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Si l'oifeau le plus tendre a des droits fur votre ame, Vous devez, à mes feux, prendre quelqu'intérêt ; Mais, foit que votre cœur daigne approuver ma flamme, Soit que votre rigueur la blâme,

Prononcez du moins mon arrêt.

Pour un cœur bien épris, le fort le plus à craindre
Eft celui d'ignorer fon fort:

De votre cruauté j'aurois moins à me plaindre,
Si vous aviez juré ma mort.

Oui, la mort eft moins accablante;

Permettez.... A ces mots, la colombe tremblante S'imagine déja voir mourir fon amant :

Et de tout confeil dépourvue,

Elle prononce enfin, non fans baiffer la vue,
Ce je vous aime fi charmant,

Si long-temps attendu.... Le poulet, fûr de plaire,
Néglige fa félicité.

La colombe gémit de fa facilité;

Mais trop tard la raison l'éclaire:

L'amour est infolent dans la profpérité.

Belles, faites-vous une étude

Füy

De laiffer quelque doute & quelque inquiétude
A l'objet fortuné de votre attachement :
L'amour défefpéré, peut mourir promptement;
Mais il vit dans l'incertitude,

Et l'efpoir eft fon élément.

FABLE VII.

La Bouche & les Yeux.

J'Ai lû, je ne fai plus quand, ni dans quel endroit,

Qu'un matin, attendez... C'étoit chez une dame, Belle bouche, & beaux yeux fe difputoient le droit De bien interpréter les mouvemens de l'ame.

La bouche, nous nous abufons

Dans les vaftes projets que notre orgueil nous préte,
Se crut d'abord du cœur le meilleur interpréte,
Et dit, pour le prouver, d'affez bonnes raifons.
Mais les yeux, de leur part, ont auffi leur langage;
On le prétend même éloquent :

L'opera nous le dit; je le crois, & je gage
Que ce langage-là n'est pas le moins piquant.

Quoi qu'il en foit, fur ce chapitre

De la bouche & des yeux, l'amour, nommé l'arbitre, Pour terminer leurs différends,

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Voulut leur affigner des rolles différens.

Vis-à-vis de l'objet qui vous blesse, ou vous touche;
Amis, dit-il, voici quels feront vos égards;

Les refus doivent être annoncés par la bouche,
Et les faveurs, par les regards.

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FABLE VIII

Oifon & le Merle.

UN merle des plus fins qui fût dans la nature,
Mettant à profit fon talent;

Par fes bons mots, fouvent lâchés à l'aventure,
S'étoit mis en belle posture

Chez l'oifon le plus fot & le plus opulent.

L'oifon donnoit au merle & couvert & pâture,

Et cela pour chaque saison :

Ample provifion de bonne nourriture

Se trouvoit chez fire l'oifon :

Le grain s'y donnoit à foison;

Grain qui valoit alors notre argent & nos perles. En un mot, il n'étoit, pour noffeigneurs les merles, Chez tout le peuple oiseau de meilleure maison.

Pour fon hôte obligeant, le merle en récompense
Généreux commenfal, fe mettoit en dépense,
De jolis petits riens, qu'il favoit à propos
Faufiler, avec art, dans fes brillans propos.

Mais arriva qu'un jour, dans certaine visite
Qu'il rendit à d'autres oifeaux,

Dans fes malins brocards, le merle parasite
N'épargna pas l'oifon, malgré fes bons morceaux.

Celui-ci fut instruit de cette perfidie,

Et voulut en avoir raison :

C'étoit à fes dépens donner la comédie;
Trait, vraiment digne d'un oison!

Vous vous échauffez trop la bile,

Lui répondit l'auteur de cette trahison
Ou taifez-vous, mon cher, ou devenez habile.
Vous vouliez, avec moi, faire comparaifon!
Vous avez acheté le beau noeud qui nous lie
Et moi, de mon côté, j'ai payé mon écot.
Chaque raifin, chaque abricot

Me coûte une phrase jolie.

;

A ces mots, que l'oifon écoute en fe gonflant, Le merle s'envole en fifflant.

FABLE IX.

Le Ruiffeau & la Prairie.

JE fuis trop bonne, en vérité,

Et je ris quelquefois de ma fimplicité,
Difoit un jour une prairie:,

Que le plus charmant des ruiffeaux

Entretenoit verte & fleurie,

Par l'aimable fraicheur de fes paifibles eaux.

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