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Fut contrainte de faire un juge;

Eh, que de peine elle eut à faire un pareil choix ! Que d'équité, que de lumieres,

Que de qualités néceffaires

Pour remplir cette place avec quelque fuccès ! Qualités, qu'ici bas, l'on ne raffemble guere, Et que fur le mot de procès,

N'imagine pas le vulgaire.

Efprit droit, cœur intégre, & de qui la bonté
Tempére un peu l'intégrité ;

Accès plein de réserve, & cependant facile, Capable d'alarmer le plaideur indocile, Comme de raffurer l'homme perfécuté ; Savoir profond, fans fafte & fans pédanterie, • Maintien ferain & gay, mais fans badinerie; Retraçant, à la fois, fur un front refpecté. La douceur & la fermeté;

Fermeté fans rigueur, & douceur fans moleffe Abord noble, air de majesté ;

De cette majesté qui laisse

Une impreffion douce à l'humble spectateur; Qui fait en impofer, mais qui jamais ne blesse

Et qui tient tout de la nobleffe,
Sans rien tenir de la hauteur.

Un âge convenable, une haute naiffance....
Mais où trouver tous ces dons-là ?

Jupiter pouvoit feul, par fa toute puissance,
Dans un même fujet réunir tout cela.

Sur la difficulté de ce choix d'importance,
L'aigle étoit fur le point de tout abandonner :
Mais fon peuple des loix imploroit l'assistance.
Les oifeaux mécontens alloient fe mutiner:
A leur jufte defir il fallut condefcendre.
Le phénix fut nommé l'interprête des loix :
On l'aima, d'autant plus que la commune voix
Etoit que l'on verroit naître un jour de fa cendre
Un phénix tout nouveau digne du même rang,
Et qui perpétueroit la gloire de fon fang.

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L'aigle fit, dans ce cas, une fi bonne affaire,
Que l'on dit, que Louis n'auroit pas mieux choift:
Le phénix fit fi bien auffi,

Que DARGOUGES n'eût pû mieux faire.

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FABLE II.

Le Pigeon & le Coq.

UN vieux coq, fort expert dans la carte de tendre;

S'étoit fait précepteur d'amour :

Aux oiseaux amoureux il donnoit chaque jour
Des leçons qu'on venoit entendre
De tous les hameaux d'alentour.
Le pigeon y vint à fon tour;
Amoureux d'une tourterelle,

Qui lui faifoit toujours querelle,

Il ne favoit comment fléchir fa cruauté.
Redouble, dit le coq, auprès de ta maîtreffe,
D'attachement, d'activité,

De complaifance, de tendreffe,

Surtout de patience & de fidélité.

Fort bien, dit le pigeon, votre recette eft claire; Elle tend à nous enflammer:

Mais je n'ai pas befoin d'un maître en l'art d'aimer ; Enfeignez-moi celui de guérir, ou de plaire.

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FABLE III

La Bague de Polycrate.
J'ai trouvé dans mon répertoire

Qu'un roi, c'est Polycrate, & je puis le citer
Comme célébre dans l'hiftoire,

Par les faits finguliers que je vais raconter.
Connoiffant des mortels les fortunes diverses,
ayant jamais éprouvé les traverses,
Commençoit à s'inquiéter

Et n'en

D'un bonheur fi constant; il lui faifoit trop craindre
Que la fortune, un jour, laffe de fe contraindre,
Ne le lui fit cher acheter.

Eh quoi! Pas la moindre disgrace?

A peine ai-je formé quelques nouveaux defirs,
Qu'ils font remplis ! Pour moi tout fe tourne en plaifirs
Tant de profpérités m'alarme & m'embarrasse,
Et j'ai bien lieu de m'effrayer ;

Car enfin le ciel eft avare

D'un bonheur fans mélange; & ce bienfait fi rare,
Tôt ou tard il le fait payer.

Ce que dans le malheur il faudroit que je fiffe,
Ofons, dès-à-présent, ofons le prévenir ;
Et par un libre facrifice,

Eloignons les maux à venir.

Il faut s'exécuter.... A ces mots, notre prince,
Non fans un regret fort amer,

Jette au beau milieu de la mer

Un anneau qui, dit-on, valoit une province.

Il ne fut pas encor malheureux cette fois
Dans le corps d'un poisson qu'on fervit à sa table,
L'anneau fut retrouvé. Miracle véritable,

S'écria tout le monde! On n'eut plus qu'une voix,
Pour admirer la force & la perfeverance

D'une telle profpérité....

Mais tandis qu'avec affurance

Polycrate goûtoit cette félicité,

Son peuple, tout-à-coup, contre lui révolté,
Lui fit bien voir qu'envain les mortels fe proposent

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