ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

1

Chez un bourgeois, dont la manie
Etoit auffi le bâtiment.

De cet oifeau, dit-il, j'admire l'industrie;
Mais à quoi bon bâtir aussi solidement,

Quand on n'est pas dans fa patrie,

Et que l'on eft fujet au déménagement?
Pauvre animal, hélas ! Tu prens bien de la peine.
Pour refter ici quelques mois :

As-tu donc oublié que la faifon prochaine
T'obligera d'aller en des pays moins froids!...
Tu laifferas alors ta demeure déferte ;
Les nids les plus jolis deviendront fuperflus:
De tes foins & du temps pour épargner la perte,
Tu devrois camper & rien plus.

Moi-même à mon tour, je t'admire,
Dit l'hirondelle, au bâtisseur:

Dans ce vafte édifice où ton orgueil se mire,
Je vois déja ton fucceffeur,

Qui, fubiffant la loi fuprême,
Le laiffera bientôt lui-même
A quelque nouveau poffeffeur.

Si je fuis folle, ami, tu n'es guere plus fage,
Puifque tu bâtis fans fonger

Que l'homme eft fur la terre un oifeau de paffage,
Qu'on peut à chaque inftant faire déménager.

FABLE II

La Colombe.

U Ne colombe encor jeunette,

Laffe de vivre fous les loix
De quelque colombe à lunette,
Un jour quitta la maisonnette,
Pour aller écouter aux bois,
Du roffignol la chansonnette.

C'eft ainfi que la jeune Anette,
Efquivant fa bonne maman,

En mules, en corfet, en petite cornette
Court au fond d'un jardin lire quelque roman.

Tant que notre colombe avoit de fes pareilles

Aimé la compagnie & gardé la maison,

Elle avoit ignoré l'amour; & ce poison,
Qui, dans un cœur novice entrant par les oreilles,
En fait déloger la raison.

Mais quand la petite indifcrette

Du tendre roffignol eut écouté les chants,

Ils plurent tant à la pauvrette,
Ils lui parurent fi touchans,

Elle prit tant de goût pour une sarabande,
Pour le récitatif & pour le rigaudon,
Que des fujets de Cupidon,

Elle groffit bientôt la bande.

C'eft ainfi qu'en quittant Ovide ou l'Opera
Le cœur d'une innocente fille

Palpite, s'enflamme, pétille

De s'entendre conter tout ce qu'elle a vû là ;
Et fouvent la raifon dit trop tard: alte-là.

Quoique dans la vertu vous foyez affermies,
Fuyez l'occafion, colombes mes amies;
Fuyez jufqu'au récit des amoureux tourmens.

En écoutant l'amant, à l'amour on s'engage;
On croit n'aimer que fon langage,
Et l'on en prend les fentimens.

FABLE I I I

La Raifon prifonniére.

DE tous les temps, l'amour & la raifon N'eurent jamais, je crois, de grande liaison: La raifon fut toujours d'une humeur trop austére

[blocks in formation]

Matiere à grands procès:... D'abord, avec adresse L'amour fe déguisa fous le nom d'amitié;

Et la raison parut fe mettre de moitié

Avec le dieu de la tendreffe

Mais à parler fincérement,

Ce n'étoit que haine couverte :

Elle éclata bientôt ; & fans ménagement

On fe fit une guerre ouverte.

La raifon remporta, dans les premiers combats, Quelques victoires paffagéres;

L'amour n'avoit alors que fort peu de foldats, Troupes d'ailleurs affez légères,

Si j'en crois nos meilleurs auteurs: Mais il lui vint bien-tôt nombre de déferteurs,

Muni de troupes étrangères,

Que ce dieu fut habilement

Plier à fon gouvernement,

Il donna la bataille, & ce fut la derniere:
La raifon fe découragea;

Et dans une mêlée, où l'amour l'engagea,
Elle fut faite prifonniere.

Ses efforts furent fuperflus;

D'un prudent général l'amour faisant le rôle, La renvoya fur fa parole;

Mais à condition qu'elle ne fervit plus.

« ÀÌÀü°è¼Ó »