux que l'on fert; Il n'attendit pas le deffert

Pour quitter l'hôte & fes convives.

Quoi, dit l'ours, vous ne restez pas ?
Où donc allez-vous, mon confrere ?

Où l'on fe réjouit, dit Bertrand; cher compere,
Şans ce point tous vos mets font pour moi fans

Dieu nous préferve des repas

Où l'on ne fait que bonne chere!

appas.

FABLE XVII.

Le Pigeon & le Moineau.

Pour un moineau dans l'indigence

On recherchoit quelque fecours; Tous les riches oiseaux furent d'intelligence Pour le fecourir en difcours.

Dans cette trifte conjoncture,

Un pigeon fut le feul, quoiqu'affez mal aisé,
Qui donnât le couvert & quelque nourriture
Au moineau pauvre & méprisé.

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Des oifeaux fpectateurs, la surprise est extrême ;
C'est un phénomène pour eux,

Qu'un pigeon, fi pauvre lui-même,
Veuille affifter un malheureux.

Eh! C'est ce qui me rend encore plus acceffible, Répondit le pigeon. Un deftin rigoureux

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Prépare à la pitié le cœur le moins fenfible.

Quand on jouit d'un fort tranquile & gracieux,
Imagine-t'on fous les cieux

Quelqu'un dans un état fi différent du nôtre ?...
Non: on mefure tout fur fa profpérité ;
Mais au fein de l'adverfité,

Le malheureux fent mieux qu'un autre
Le poids de l'infortune & de la pauvreté.

FABLE XVIII

Le Tableau & le Cadre.

UN brocanteur orna d'une riche bordure

Le chef-d'œuvre d'un barbouilleur :

Ainfi j'ai vû fouvent fous riche couverture
Gîter les vers d'un rimailleur.

Ce tableau, fier de fa parure,

De fon éclat, de fa dorure,

Se crut de quelque prix aux yeux des connoiffeurs;

Son brillant appareil furprit quelque fuffrage:
Car tel est, ô mortels! le fort de vos ouvrages.
Les plus beaux trouvent des cenfeurs,

Et les fots ont leurs défenfeurs.

Mais tôt au tard enfin difparoît le prestige :
Le tableau, dépouillé du fuperbe ornement
Qui faifoit tout le fondement

De fa gloire & de fon vertige

Parut tel qu'il étoit tout naturellement;
Et l'on n'en voulut voir ni trace ni vestigė
Dans le plus mince appartement.

Que d'hommes l'on célébre, on encenfe, on couronne,
Qui nous éprouveroient juges moins indulgens,
S'ils perdoient, tout-à-coup, ce qui les environne!

Le cadre fiéd à bien des gens.

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