L'ECOLE DU TEMPS, DORANTE. Que faire donc ici ? LA VERITE. L'on s'inftruit; l'on s'occupe... DORANTE. S'inftruire! s'occuper!.. Vous me faites trembler!... Si vous ne venez point ici pour vous inftruire, Quoi! Vous l'ignorez? LA VERITE. Que vous me l'appreniez. Qui. J'attens DORANTE. Il faut vous fatisfaire. Je fuis riche, & n'ai point d'affaire Et je cherche à paffer le tems. LA VERITE. Eh, quoi! Vous n'avez rien à faire ? Chacun doit néanmoins s'occuper dans l'Etat. Chacun a fes devoirs, tout mortel eft comptable.... COMEDIE. DORAN TE. Je vous l'ai déja dit; mon goût Ne s'occupe de rien, & s'amufe de tout. La peine m'eft infuportable. Des affaires, je hais l'affligeant attirail; Et tout ce qu'on nomme travail, Nonchalant par fiftême, ou par tempérament. Ces Hommes engourdis que la pareffe endort; Leur trifte létargie eft pire que la mort. Trop de repos me rend malade; 'Je ne faurois refter dans mon appartement ; LA VERITE'. Mais enfin, votre Emploi ? Et c'eft? DORANTE. Je n'en eûs jamais qu'un. LA VERITE. DORANTE. De n'en avoir aucun. 12 L'ECOLE DU TEMPS, A tuer les momens, je borne mon envie. D'un titre par lequel il fe vit ennobli. LA VERITE'. C'est le vernis par excellence. Une Charge a plongé mes ayeux dans l'oubli. Je fuis resté garçon : Ma methode courante, Sitôt le Soleil a commencé fon cours. 'J'aime toutes les fleurs, j'en ai dans mon parterre, Que l'on viendroit chercher des deux bouts de la Terre. Mon premier foin est d'aller voir, Si Maître Mathurin a bien fait fon devoir. Sur une Platte-bande en forme de Théatre, Je vois l'Oreille-d'Ours dont je fuis idolârre ; Je trouve en bon état mes Oeillets, mon Jasmin; Puis de mon cabinet je reprens le chemin. LA VERITE. Pour vous y confacrer à l'étude, fans doute 53 COMEDIE. DORANT E. Non. L'étude eft un foin que mon efprit redoute. Je fiffle mes Serins perchés dans leur cabanne; Quelle foule de ridicules! DORANTE. Je découpe des fleurs pour orner un Ecran. Je fuis près du Palais Royal, 'J'y vais; quelque temps j'y demeure. Je trouve le Baron homme franc & loyal De lui-même il fe prie à diner : je l'emméne ̧ Le Chevalier qui fe proméne Et je l'affocie au Baron. Chez moi je trouve Orphife ma Coufine Un Gafcon flegmatique appellé d'Archicrac Qui ment par poids & par mefure, Et débite en pailant les Quatrains de Pibrac: Il a pour fon fecond Monfieur de la Céfure, Sur le titre déja l'appétit fe réveille. Mon Cuifinier a fait merveille; Et l'on voit qu'il prend des Leçons Du Livre où l'on a mis les ragoûts en Chanfons. Nous pouffons le repas avant dans la journée : Sur le foir chacun se disperse; A travers tout cela quelquefois l'ennui perce. Dans le fein de la joye, & m'affiége & me glace: Il est à chaque inftant prêt à prendre fa place. Car enfin mon fiftême est des plus à la mode Mais les jours les plus gais font place aux tristes nuits, |