FABLE XIII Le Plaifir. A Mademoiselle D. R*** L'Orfque les immortels eurent mis ici bas L'être que l'on appelle animal raisonnable, L'homme en un mot; les dieux pour faire un fort aimable Voulurent bien donner le plaifir aux humains Il n'en fut pas moins dangereux. Dès qu'ils l'eurent goûté, voilà messieurs les hommes Il eut tout leur encens & toutes leurs guirlandes ; Plus de prieres, plus d'offrandes ; Ce forfait, irritant le ciel contre la terre, Plufieurs d'entre les dieux vouloient que le tonnerre D'autres plus indulgens, & pour notre domaine, On fe contenta donc, pour punir cet atôme, De rappeller au ciel le plaifir adoré, Sans jamais être vrai, cause des maux fans nombre; Et l'on n'embraffe que fon ombre. ENVO I. De cette fable, Iris, je vous dois le fujet ; La morale en eft profitable; Mais quand on vous voit un moment, Peut-on croire facilement Qu'il ne foit plus pour nous de plaifir véritable? FABLE XIV. Le Mouton & le Renard. SIre renard un jour, dit-on, En affez bonne compagnie, Le pauvre robin mouton. Il est vrai, car enfin il faut bien fe réfoudre Comme dit le vulgaire, imaginé la poudre... Du corfaire des bois, qui vient, paffe & repaffe, Ami ¡ . Ami, dit le renard, comment te préserver? Ni force, ni valeur, ni tours de paffe-paffe. Mais, que dis-je ? C'est conscience Que de s'évertuer pour vous faire du mal; Et c'est, à tous égards, un fi bon animal ! · Fort bien; fi ton deffein eft de me faire injure, Que tu manques ton coup.; & que ton air moqueur, Plus que jamais me fait connoître Que l'efprit n'eft en rien comparable au bon cœur. Avec bien du talent, les dieux te firent naître : Les vertus, felon toi, font autant de bêtises; E Pour moi, je les préfére aux talens qu'on profcrit; ******** FABLE X V. Le Jardinier & l'Arbriffeau. A mademoiselle D***, pour l'engager à apprendre les regles de la poefie françoise, pour laquelle elle a beaucoup de talent. Dans le fond d'un jardin, à côté d'un berceau, ९ Sans foins, fans peine & fans culture, Naquit un charmant arbrisseau, Enfant de la belle nature, Modéle digne du pinceau; Si le travail de la peinture • Pouvoit dignement rendre un fi joli morceau. Et vous en recevrez mille charmes nouveaux; |