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A ce ruiffeau, chez moi, pourquoi donner paffage? Ne peut-il détourner fon cours?

Eloigne-toi, l'ami.... D'un fi mauvais difcours,
Le ruiffeau mécontent, mais auffi doux que fage,.
Répondit. De ce que je fais,

Je te pardonnerois de n'être point touchée,
Quoiqu'entre nous, fans mes bienfaits,

Tu languirois bientôt stérile & defféchée.

Dois-je, ruiffeau chétif, avoir plus de bonheur
Que les dieux mêmes, que les hommes,
Qui trouvent tant d'ingrats dans le fiécle où nous
fommes ?

Mais, que

de m'obliger, & de me faire honneur, Tu penfes faire ton étude,

En fouffrant que, chez toi, je coule en liberté !
C'en eft trop ; je te fuis. Pour être détesté,
C'eft affez de l'ingratitude,

Sans y joindre l'outrage & la fatuité.

FABLE X.

L'Aigle & la Tortue.

D Amoiselle tortue, un jour

S'ennuyant, m'a-t'on dit, de marcher terre à terre,
Pria l'oifeau fameux, qui porte le tonnerre,
De la faire arriver au céleste féjour.

Je ne vois ici bas, dit-elle, que des hommes,
Prefque auffi bornés que nous fommes;
Spectacle, à mon fens, affez plat:

Et je vous avouerai, que j'aurois grande envie
De voir, une fois dans ma vie,
L'olimpe dans tout fon éclat.

De notre impertinente bête,
L'aigle mit à profit la très-folle requête.

Pour l'oifeau du maître des dieux,
La tortue eft un mets fin & délicieux ;
Et celle-ci,.vraiment, étoit de belle taille:

Mais, comment la manger, fans en rompre l'écaille? Voici comme s'y prit l'oifeau malicieux :

Vous avez raison, ma commere,

Et j'aime à voir en vous, dans cette occafion,
Cette noble émulation,

Qui, des grands fuccès, eft la mere....

L'aigle, après ce propos flatteur,
Dans fes ferres prit la tortue;

Et lorfqu'à certaine hauteur,
Dans l'air, avec fa proye, elle fut parvenue,
Sur une roche bien pointue,

La laiffa tomber tout-à-coup:

L'écaille fe brifa; puis fur la même roche
Sans feu, fans cuifinier, fans broche;

L'aigle fit un repas qui la flatta beaucoup.

En fort bonnes leçons, cette fable eft féconde :
Premier avis, lecteur; plûtôt que de courir
Après certain favoir, que Jupiter confonde!
Dans une ignorance profonde,

Choififfons plûtôt de mourir.....

Second avis; il est bien des gens dans le monde,
Qu'il fuffit d'élever, pour les faire périr.

**

FABLE X I.

L'Amour & la Mufette.

A madame FRE COT DE LANTY, qui, depuis fon mariage, avoit extrêmement négligé fon clavecin.

A Vant

que l'Amour, fous l'ormeau,

Au cœur d'Hilas fe fît entendre,

Jamais berger de ce hameau

N'avoit fi fréquemment, ni d'un air auffi tendre
Fait raifonner fon chalumeau.

Mais dès qu'il fut épris de l'aimable Lisette,
Ah! Qu'Hilas devint différent!

Son chien, fon troupeau, fa mufette,
Tout lui parut indifférent.

La mufette, à l'amour, un jour ofa s'en plaindre:
C'est toi, lui dit-elle, c'est toi

Qui t'empares d'Hilas, au point de le contraindre
A ne plus s'occuper de moi.

De tous mes partisans, c'étoit le plus fidéle
Comme le plus chéri ; j'en faifois un modéle,
Et tu me l'as volé : va, je m'en vengerai ;
L'amour a quelquefois befoin que je l'appuie ;
Tu viendras m'en prier; mais l'affront que j'effuie,
Fait que pour toi je me tairai.

Charpentier même, c'est tout dire,
N'obtiendroit pas de moi le moindre petit fon,
S'il s'agiffoit d'une chanfon

Qui pût accroître ton empire.

Là, là, ma belle enfant, dit le fils de Cypris
A la mufette courroucée,

Calme ce vain tranfport, dont ton cœur eft épris;
Ta colere eft injufte, autant que déplacée;
Si, toujours occupé de l'objet de fes vœux,

Depuis qu'il eft amant, Hilas t'a négligée,

Je n'en fuis point la caufe ; & qui plus est, je veux Que par l'amour tu fois vengée.

Ainfi

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