De prévenir l'instant propice ou dangereux. Sur les decrets des dieux que nos cœurs fe repofent, On n'eft point, à fon choix, heureux ni malheureux. FABLE IV. La Bergere & le Ruiffeau. Avoit laiffé tous fes moutons Epars fur la verte fougére, N'étoit pas feule. Hylas avoit fuivi fes pas. Ingrate, dit Hylas, où cherches-tu l'image De tes traits féduifans, de tes charmes vainqueurs? Tu la verrois mieux dans les cœurs De ceux qui t'offrent leur hommage; Dans leurs yeux ton pouvoir eft mieux représenté : Contente dans les miens ta curiosité; Ce font ceux d'un amant fidéle, De la conftance le modéle, A ce difcours touchant, qu'amour avoit dicté, Lit dans les yeux de fa conquête Le triomphe des fiens; fon cœur en eft flatté ; Une félicité certaine Rendit Hylas moins amoureux. Dès FABLE V. La Lyre & l'Epée. LA lyre, trop préoccupée De fes agréables accords, Prétendit, un beau jour, l'emporter fur l'épée, Qui voulut, pour l'honneur du corps, Que la lyre fût détrompée. Je connois le prix de tes chants, Ils font doux, nobles & touchans; Mais ce n'eft qu'un vain bruit, enfin ; & les histoires Me répondras - tú que la lyre Confacre mes exploits à la poftérité ? Dans un poetique délire, Plus d'un auteur s'en eft flatté C'est une fierté qui m'irrite: Les éloges les plus parfaits Valent-ils, répons-moi, celui qui les mérite ? FABLE V I. L'Orme, le Lierre & le Chêne. UN ÛN lierre qui venoit de naître, Cherchoit un protecteur auquel il pût s'unir : Cet orme étoit d'une humeur fiére; De fouffrir l'approche d'un lierre. Que de grands, à cet arbre, on pourroit comparer!... Mais chut!... Heureufement pour notre arbuste, Qu'un chêne plus compatiffant, Plus généreux que l'orme, & partant plus augufte, Crut raifonnable autant que jufte De fervir de foutien à ce lierre naissant. L'orme en fit une raillerie : Sans ce lierre, dit-il au chêne bienfaifant, Ah! Je fais fort bien, dit le chêne, Que je puis me passer de lui; Mais n'eft-ce pas affez, pour former notre chaîne, Qu'il ait befoin de mon appui? Tu vantes, chaque jour, ta grandeur, ta naiffance Sécourir l'indigence, aider à la foiblesse, Que c'est par-là que la nobletfe Et l'opulence même est un préfent des cieux. |