1 Chez un bourgeois, dont la manie De cet oifeau, dit-il, j'admire l'industrie; Quand on n'est pas dans fa patrie, Et que l'on eft fujet au déménagement? As-tu donc oublié que la faifon prochaine Moi-même à mon tour, je t'admire, Dans ce vafte édifice où ton orgueil se mire, Qui, fubiffant la loi fuprême, Si je fuis folle, ami, tu n'es guere plus fage, Que l'homme eft fur la terre un oifeau de paffage, FABLE II La Colombe. U Ne colombe encor jeunette, Laffe de vivre fous les loix C'eft ainfi que la jeune Anette, En mules, en corfet, en petite cornette Tant que notre colombe avoit de fes pareilles Aimé la compagnie & gardé la maison, Elle avoit ignoré l'amour; & ce poison, Mais quand la petite indifcrette Du tendre roffignol eut écouté les chants, Ils plurent tant à la pauvrette, Elle prit tant de goût pour une sarabande, Elle groffit bientôt la bande. C'eft ainfi qu'en quittant Ovide ou l'Opera Palpite, s'enflamme, pétille De s'entendre conter tout ce qu'elle a vû là ; Quoique dans la vertu vous foyez affermies, En écoutant l'amant, à l'amour on s'engage; FABLE I I I La Raifon prifonniére. DE tous les temps, l'amour & la raifon N'eurent jamais, je crois, de grande liaison: La raifon fut toujours d'une humeur trop austére Matiere à grands procès:... D'abord, avec adresse L'amour fe déguisa fous le nom d'amitié; Et la raison parut fe mettre de moitié Avec le dieu de la tendreffe Mais à parler fincérement, Ce n'étoit que haine couverte : Elle éclata bientôt ; & fans ménagement On fe fit une guerre ouverte. La raifon remporta, dans les premiers combats, Quelques victoires paffagéres; L'amour n'avoit alors que fort peu de foldats, Troupes d'ailleurs affez légères, Si j'en crois nos meilleurs auteurs: Mais il lui vint bien-tôt nombre de déferteurs, Muni de troupes étrangères, Que ce dieu fut habilement Plier à fon gouvernement, Il donna la bataille, & ce fut la derniere: Et dans une mêlée, où l'amour l'engagea, Ses efforts furent fuperflus; D'un prudent général l'amour faisant le rôle, La renvoya fur fa parole; Mais à condition qu'elle ne fervit plus. |